Londres 2012 : des Jeux "inoubliables", vraiment ?
"Joyeux", "glorieux"… Lors de son discours de clôture des JO d'été, le président du CIO ne s'est pas montré avare de compliments. Sont-ils justifiés ?
Comme lors de chaque cérémonie de clôture, le président du Comité international olympique a passé la brosse à reluire sur le pays hôte. Contrairement à son prédécesseur Juan Antonio Samaranch, Jacques Rogge ne s'est pas félicité des "meilleurs Jeux olympiques de l'histoire", mais y a quand même été de sa formule laudatrice. Londres 2012, ce furent d'après lui "17 jours inoubliables", des "Jeux joyeux et glorieux" qui ont montré au monde "le meilleur de l'hospitalité britannique". A ce point ?
"Inoubliables" pas que pour les bonnes raisons
L'ex-recordman du monde des 200 et 400 m Michael Johnson a dit avoir assisté à "la plus belle compétition d'athlétisme jamais vue". La piste, très rapide, du stade olympique de Londres a aidé les athlètes à se surpasser (plus de la moitié des épreuves se sont conclues plus vite, plus haut ou plus loin qu'à Pékin) et à battre quatre records du monde. Les compétitions de natation resteront dans les mémoires grâce au record de médailles de Michael Phelps. Les fans d'aviron ou d'équitation ont aussi trouvé leur compte. Côté français, cocorico en handball, judo et natation.
Mais des fausses notes, il y en a eu. Pour l'anecdote, des matchs de basket à 9 heures du matin et les pannes d'oreiller qui vont avec. Et, plus sérieusement, la controverse autour des disqualifications à deux vitesses : plusieurs équipes britanniques ont délibérément triché ou décortiqué le règlement pour obtenir un avantage. Autre cas qui a fait débat : les joueuses de badminton chinoises ont pris la porte pour avoir perdu exprès, mais pas les basketteurs espagnols qui ont lâché un match face au Brésil.
Une météo banale
La météo ne restera pas dans les annales et c'est tant mieux : certains promettaient quinze jours de déluge sur la capitale britannique, il n'en a rien été. Tout au plus une petite averse ou un crachin rafraîchissant.
Mais la température a joué au yo-yo : très froid en début de deuxième semaine pour les épreuves d'athlétisme, avant de frôler une canicule (relative) à la fin des Jeux.
Un parc olympique un peu cheap
Difficile de se défaire de l'impression d'avoir assisté à des Jeux en préfabriqué. Loin des infrastructures grandioses de Pékin qui, avec le Nid d'Oiseau et le Water Cube, a marqué les mémoires, les stades de Londres font un peu bâclés. La Basketball Arena, où s'est déroulée la finale victorieuse des Experts, n'est rien d'autre qu'un Algeco géant avec des échafaudages en guise de tribunes et des murs en plastique. L'ambiance était au rendez-vous ; le décorum un peu moins. Normal, puisqu'une partie des installations a vocation à être démontée, direction les JO de Rio, au Brésil, en 2016.
La nourriture, qu'on promettait "savoureuse et variée", ne fera pas non plus date. Sous des tentes se côtoyaient nourriture décongelée estampillée "mexicaine" et bière à prix prohibitif, un bar à champagne et à fruits de mer - ovni culinaire onéreux - et un McDonald's démontable capable d'absorber 20 clients à la minute aux heures de pointe.
Une "joyeuse" ambiance… patriote
Entre le solo de piano de Mister Bean le 27 juillet et la résurrection des Spice Girls le 12 août, la Grande-Bretagne s'est appliquée à donner au monde l'image d'un pays fier de sa culture et de ses sportifs. La Team GB, qui a survolé les Jeux, le lui a bien rendu en se hissant à la 3e place du classement des médailles. Et même l'Ecossais Andy Murray, qui a décroché l'or au tennis, n'a pas rechigné à entonner God Save The Queen sur le podium.
Revers de la médaille : le public local, qu'on espérait plus fair-play, a pu déplaire par son chauvinisme. Notamment dans le vélodrome olympique, où tout champion autre que britannique était ignoré, voire conspué.
Petite forme pour le business
Dimanche soir, on se bousculait encore dans le supermarché John Lewis, en face du Stade olympique, seule chaîne de magasins autorisée à vendre le merchandising officiel. Dans son Olympic Shop, on faisait la queue sur plusieurs dizaines de mètres, entre l'équipe de handball hongroise et des athlètes italiens A l'intérieur, que des produits hors de prix : comptez par exemple 10£ (12,7€) pour un bus à impériale miniature estampillé London 2012.
Les organisateurs n'ont pas encore revu à la baisse leur objectif d'un milliard de livres avec la vente de souvenirs, d'après le site britannique Retail Week (article abonnés), alors que dans les boutiques qui vendent (bien moins chers) des produits non-officiels, comme à Covent Garden, on fait grise mine. Habituellement bondé, Oxford Street, le cœur commerçant de la capitale, était désert pendant la durée des Jeux. Les commerçants du centre ville qui avaient misé sur l'évènement en sont pour leurs frais : partout, on solde à -75% une marchandise obsolète en quinze jours.
Ambiance détendue
Les volontaires ont déployé des trésors de bonne volonté pour faire passer la pilule des contrôles façon aéroport à l'entrée du parc olympique. Et le dernier jour, dimanche 12 août, les militaires déployés dans la ville passaient plus de temps à se prendre en photo ou à discuter qu'à contrôler les spectateurs. "Au fait, vous avez sonné en passant sous le portique ? Non ? C'est bon, allez-y !"
Il n'était pas non plus rare de croiser des athlètes, même à des kilomètres du village olympique. Dimanche, la sauteuse en hauteur espagnole Ruth Beitia avait choisi Covent Garden pour son dernier déjeuner à Londres. Reconnaissable à son survêtement (hideux), elle a posé de bonne grâce avec les badauds, malgré la déception d'avoir fini au pied du podium la veille. Elle a croisé l'équipe néerlandaise de voile, en opération shopping dans le même quartier avant de rentrer au pays.
"Une ville qui a accueilli les Jeux olympiques ne sera plus jamais la même", a estimé Sebastian Coe, grand patron du comité d'organisation, dans le Guardian (en anglais). Certes, le "feelgood factor" va demeurer quelques temps, avant que les inévitables hausses d'impôts et la crise économique ne viennent doucher l'ambiance. Mais ça, Jacques Rogge ne l'a bien sûr pas évoqué.
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