Ligue 1 : passage à 60 000 places, coûts financiers... La mairie de Paris et les dirigeants du PSG peuvent-ils trouver un terrain d'entente pour agrandir le Parc des Princes ?
Un projet commun, deux visions différentes. Si le club et la mairie de Paris s'accordent tous les deux à dire que le PSG doit pouvoir bénéficier d'un stade à la capacité accrue, les moyens diffèrent nettement, notamment quant à son financement. Cela tend les relations entre les deux protagonistes. En pratique, les travaux de rénovation sont techniquement possibles mais chaque partie reste pour le moment sur son pré carré. Et celui du Parc ne s'agrandit toujours pas.
Les passes d'armes entre le Paris Saint-Germain et la mairie de Paris se poursuivent donc, malgré la volonté commune de rénover l'enceinte sportive, conçue dans sa forme moderne par Roger Taillibert, en 1972. Si Anne Hidalgo a déclaré, samedi 14 janvier dans les colonnes du Parisien, que le stade du 16e arrondissement n'était "très clairement pas à vendre", parce qu'il "s'agit d'un patrimoine exceptionnel des Parisiens", la maire de Paris a assuré vouloir "accompagner le PSG dans son envie et son besoin de rénovation, d'augmentation de la capacité, de modernisation du Parc".
Ce à quoi le PSG a répondu dans un communiqué, qu'il a "déjà investi plus de 85 millions d'euros pour entretenir le stade, et s’est engagé à investir 500 millions d'euros supplémentaires", à condition de devenir propriétaire de son écrin, et qu'il doit "trouver des options alternatives pour relocaliser le club, privant Paris d’un investissement majeur pour son attractivité".
L'idylle avait pourtant bien commencé lorsqu'en 2013, le PSG version Qatar Sport Investments (QSI), a racheté la Société d'exploitation Sports et événements (SESE), lui permettant de réaliser des premiers travaux de rénovation, validés par la mairie dans la perspective de l'Euro 2016. "Ces travaux avaient pour objectif d'améliorer l'expérience spectateur, le "back of house", c'est-à-dire la partie opérationnelle qu'on ne voit pas [espaces VIP, vestiaires, sécurité, zone mixte...], et les revenus", explique l'architecte de l'époque, Tom Sheehan. "Avant les travaux, le club enregistrait environ 30 millions d'euros de chiffre d'affaires de billetterie, contre plus de 110 millions après".
Un agrandissement de la capacité techniquement possible
Une multiplication par quatre des revenus, obtenue sans toucher à la capacité du stade. "On a fait 50 millions d'euros de travaux purs, avec un investissement global de 75 millions d'euros", poursuit le natif de San Francisco, qui a dû sortir le Musée National du Sport et les bureaux parisiens du stade, pour en exploiter chaque mètre carré. "Le montant des travaux purs comparé à l'augmentation des revenus, c'est peanuts".
Le Parc des Princes une fois aux normes internationales, la volonté de passer de 48 000 à 60 000 places est venue à la fois du club et de la mairie. "On a démontré que c'était physiquement possible lors de deux études en 2015 et 2019", révèle Tom Sheehan. "Le constat qu'on a fait pour une rénovation lourde d'augmentation de capacité, c'est que c'est soit extrêmement long et périlleux de le faire en site occupé [sans délocaliser les rencontres], ou alors il faut déménager pour deux ou trois saisons".
Dans les deux cas, la marge de manœuvre est limitée, car le Parc des Princes étant situé en partie au-dessus du boulevard périphérique, il est impossible de toucher à sa structure extérieure. "L'augmentation de la capacité du Parc nécessite une emprise au sol plus importante. La réserve de places se situe largement dans l'espace entre les buts et les virages", poursuit l'architecte, précisant qu'il faudrait prolonger la toiture, pour qu'elle couvre les 60 000 places. Sur le plan technique, le PSG pourrait donc procéder aux travaux, mais devrait choisir entre fermer à chaque rencontre un quart de ses tribunes - dont la très lucrative tribune Borelli - sur une durée longue, ou bien délocaliser ses matchs - au Stade de France par exemple - sur un délai plus court.
