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Voyage au pays du ballon rond (3/5) : 700 km de train pour 90 minutes à Metz

Le football occupe une grande place dans leur vie. Voici un tour de France dans le cœur des supporters, réalisé lors de la 14e journée de Ligue 1. Troisième étape, à Metz.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Rendez-vous à Metz (Moselle), troisième étape de notre tour de France des supporters. (PASCALE BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

Quand son équipe joue à domicile, Julien se déplace à l'extérieur. Ce commercial de 26 ans vibre en effet pour le FC Metz alors qu'il est installé à Nantes. Ce vendredi 21 novembre, il s'apprête à parcourir 700 kilomètres à travers la France pour voir la rencontre contre le PSG. "C’est cool que tu sois là parce que cinq-six heures de train, c’est un peu long, hein. Heureusement, j’ai pris des DVD pour le retour, dimanche."

En attendant, il poursuit sa journée de travail à bord du TGV. Julien pose son sandwich et son agenda sur la tablette, avant d'envoyer des mails professionnels et d'appeler des clients. "Un jour, quand j'étais étudiant, mon frère m'a dit : 'Ce n'est pas le FC Metz qui te fera gagner de l'argent.' Sur le coup, je n'ai pas réagi, je me suis demandé pourquoi il me faisait cette réflexion."

Les buts de Metz pieusement conservés sur disque dur

Loin des yeux, mais près du cœur. "Je suis un expat' ! Et comme je ne suis pas dans l'atmosphère de la ville, je me sers à fond d'internet." Chaînes de sport, sites et forums spécialisés... Heureusement, les supporters de foot sont de plus en plus gâtés. "En 2000, je me souviens d'un type qui publiait tous les résumés de feu TPS sur un forum de Metz, avec les commentaires. Il faisait lui-même le montage. A l'époque, tout le monde téléchargeait en 56 ko. On mettait vingt-quatre heures pour télécharger le résumé !"

Aujourd'hui, il conserve tous les buts de Metz sur un disque dur. Grâce à son téléphone, il est au courant dès qu'un joueur publie un commentaire sur Facebook. "Tiens, Jérémy Choplin a posté un truc. Il demande aux supporters de soutenir l'équipe."

Le groupe compte autant que le club, sinon plus

Julien connaît la plupart des stades de France, à force de partir en "dép'" avec la Horda Frénétik, le bouillant groupe de supporters de la tribune Est. "Je me souviens d'un déplacement de Coupe de France à Troyes, un match tout pourri. Une voiture devait partir de Metz et nous rejoindre avec les banderoles, mais elle a crevé. On est allés acheter une nappe blanche en papier. Et comme j'avais des cartouches d'encre avec moi, on a trempé nos doigts pour tracer "HF97." 

  (FABIEN MAGNENOU / FRANCETV INFO)

Un type se balade avec un sweat aux couleurs du PSG, dans le couloir du métro. Julien traîne le regard avec insistance, sans même s'en rendre compte. Ce supporter ultra annonce la couleur, accoudé à la voiture-bar du second train : le groupe compte autant que le club, sinon plus. "J'ai un placard où je garde le moindre t-shirt depuis que j'ai 10 ans. J'ai aussi dix-quinze écharpes du groupe Horda, aucune du club. En fait, on préfère montrer notre attachement au groupe qu'au club."

"Nous sommes une population test pour la répression"  

Le mouvement ultra est né en Italie, avant d'atterrir à Marseille en 1984, avec la création du Commando Ultra. Aujourd'hui, il existe des dizaines de groupes dans toute la France. Chants, drapeaux, gestuelle… Ce sont eux qui mettent l'ambiance dans les stades, pendant 90 minutes non-stop. Leur approche radicale leur vaut parfois des relations tendues avec le club et les forces de l'ordre. 
 
A l'arrivée à Metz, le week-end est officiellement lancé. Julien file dans un bar où sont massés une soixantaine de supporters ultras de Metz, tous vêtus de noir. Il y a justement six Italiens venus spécialement de Cesena, pour honorer une amitié transfrontalière entre supporters. Puis, d'un coup d'un seul, le groupe se met en branle, en semant des pétards le long de la route.
 
Un peu avant de traverser le canal de la Moselle, les CRS lancent du gaz lacrymogène. Certains supporters arrivent en pleurs au stade. "Nous sommes une population test pour la répression, estime Julien. Un gars s'est fait cueillir par la police chez lui à 6 heures du matin pour avoir lancé un siège par-dessus un grillage." 

Les supporters aussi font grève

Les membres de la Horda sont très marqués à gauche et se définissent comme "antifas". Au stade, ils font face à la Génération Grenat, classée très à droite. Mais les groupes de supporters lorgnent surtout vers le syndicalisme. Ce soir, la Horda fait la grève des encouragements, pour réclamer une meilleure considération de la part des dirigeants du club. Sans compter le prix des places et l'état des WC. Julien a donc traversé la France pour se taire pendant 90 minutes.
 
Saint-Symphorien est un beau stade, au charme un peu suranné. Pour utiliser les toilettes, en effet, il faut être au bout du rouleau ou porter des bottes. "On n'oblige personne à se taire, mais par respect pour la Horda, s'il vous plaît..." rappelle le capo avant le match, lui qui est chargé d'habitude de lancer les chants.
 
Julien est près de tout lâcher, mais il tient bon. Rien, nada, même sur les deux buts messins d'habitude célébrés par une "descente". Pour prévenir ces mouvements de foule, certains stades ont installé des rampes, comme La Beaujoire ou Geoffroy-Guichard. De toute façon, avec la grève, on entend presque le bruit du ballon.

Après cette défaite contre le PSG, Julien n'évoque pas beaucoup le match, et pour cause. "Un mauvais résultat peut me flinguer la semaine."

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