"Le mouvement #MeToo a été un déclic mais les sportives doivent être accompagnées" pour Assia Hamdi, auteure de "Joue-la comme Megan"
Dans un livre qui sort mercredi, la journaliste donne la parole aux sportives qui luttent pour leur reconnaissance, sur et en dehors du terrain.
L'égalité salariale, la maternité, les violences sexuelles, la précarité menstruelle... Depuis l'émergence du mouvement #MeToo ces dernières années, plusieurs combats interrogeant la place de la femme dans notre société ont gagné en visibilité. C'est également le cas dans la sphère sportive. Dans son livre "Joue-la comme Megan" (Éditions Marabout), à paraître mercredi 9 juin et préfacée par Clarisse Agbegnenou, la journaliste indépendante Assia Hamdi raconte la lutte pour la reconnaissance des droits des femmes dans le sport à travers plus de 70 témoignages et une documentation historique précise qui bousculent les préjugés.
FranceInfo: sport : Comment est né ce projet de livre ?
Assia Hamdi : Je travaille sur la place des femmes dans le sport depuis plusieurs années donc ce sont des thématiques que j'avais déjà eu le temps de creuser. Il y a eu deux déclencheurs je dirais : l'enquête Disclose et l'affaire Sarah Abitbol. Ça a suscité en moi une détermination supplémentaire parce que j'ai été frappée de voir ce déferlement de témoignages dans la presse. On a parlé de Sarah Abitbol mais il y a eu aussi beaucoup d'autres championnes. Ces affaires de violence sexuelles ont amené les sportives à reprendre la parole sur d'autres thématiques. Sur l'égalité salariale, il y a eu un mouvement avec l'équipe nationale américaine de football. La question des menstruations, de la maternité aussi... Des figures fortes se sont exprimées. Et en même temps, je trouvais qu'il y avait un manque sur la dimension historique. Ce qui m'a semblé très important, c'est de parler au sport professionnel mais aussi amateur, aux sportives visibles mais aussi aux autres plus anonymes. Ce livre, c'est une forme d'état des lieux de comment les choses ont évolué ces dernières années.
Pour cet essai, j'ai interrogé 70 interlocuteurs, de nombreuses sportives, des coachs, dirigeant(e)s, arbitres sur l'évolution historique et la libération de la parole sur la place des femmes dans le sport...
— Assia Hamdi (@Assia_H) May 20, 2021
La préface est signée Clarisse Agbégnenou (@Gnougnou25) pic.twitter.com/SYPggqaz9M
Dès l'introduction vous parlez d'Alice Milliat, une pionnière du sport féminin qui reste méconnue malgré sa récente mise à l'honneur par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). C'était important pour vous d'évoquer aussi les origines de ces combats ?
On dit souvent que les sportives ont été mises en avant récemment mais les gens ne savent pas que pendant longtemps, les femmes ne pouvaient pas faire du sport ! On parle de parité, notamment lors des prochains Jeux de Paris en 2024 mais c'est aussi parce qu'il y a eu des pionnières. C'est quelque chose qu'on a constaté dans d'autres domaines comme la culture, les sciences... Il y a des rôles modèles partout. Je trouvais intéressant qu'on ne parle pas uniquement des performances sportives, car beaucoup de femmes ont marqué l'histoire du sport par leurs performances. Je voulais tenter d'apporter quelque chose complémentaire en parlant de l'empreinte qu'elles ont pu avoir dans le sport. Si aujourd'hui une sportive peut concourir aux JO sur le marathon, c'est parce qu'une femme comme Kathrine Switzer s'est battue à la fin des années 1960 et dans les années 1970 pour que la discipline accède aux Jeux en 1984.
"Megan Rapinoe est une joueuse qui milite pour l'égalité salariale, qui se bat contre l'homophobie, qui va avoir une parole forte sur la sexualisation des sportives aussi. Elle représente une forme d'audace"
Votre livre s'appelle "Joue-la comme Megan". Cela en dit peut-être long sur la place qu'occupe Megan Rapinoe (joueuse de l'équipe américaine de football) aujourd'hui ?
Je travaillais sur pas mal de thématiques : l'égalité salariale, la maternité, l'anorexie, les menstruations, l'accès aux femmes à certaines disciplines, l'homophobie, les violences sexuelles... Et lorsque j'ai reçu la biographie de Megan Rapinoe, je me suis rendue compte qu'elles revenaient dans plusieurs chapitres. Et puis j'ai pensé au film de Gurinder Chadha, "Joue-la comme Beckham", parce qu'on a aussi cette fille qui lutte pour pratiquer son sport. C'est une jeune fille qui a l'image de "Madame tout-le-monde", comme on en trouve tous les week-ends sur les terrains de sport, et elle a ce rêve de devenir joueuse professionnelle. Megan Rapinoe est un complément, c'est une joueuse qui milite pour l'égalité salariale, qui se bat contre l'homophobie, qui va avoir une parole forte sur la sexualisation de la sportive aussi. Elle représente une forme d'audace.
Et cette formule "Joue-la comme Megan" ce n'est pas une injonction, c'est davantage une invitation aux sportives d'oser pratiquer leur sport. Le but n'est pas d'être aussi vindicatif que l'Américaine, même s'il faut des figures un peu visibles. Mais je voulais aussi des témoignages de sportives qui ne sont pas des coqueluches médiatiques. Elles pratiquent dans leur coin, elles veulent simplement être reconnues à leur juste valeur. Beaucoup d'entre elles m'ont aussi dit qu'elles n'avaient pas de modèles à leur époque et aujourd'hui on a des sportives qui commencent à l'être : Megan Rapinoe, Serena Williams, Mélina Robert-Michon, Sarah Ourahmoune...
Est-ce que vous avez senti que le mouvement #MeToo a été un catalyseur de toutes ces prises de paroles de sportives ?
Cela n'a pas été formulé tel quel au cours des conversations que j'ai eue avec ces sportives (mais) j'ai eu le sentiment qu'une vanne s'était ouverte. Elles ont des choses à dire mais souvent on ne leur pose pas la question. Je me suis rendu compte qu'il y avait déjà un souci de visibilité au niveau des sportives, et en plus j'ai senti que certaines se sentaient le devoir de prendre la parole sur ces sujets-là car on ne va pas venir leur demander. Je pense par exemple, à la handballeuse Estelle Nze Minko qui a écrit au printemps 2020 sur la question des menstruations. La basketteuse Sandrine Gruda a fait des lives sur Instagram où elle parlait de l'endométriose. J'ai l'impression qu'il y a des choses qui avancent mais c'est difficile à théoriser parce que finalement ça reste assez imperceptible.
Dans le même temps vous avez le sentiment que si cela ne vient pas des sportives, toutes ces problématiques ont du mal à émerger...
Oui, et c'est le côté plus négatif. Il y a une prise de conscience, on leur donne davantage la parole. Il y a eu un déclic mais je pense qu'il ne faut pas trop attendre d'elles en se disant qu'elles vont faire bouger les choses, il faut vraiment les accompagner et mettre en place des choses pour faciliter l'échange. Par exemple avec l'équipe de France de handball, il y a eu un temps de parole qui a été instauré. C'est important que les encadrants prennent aussi cela en main. Ils ne savent pas forcément gérer ces sujets-là mais il y a une volonté de le faire. Ce ne sont pas uniquement les sportives qui doivent parler, c'est tout un mouvement collectif et il faut aussi qu'il y ait un accompagnement politique derrière, c'est une évidence.
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