Une offre de 40 millions d'euros refusée par la mairie
Mais à l'heure actuelle, le business model importe peu, car il faut avant tout que le PSG bénéficie de l'appui politique de la mairie de Paris, pour obtenir un permis de construire. Et c'est là que les débats achoppent, alors que la fenêtre des Jeux olympiques 2024 a été manquée pour trouver un accord financier. Nasser al-Khelaïfi est passé à l'offensive au mois de novembre, en déclarant à Bloomberg, que "la ville de Paris nous pousse à déménager", et à Marca, que le PSG n'est plus "le bienvenu au Parc des Princes". Une sortie qui n'a pas plu à la mairie. "La vente, on ne l'a pas exclue catégoriquement. Mais c'est au juste prix oui", a riposté le premier adjoint, Emmanuel Grégoire, dans les colonnes du Parisien. "Le PSG en propose 40 millions d'euros. C'est moins cher que Paredes. Franchement ?! Vous pensez vraiment que le Parc vaut moins que Leandro Paredes acheté 50 millions d'euros ? Ce n'est pas sérieux".
De quoi agacer "NAK", qui n'a pas hésité à répondre dans L'Équipe début décembre, qu'Emmanuel Grégoire "parle trop", et que "s'ils ne veulent pas accepter notre offre, on part. On ne menace pas. On se serre la main, on remercie la mairie et on se dit au revoir". Cette offre de 40 millions d'euros, formulée "un peu avant l'été 2022", selon l'adjoint aux sports, Pierre Rabadan, est intervenue quand bien même le prix du Parc des Princes est inestimable. "C'est un bien immobilier à part entière", analyse Stéphane Pottier, fondateur de Venue Advisory, une société spécialisée en gestion de stades, et qui a travaillé pour Colony Capital [fonds d'investissement américain propriétaire du PSG entre 2006 et 2011]. "Il a une valeur foncière par le fait que tout type d'investisseur immobilier sait qu'il pourrait développer un autre projet sur ce terrain qu'un stade. Ce qui permettrait d'utiliser des méthodes d'évaluation classiques de l'immobilier. Mais le Parc n'a également pas de réelle valeur car dans une logique d'un transfert de propriété à un club, sa valeur n'est liée qu'à la présence du PSG".
L'option d'un bail emphytéotique longue durée ?
Si le club et la mairie ne peuvent s'accorder sur un prix, le deal idéal peut alors être celui d'un bail emphytéotique à long terme, dont la valeur maximale est de 99 ans. "Le PSG a créé son histoire au Parc des Princes", plaide Pierre Rabadan. "Nous sommes évidemment prêts à regarder tout ce qu'il est possible de faire, à l'exception d'une vente, y compris un bail de beaucoup plus longue durée que la convention actuelle de 35 ans, qui avait été faite pour amortir les travaux avant l'Euro 2016". Alors que l'élu et ancien joueur de rugby à XV n'a "même pas étudié la première proposition à 40 millions d'euros", il a peu goûté les récentes sorties dans la presse de Nasser al-Khelaïfi. "Ça ne ressemblait pas tellement aux échanges qu'on avait traditionnellement avec le club et Jean-Claude Blanc [le directeur général du PSG, qui va rejoindre Ineos en février 2023]".
Quand le club parisien accuse la mairie de vouloir faire peser "des dizaines de millions d'euros à la charge des contribuables parisiens pour maintenir la structure d’un stade qui a plus de 50 ans et a besoin d’une rénovation complète", Pierre Rabadan rappelle que "dans le cadre du contrat qui nous lie avec le Parc des Princes, on a des travaux qui reviennent à la ville de toute façon. C'est ce qu'on appelle les travaux du propriétaire". Et d'ajouter : "Entre des travaux d'entretien ou de rénovation, pour pouvoir continuer à exploiter le stade, et des travaux d'agrandissement, ce sont deux choses totalement différentes en termes d'ampleur. Ils [Le PSG] ont tout intérêt à démontrer que s'ils avaient acheté le stade, ça ne coûterait plus rien à personne. Mais c'est leur position".
"Favorable" à un agrandissement du Parc des Princes à "57 000 places", l'adjoint aux sports souhaite reprendre vite les discussions autour des deux scénarios de travaux (en site occupé ou déménageant), pour "voir ce qui est le moins impactant pour le PSG, d'un point de vue économique et sportif". Pas inquiet par "l'aspect écologique et la réduction de l'empreinte carbone" dans le futur cahier des charges des travaux d'agrandissement, Pierre Rabadan conclut sur une note d'espoir. "J'espère que tout ça ne sera qu'une péripétie et que chacun ira au-delà des déclarations que j'ai pu lire. On reste le partenaire institutionnel et la ville qui accueille le PSG. On en est très fiers et on espère que ça va continuer pour de longues années". Un vœu partagé aussi par Emmanuel Grégoire, mardi 17 janvier, lors d'une conférence de presse : "Il n'est pas envisageable que le PSG joue ailleurs qu'au Parc des Princes, ce n'est pas souhaitable, et franchement, nous ne l'envisageons même pas".
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