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Voyage au pays du ballon rond (1/5) : la Normandie collée à la peau

Le football occupe une grande place dans leur vie. Voici un tour de France dans le cœur des supporters, réalisé à l'occasion de la 14e journée de Ligue 1. Première étape à Caen.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Rendez-vous à Caen, première étape de notre tour de France des supporters. (PASCALE BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

Moustaches rousses et tee-shirt noir "MNK96". Le voilà. "Olaf" déboule à vélo, sur le parvis du stade Michel-d'Ornano, fief du SM Caen. Ce mercredi 19 novembre, des affichettes de Ouest France narguent les Caennais avec une affaire de match arrangé. "J’ai déjà eu plein de journalistes au téléphone et ça n'arrête pas. Allez, viens." Le pâtissier a les traits tirés. Il fait partie de la France qui se lève tôt, à 4h30 du matin.

Après quelques mots au gardien, le voici au beau milieu des gradins, au cœur de sa "seconde maison". Son groupe de supporters, le Malherbe Normandy Kop, a même récupéré un meuble dans l’ancienne boutique du club, pour y vendre des gadgets les jours de match. A chaque rencontre, des milliers de convives répondent aux chants d’Olaf, "capo" de la tribune Luc-Borrelli – du nom de l'ancien portier du SM Caen, mort en 1999. "C'était un ami. La dernière fois que j'ai pleuré dans un stade, c'était lors de l'inauguration d'une plaque commémorative, en présence de sa famille."

"Je suis resté planté, scotché par l'ambiance"

D'Ornano est un chouette stade de foot, avec des tribunes collées au terrain. Mais il y a quand même un détail qui cloche. Les sièges sont verts et rouges, alors que Caen joue en bleu et rouge. "Franchement, les gars qui ont fait des années d'études pour ça... Ou alors, ils sont tous daltoniens ?" C'est ainsi, les amateurs de foot sont très attachés aux symboles. En 2009, déjà, Olaf a fait tout un foin quand le président Jean-François Fortin a voulu supprimer les traditionnelles rayures du maillot bleu et rouge.

Alors que ce dernier est mis en cause dans une affaire de match arrangé contre Nîmes, Olaf a cette fois décrété l'union sacrée. Des salariées grillent une cigarette sur le bitume : "T’en penses quoi de tout ça ?" Olaf hausse les épaules. "On n'a rien à se reprocher." Ici, tout le monde le connaît. Le quadragénaire est tombé dans la marmite tout petit, en août 1988. C'était une défaite contre Monaco, dans l'ancien stade de Venoix. "J'ai monté quelques marches, puis je suis resté planté, scotché par l'ambiance. Comme un coup de foudre."

Agé de 43 ans, "Olaf" montre les bras dans le local des MNK, à Caen (Calvados). (FABIEN MAGNENOU / FRANCETV INFO)

Le nouveau stade aussi fait battre les cœurs, puisqu'Olaf a rencontré sa compagne dans les gradins, lors d'un déplacement à Angers. "Elle était là depuis des années, tout en haut des tribunes." En presque vingt ans d'existence, une demi-douzaine de mariages ont eu lieu grâce au MNK, selon RoméOlaf.

Avec le déménagement, en 1993, le stade de Venoix a pris un coup de vieux. Le couloir des vestiaires est fermé. Pour plonger dans l'ambiance de l'époque, Olaf me plaque au mur, front contre front. "Ici, les matchs, on les gagnait comme ça, avant même d'entrer sur le terrain." Ce serait grâce à deux Anglais, Graham Rix et Brian Stein, car ils "ont apporté le fighting spirit", explique-t-il en prenant l'accent british. Olaf a toujours apprécié le foot britannique et la culture anglo-normande. Son premier groupe de supporters s'appelait les Gunners, en hommage à Arsenal.

Le folklore contre l'aseptisation des stades

Le MNK96 a emménagé deux semaines auparavant dans un nouveau local, après avoir été viré de l'ancien par la maire. Les membres du groupe seraient trop bruyants, paraît-il. Dans le local, trois jeunes gens imaginent un tifo, une grande animation colorée en tribune, avec un stylo et un bout de papier à la main. Il y a un canapé, un frigo, quelques écharpes bleu et rouge, un aquarium. C'est déjà ça. La plupart des groupes de supporters n'ont aucun lieu pour se réunir.

Olaf s'emporte contre Frédéric Thiriez, le président de la Ligue, accusé de vouloir aseptiser les stades. "Chaque supporter défend les couleurs de son club, de sa ville, de sa région." Redoutant de voir le football devenir un simple divertissement, il défend le folklore et les rivalités géographico-footballistiques. A Caen, les principaux adversaires sont Le Havre – rivalité normande oblige – et Rennes – "Je te rappelle que les Bretons et les Normands se sont foutus sur la gueule pendant des siècles."

Les Cats plutôt que le coq

Olaf a la Normandie collée à la peau. Littéralement. Il porte un tatouage des "Treii Cats" sur le biceps gauche. En traversant la Prairie de Caen, cette vaste étendue verte au cœur de la ville, Olaf récite un cours d'histoire, où il est question de Guillaume le Conquérant, de la bataille d'Hastings, de la reine Elizabeth II – "encore aujourd'hui, elle est 'Duc' de Normandie !" – ou de la Tour de Londres fabriquée en pierre de Caen… "C'est ce qu'on apprend aux jeunes du groupe, ceux que tu as vus tout à l'heure, par exemple." Lors de la création du MNK, certains membres ont rejoint le groupe pour cette identité revendiquée, et sans même apprécier le foot.

Les jours de match, le drapeau normand est fièrement hissé, pas le drapeau tricolore. Les Bleus laissent Olaf de marbre. "Franchement, hier, je n’ai même pas regardé le match amical de la France contre la Suède." Par contre, il trouve stupide de siffler La Marseillaise, comme certains Bastiais, lors de la finale 2009 de Coupe de France. "Si tu suis la logique jusqu'au bout, dans ce cas-là, tu joues pas cette coupe."

Sans surprise, la plupart des 130 maillots de sa collection viennent de clubs britanniques. Ils sont tous accrochés dans une penderie, classés par ordre alphabétique et par saison. Il y a quelques années, le fan avait emporté son maillot de Caen pour le faire floquer en Angleterre, faute de trouver un endroit en France. Voilà comment le lion de la Premier League atterrit sur le dos d'une équipe française. En bon Viking, Olaf aussi a son trésor.

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