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Voyage au pays du ballon rond (5/5) : à Montpellier, des ultras "acteurs plus que spectateurs"

Le football occupe une grande place dans leur vie. Voici un tour de France dans le cœur des supporters, réalisé lors de la 14e journée de Ligue 1. Cinquième étape, à Montpellier.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Rendez-vous à Montpellier (Hérault), cinquième et dernière étape de notre tour de France des supporters. (P. BOUDEVILLE / FRANCETV INFO)

A Montpellier, le match est prévu à 17 heures. Le stade de la Mosson a bu la tasse lors des inondations d'octobre. Le président "Loulou" Nicollin et ses joueurs ont donc pris leurs quartiers au stade Yves-du-Manoir, traditionnellement dédié au ballon ovale. Un peu à l'écart, près du "Bosquet", les membres de l'Armata Ultras ont sifflé le début de l'apéro, avec de la bière ou des alcools plus ou moins costauds. "Ah oui, tu es le journaliste, j’ai vu ça sur le forum." Le capo du groupe est en forme. "Johnny Hallyday fait des gargarismes au champagne avant d’entrer au scène, nous aussi, on a du carburant."

Quatre "grands chelems" à son actif

Ce n'est pas très pratique à l'écrit, mais il faut appeler leur président "2002". Le groupe a été créé cette année-là, raison pour laquelle beaucoup de membres portent le sigle "MMII". Il est vêtu d'un jean et d'un haut noir. "On s'habille comme ça pour se différencier des 'Footix', ceux qui viennent tout en couleurs, avec le maillot et l'écharpe officiels du club. Mais on n’a rien contre eux, hein." Cet agent territorial de 30 ans compte déjà quatre "grands chelems" à son actif : tous les matchs à domicile et à l'extérieur d'une saison. En championnat, en coupe de France et en coupe de la Ligue.

  (F. MAGNENOU / FRANCETV INFO)

Déplacements en minibus, billets, alcool et nourriture… Il évalue la facture annuelle entre 1 500 et 2 000 euros, "soit un gros gros mois de salaire". C’est une passion, ou plutôt une "addiction". Il passe une heure par jour à regarder les photos des tribunes étrangères ou à consulter les forums spécialisés, pour s'inspirer de ce qui se fait ailleurs, en Argentine ou en Italie.

Comment sécher une banderole la nuit sur un parking

Un peu plus loin, un autre groupe de supporters prend l'apéro : la Butte Paillade 91. Ce sont un peu les grands frères de l'Armata. Beaucoup passent serrer la main, dont le fameux Casti. Il y a deux ans, ce jeune homme a perdu un œil, victime d'un tir policier de flashball. Cette fois, sur son cache-œil, il a griffonné "BP91" au marqueur. Ce jour-là, quelques membres de l'Armata portent justement un tee-shirt "Justice pour Casti", deux mois après une marche de soutien, sur le chemin de la Mosson.

Des supporters de Montpellier brandissent une banderole, samedi 27 septembre 2014, deux ans après qu'un des leurs a perdu un œil à cause d'un tir policier de flashball. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Les ultras sont souvent montrés du doigt pour leur responsabilité dans des incidents. 2002 a déjà été suspendu de stade pendant une saison, pour avoir fait usage de fumigènes. “On n'est pas forcément des enfants de chœur. On a une tribune extrême et active, avec quelques excès, concède le président du groupe. Si on reçoit Nîmes, par exemple, on parle de 'territoire' à défendre, même si ce mot peut paraître un peu barbare pour ceux qui ne sont pas dans notre état d'esprit."

Un peu plus tard, Dony le capo nuance le nombre d'incidents. "La violence est en marge. Il y a un, deux ou trois incidents par saison, pas plus. Ça reste minime." Bien en-deçà du samedi soir en boîte, selon lui. Les principaux membres de l'Armata assurent être sur écoute. Un jour, pour jouer un peu, l'un d'eux appelle un camarade et invente la présence d'un groupe d'Anglais à La Grande-Motte : "Rendez-vous là-bas, on va se le faire." La plaisanterie fait mouche, puisque "des voitures de police ont tourné tout l’après-midi".

"Certains hésitent à parler de leur activité dans un groupe ultra", admet néanmoins Dony. Pour eux, c'est surtout beaucoup de temps et d'énergie, afin d'assurer le spectacle les jours de match. Un soir, en hiver, ils passent deux heures avec un sèche-cheveux, pour tenter de sécher une banderole fraîchement peinte sur le béton d'un parking.

"On a une influence sur le cours du jeu"

Justement, l'heure tourne ; il est grand temps d'aller faire la mise en place. 2002 savoure. "Chaque match est différent. Les heures qui précèdent, il y a toujours une forme d'excitation, ce même besoin d'être en tribune. J'espère être pareil dans dix ans, même si je me serai sans doute un peu assagi." Au pied de la tribune Murrayfield, deux files leur sont réservées, pour faciliter l'entrée. Ils foncent installer leurs bâches, sous l'œil attentif des stadiers.

Le groupe s'autofinance. Mais la vente de stickers, de vêtements ou même de feuilles à rouler King Size Slim n'a pas suffi. "On est dans le rouge là, du coup on fait moins de tifos", ces grandes animations colorées en tribune. Ici comme ailleurs, l'argent est le nerf de la guerre. Pour les 10 ans du groupe en 2012, le spectacle avait coûté à lui seul 2 500 euros et nécessité quatre mois de préparation, pour trois petites minutes de feu avant le match.

Mais parfois, tout ne se déroule pas comme prévu. Au moment du coup d'envoi, lors d'un match récent, l'Armata a prévu 600 rouleaux utilisés pour les tickets de caisse. Mais un petit malin balance le sien bien en avance, vite imité par des dizaines et des dizaines de spectateurs. L'effet est un peu raté.

Cette fois-ci, le stade Yves-du-Manoir met du temps à se remplir, mais quelques courageux sont déjà torse nu. Au début de la rencontre, le kop chante en refrain :

"Je suis tombé amoureux,
de ce maillot orange et bleu.
Bleu, c’est la Méditerranée,
orange, le soleil au coucher."

Tambours, chants... L'Armata conserve le rythme pendant 90 minutes, presque sans interruption. "Nous, les ultras, nous sommes des acteurs davantage que des spectateurs. Je pense qu'on a une influence, même minime, sur le cours du jeu", estime 2002. Vraiment ? "Ecoute, je me souviens du match pour l'accession, en mai 2009, contre Strasbourg. Il y a eu penalty en faveur des Alsaciens, juste devant la Butte. Là, toute la tribune siffle l’attaquant, tire sur le grillage, lance même quelques projectiles… Eh bien, le gars s'est raté."

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