Cet article date de plus de huit ans.

"On débouche le champagne pour les matchs nuls" : le chemin de croix des supporters de Troyes, dernier de L1

Le club n'a remporté aucun match en 20 journées de Ligue 1, un record. Chaque samedi, pourtant, ses supporters se disent : "Cette fois, c'est la bonne". 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Jean-Marc Furlan, alors entraîneur de Troyes, lors d'un match (perdu) face à Lyon, le 31 octobre 2015. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Troyes, 20e et dernier de Ligue 1, n'a marqué que 8 points. Son bilan : 0 victoire, 8 nuls, 12 défaites, 11 buts marqués, 39 encaissés. L'équipe a même battu un triste record, celui de la plus longue série sans victoire en Ligue 1, tous clubs confondus. Bons derniers, lâchés à 12 points du 19e, les amoureux du club vivent une année difficile. Le cauchemar pourrait continuer avec la réception de Rennes, samedi 16 janvier. 

"Pourvu qu'on ne soit pas ridicules..."

Le début de la fin, c'était le 22 mai 2015. Un soir de triomphe. Le jour où Troyes (Aube) célèbre sa montée en Ligue 1 en grande pompe. Le club a survolé le championnat de Ligue 2, reléguant son dauphin à 13 longueurs. Rameutés par Michèle Laroque, la compagne du sénateur-maire de la ville, François Baroin, les VIP se pressent. Cyril Hanouna pose avec l'écharpe du club.

Les joueurs sont ensuite reçus à la mairie, où François Baroin déclare, au micro, vouloir baptiser une rue du nom de Benjamin Nivet, l'icône du club. "Quand j'ai vu ce faste, j'ai trouvé que ça faisait un peu too much. Je me suis dit : 'Pourvu qu'on ne soit pas ridicules en Ligue 1'", confie Rémi, un supporter converti de fraîche date (quatre ans) à cause de ses enfants, des aficionados du club. 

Les promesses non tenues du président

L'oiseau de mauvais augure voit juste. Pendant les vacances des joueurs, la gestion du club est montrée du doigt par la DNCG, le gendarme financier du foot français, qui avait fait des misères à Lens et à Luzenac la saison précédente. Dans le collimateur, les primes de matchs et de titre, qui ont pulvérisé le budget. Incroyable mais vrai : en finissant comme prévu dans le ventre mou de la L2, Troyes n'aurait pas eu de souci financier.

"Je revois encore le président nous assurer qu'on passerait une intersaison tranquille, qu'on aurait une bonne équipe et qu'on finirait dans le milieu de tableau de L1", dénonce Maxime. Ce supporter de 21 ans est tombé dans la marmite du supportérisme à l'âge de 6 ans. Le jour où son père l'a emmené au stade, à l'automne 2001, pour un premier tour de coupe UEFA, remporté 6-1 contre le club slovaque MFK Ruzomberok. C'était l'âge d'or de Troyes, celui des épopées européennes et des matchs de légende contre Leeds United ou Newcastle. 

La Ligue 2, la vraie place de Troyes ?

Époque révolue. "Pour moi, une ville comme Troyes, avec ses 120 000 habitants si on compte l'agglomération, a davantage sa place en Ligue 2", se désole Maxime, fataliste. "Nous sommes à Troyes, une ville moyenne. Avec notre budget, il est compliqué d'exister à long terme en Ligue 1, renchérit Christophe, qui ne rate jamais une rencontre au stade de l'Aube, et qui sera de la réception de Rennes. Quand on aime sa ville et le foot, à la limite peu importe la division, la passion reste intacte."

Christophe fait figure d'exception, tout comme le service commercial du club qui y croit encore et commercialise un abonnement de demi-saison pour la phase retour. Les tribunes sont pourtant de plus en plus clairsemées au fur et à mesure des défaites. Ceux qui restent ne croient plus guère à un hypothétique maintien. "Je ne suis même plus en colère quand on perd. J'étais plus rageur en Ligue 2, les rares fois où on ne gagnait pas", s'étonne Rémi. "Chaque semaine, j'ai l'impression que je répète : 'cette fois-ci, c'est la bonne'", s'amuse Sébastien Arbona, président du club de supporter Kop D-Tricasses. Le club a dû se séparer de ses meilleurs joueurs et bâtir une équipe de bric et de broc. Des limites criantes en Ligue 1, malgré une qualité de jeu indéniable. "Quand on a affronté Monaco, et qu'on a tenu le nul à 10 contre 11 pendant tout le match, on pouvait légitimement se demander quelle était l'équipe avec 250 millions d'euros de budget...", abonde Sébastien Arbona.

Silence, on coule

Pourtant, aucun incident à signaler. Contrairement à Auxerre en 2011-12 ou à Lens en 2014-15, le naufrage a lieu en silence. "Je me suis fait la réflexion que si un autre club était dans notre situation, les incidents se seraient multipliés depuis longtemps", note Peter Morel, porte-parole des Partisans troyens, un des clubs de supporters. Quelques insultes, tout au plus, contre les joueurs, l'entraîneur, et un fort ressentiment contre le président. Le vertige, aussi, devant les performances d'Angers, camarade de promotion, 34 points et actuel dauphin du PSG. Et ce avec grosso modo le même budget que l'Estac.

Les supporters de Troyes lors d'un match contre Guingamp, le 3 octobre 2015, au stade de l'Aube. (FLORIAN MARE / FLORIAN MARE)

Les supporters troyens se raccrochent à des objectifs plus modestes pour leur fin de saison. Gagner au moins un match. Engranger au moins 18 points, pour laisser au Lens de 1988-89 son triste record de 17 points sur une saison. Aller loin en Coupe de France. Faire mieux que le Hellas Vérone, qui vit en ce moment le même type de traversée du désert en Série A italienne. "Au début de la saison, on avait mis des bouteilles de champagne au frais pour les victoires. Depuis le temps, on les a ouvertes pour d'autres occasions. Même pour les matchs nuls", sourit Rémi. 

Peter Morel a lui aussi sa bouteille au frais, tradition régionale oblige. Et il la garde pour une grande occasion. "La plus belle façon de l'ouvrir serait de gagner le derby contre Reims !" Heureusement, pour la suprématie régionale, Reims est également mal en point (17e, 21 points), et fait figure de candidat idéal pour la descente. Même dernier, le Troyen demeure chambreur : "Ça fera au moins un court déplacement pour la saison prochaine en Ligue 2."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.