Les nageurs sont-ils les smicards du sport ?
Les courses en bassin des championnats du monde de natation de Barcelone débutent dimanche. L'occasion de revenir sur un sport qui demande beaucoup et qui paye mal.
Un an après les Jeux olympiques de Londres (Royaume-Uni), et alors que les compétitions en bassin des Mondiaux de natation de Barcelone (Espagne) démarrent dimanche 28 juillet, l'engouement autour de la natation française, usine à champions, est un peu retombé.
Yannick Agnel, Camille Muffat et Florent Manaudou se sont faits discrets sur les plateaux de télévision. Malgré leurs performances hors du commun, ces stars des bassins peinent à transformer l'essai sur leur compte en banque. Agnel et Muffat, six médailles olympiques à eux deux aux derniers JO, ont touché 500 000 euros annuels (sponsors et autres revenus), à en croire une estimation du Figaro. Soit le salaire d'un joueur moyen de Ligue 1 et autant qu'un Christophe Lemaitre, pourtant beaucoup moins titré dans son sport.
La natation ne paie pas
La natation est un des sports les plus exigeants en terme d'entraînement. Une Camille Muffat s'entraîne six heures par jour, sept jours sur sept. Tout juste s'autorise-t-elle une sortie en jet-ski le dimanche pour se détendre. Une Laure Manaudou a commencé à nager 15 km tous les jours dès l'âge de 14 ans. La structure de ce sport fait qu'une poignée de champions concentre tous les gains, toutes les médailles et tous les sponsors. Clément Lefert, champion olympique avec le relais français à Londres, a purement et simplement arrêté sa carrière, préférant assurer son avenir en devenant trader. Pour un Agnel à 500 000 euros, un Manaudou à 400 000, combien d'Hugo Mallet, relayeur méconnu qui a mis sa prime de médaille à la banque pour son après-carrière ? Même un champion présent depuis longtemps comme Amaury Leveaux a appelé à l'aide sur Twitter pour trouver équipementier et sponsor.
J'aimerais bien qu'un équipementier me dise #jeteveuxdansmonequipe à la #thevoice LOL
— Amaury Leveaux (@ALeveaux) March 17, 2012
En Australie, le syndicat des nageurs a appelé à une grève avant les JO 2012 pour obtenir une aide plus conséquente de la fédération. Daniel Kowalski, médaillé d'or olympique et représentant du syndicat, expliquait au site news.com.au (en anglais) que "bien des nageurs n'arrivent pas à joindre les deux bouts. (...) Sur les 47 nageurs présents à Londres, 36 gagnent moins que le salaire minimum". Aux Etats-Unis, les meilleurs nageurs sont aidés par USA Swimming, la fédération américaine de natation. Un champion multi-titré comme Ryan Lochte touche quand même 30 000 dollars annuels (22 000 euros) de la fédération, alors qu'il cumule plusieurs millions d'euros de gains publicitaires, rapporte Fortune (en anglais).
Le syndrome du sport mineur
Comment expliquer que l'athlète Christophe Lemaitre, qui s'est contenté d'accessits dans les grandes compétitions mondiales, touche autant que Camille Muffat et Yannick Agnel, deux des meilleurs nageurs mondiaux ? Le syndrome des sports mineurs, analyse Loic Yviquel, co-président de l'agence SportlabGroup, contacté par francetv info. "C'est un peu comme si vous compariez Usain Bolt et Michael Phelps. L'un est le meilleur dans une discipline où 200 pays participent aux championnats du monde, l'autre dans un sport moins universel. Et encore, les Etats-Unis sont un des plus gros marchés pour la natation." Près de 93 millions d'Américains nagent et dépensent plus d'un milliard d'euros chaque année en maillots de bain et autres bonnets en plastique, note Fortune.
Là où Christophe Lemaitre pourra négocier entre 30 et 50 000 euros pour participer à un meeting, Yannick Agnel devra se contenter d'un cachet situé entre 5 et 10 000 euros. Ce qui fait une sacrée différence lors d'une année non-olympique.
Un boulevard pour Camille Muffat
Favorite du 200 m et du 400 m nage libre de ces Mondiaux, Camille Muffat a aussi un avenir publicitaire hors du commun, estime Loïc Yviquel. "Elle a un potentiel de plusieurs millions d'euros. La grande tendance des marques, c'est de communiquer sur les sports au féminin. Citez-moi une seule autre sportive française à ce niveau-là, à part Marion Bartoli peut-être ? Quand je pense au nombre de marques qui m'appellent pour me dire 'il nous faut une championne' ! On se retourne vite vers des retraitées, comme Laure Manaudou, Christine Arron ou Laura Flessel." Camille Muffat, qui dispose de quelques sponsors triés sur le volet (EDF, Puressentiel...), a lancé sa propre marque de soins... pour les cheveux exposés à l'eau de mer ou à celle, chlorée, des piscines.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.