Championnats d'Europe de judo : Clarisse Agbégnénou loin des tatamis, Manon Deketer pour enfin briller
Enceinte, Clarisse Agbégnénou ne briguera pas de sixième titre continental ce week-end à Sofia, laissant une place en sélection tricolore dans la catégorie des -63kg, longtemps restée inaccessible, à Manon Deketer.
Depuis 10 ans, elle est reine en son royaume. Quintuple championne du monde, couronnée aux Jeux olympiques de Tokyo, cinq fois championne d'Europe, Clarisse Agbégnénou a fait de la catégorie des -63 kg sa chasse gardée. Mais pour la première fois depuis 2012, la place en équipe de France est libre. La championne, qui attend son premier enfant, ne sera pas sur les tatamis de Sofia (Bulgarie) lors de l'Euro qui se tient jusqu'au 1er mai. Profitant de son absence, Manon Deketer entend saisir sa chance dans cette catégorie qui combat samedi 30 avril. En coulisses, l'équipe de France travaille pour garder la cadence dans cette catégorie qui ne compte plus ses médailles.
Manon Deketer a la voix presque timide au moment de la comparaison avec Clarisse Agbégnénou. À 24 ans, la judokate est sélectionnée pour la première fois en équipe de France à l'occasion des championnats d'Europe. Elle ne sort pourtant pas de nulle part. A son actif : une troisième place au Grand Slam de Tel Aviv cette saison, le titre de championne de France, et plusieurs podiums en European Cup. Mais à l'échelon supérieur, la place est prise. Incontestablement. “J'ai la chance d’être alignée parce que Clarisse n’est pas là. C’était une surprise car on a une équipe de France très costaude, je ne m'attendais pas forcément à être sélectionnée", souligne-t-elle.
Avec des figures tutélaires au palmarès écrasant en équipe de France, difficile de rêver de sélection internationale. "L'absence de Clarisse permet à Manon de disputer son premier championnat officiel. Il faut qu’elle saisisse sa chance", explique Larbi Benboudaoud, sélectionneur des Tricolores. S'il y a normalement un seul combattant par catégorie de poids, deux tickets supplémentaires sont alloués à l'équipe de France pour former un doublon dans des catégories particulièrement relevées. Ce n'est pas le cas des - 63 kg, où un fossé sépare Clarisse Agbégnénou de ses poursuivantes.
En 2016 et 2021, années olympiques où Clarisse Agbégnénou avait fait l'impasse sur l'échéance continentale, le siège en équipe de France était même resté vacant en -63kg, faute de remplaçante jugée au niveau par la fédération. Tout un symbole.
Changer de catégorie par dépit ?
Depuis 2012, Clarisse Agbégnénou s'est lancée dans une razzia de médailles, n'hésitant pas à griller la politesse à Gévrise Emane, championne du monde de la catégorie, lors des mondiaux de 2013. On pourrait se demander si, de dépit, ses rivales n'ont pas quitté la catégorie ou même jeté l'éponge. Ce serait pourtant faire fausse route.
"C’est une catégorie très concurrentielle mais je n'ai jamais pensé à en changer, évacue d'emblée Manon Deketer. Je suis depuis des années et des années chez les -63kg, je ne me vois pas du tout monter ou descendre de catégorie. C’est pour moi impossible.”
En 2017, Margot Pinot, sacrée championne olympique en équipe cet été à Tokyo, avait bien passé une tête dans la catégorie, accrochant une médaille d'argent au championnat d'Europe. Elle était néanmoins retournée en -70 kg dès la saison suivante. "C’est l’athlète qui décide de sa catégorie, c'était un choix de sa part. Mais je pense que, même si elle était forte, Clarisse avait un peu bouché la catégorie. Donc elle a saisi l’opportunité de monter en -70kg. Quand tu es forte en -63kg, tu l'es en -70 kg", souligne Larbi Benboudaoud au sujet de Pinot.
Gagner sa place
Manon Deketer et Clarisse Agbégnénou ne se sont rencontrées qu'une seule fois en compétition, lors d'un championnat par équipes. Pour progresser à son rythme, Manon Deketer n'hésite pas à emprunter des chemins de traverse. "Je ne peux pas dire que je suis dans l’ombre de Clarisse. C'est difficile bien sûr, on sait très bien qu’elle restera toujours dans la catégorie, mais j’ai pu être alignée sur des compétitions malgré tout : sur des Grands Slams, des European Open, des European Cup. À moi de faire des résultats pour gagner ma place."
Médaille de bronze pour Manon Deketer !
— francetvsport (@francetvsport) October 16, 2021
La judokate des -63 kg remporte la dernière médaille française de la journée au Grand Slam de Paris. pic.twitter.com/RyrbjM5Ukx
"On a toujours travaillé avec celles qui étaient derrière sur des circuits intermédiaires. En l’occurence, elles étaient un peu plus loin, mais il n'y a pas d'ombre projetée par Clarisse qui étoufferait la catégorie", glisse Larbi Benboudaoud depuis l'European Cup cadet (15-17 ans) de Strasbourg, où le sélectionneur garde un oeil sur les pépites de demain. "On fait en sorte que les futurs talents prennent le wagon. Si elles veulent la place, qu'elles aillent la chercher."
Prendre le relais des légendes
Samedi, Manon Deketer marchera dans les traces de deux des plus grands palmarès du judo français, Clarisse Agbégnénou et Gévrise Emane. “Bien sûr, j’aimerais prendre la suite de la lignée des -63kg, mais je suis loin de leur palmarès au même âge. Mais j'ai pris confiance, je sais que je suis capable de battre les meilleures. À moi d’être là le jour-J", confie la Française avant d'en découdre sur les tatamis bulgares. Loin d'être étouffée par l'hégémonie de Clarisse Agbégnénou, la catégorie ne veut pas réduire ses ambitions.
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