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Top 14 : comment Castres, héritier du "rugby de clocher", demeure parmi les cadors

Finaliste du Top 14 après avoir terminé en tête de la saison régulière, le Castres olympique défie Montpellier, vendredi, pour sa quatrième finale en neuf ans.

Article rédigé par Elio Bono, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'ouvreur de Castres Benjamin Urdapilleta, le 26 mars 2022 à Brive lors d'un match de Top 14. (DIARMID COURREGES / AFP)

Faites le test parmi vos proches. Si vous leur demandez de citer l'identité du leader de la saison régulière de Top 14, il y a fort à parier que le nom de Castres passe à la trappe. Jamais vraiment sous le feu des projecteurs, le club tarnais a pourtant soulevé deux fois le bouclier de Brennus au cours de la dernière décennie. Il affronte Montpellier, vendredi 24 juin, en finale du championnat. Equipe fanion d'une cité de 42 000 âmes, le Castres olympique (CO) incarne une forme de paradoxe, dans un rugby où les grandes villes sont devenues majoritaires.

"Pour construire un projet sportif ambitieux, avec un stade important et des partenariats, il faut une métropole", confirme Pierre Chaix, économiste du sport à l'université de Grenoble. A Nice les 17 et 18 juin, les trois autres demi-finalistes, Toulouse, Bordeaux-Bègles et Montpellier étaient issus d'aires urbaines dix à vingt fois plus peuplées que Castres. Le club tarnais faisait, dès lors, figure d'ovni au bal des invités. "Sur la dernière décennie, je n'ai pas le souvenir d'une autre ville modeste régulièrement dans les phases finales", observe Pierre-Yves Revol, président du CO. 

Ce dernier voit juste. Agen, Bourgoin et Béziers, présents parmi les cadors jusque dans les années 2000, sont aujourd'hui en Pro D2 ou plus bas. Castres représente en quelque sorte l'unique rescapé de ce rugby "de clocher", ou "de territoires profonds", pour reprendre l'expression de Pierre-Yves Revol. Nichée dans le sud du Tarn, la sous-préfecture se situe à environ 80 kilomètres à l'est de Toulouse. La ville natale de Jean Jaurès attend depuis une bonne décennie l'autoroute pour rallier la capitale régionale. 

Une fois le décor posé, il est tout de même difficile de voir la place du CO comme une anomalie. "Ils méritent sincèrement plus d'égards, on n'en parle pas assez", a affirmé le manager toulousain Ugo Mola après le barrage gagné contre La Rochelle. Cinq fois sacré champion de France, Castres a terminé en tête de la saison régulière pour la première fois de son histoire.

Pierre-Fabre, une aide fondamentale

"Cette position ne fait pas de nous un épouvantail", relativise le président du CO. Le club a, il est vrai, été épargné par les fameux doublons de l'hiver, pas plus qu'il n'a laissé de plumes en Coupe d'Europe. "On essaie d'avoir un groupe homogène de joueurs, mais à Castres, on n'a pas de stars qui affolent le marché", synthétise Pierre-Yves Revol. Aucun Castrais n'a ainsi pris part au Grand Chelem du XV de France.

Dans le Tarn, la stabilité est le maître mot. Les briscards Mathieu Babillot, Rory Kockott, Thomas Combezou ou Julien Dumora sont là depuis une petite décennie. Souvent présenté comme une équipe dure à manœuvrer, le CO est intraitable à domicile. Il n'a plus perdu devant son public depuis dix-huit mois.

La forteresse tarnaise aux 12 300 sièges porte le nom de Pierre Fabre, fondateur des laboratoires pharmaceutiques du même nom, décédé en 2013. Le groupe, qui emploie plusieurs milliers de personnes dans la région, finance le CO depuis près de trente ans. "Le club a un déficit structurel de 4 à 5 millions d'euros par an comblé par les laboratoires Pierre-Fabre", poursuit l'économiste Pierre Chaix, auteur du livre Le nouveau visage du rugby professionnel français.

"Si demain, les laboratoires Pierre-Fabre cessent son soutien à Castres, le club s'effondrera"

Pierre Chaix, économiste à l'université de Grenoble

à franceinfo: sport

D'autres clubs aux agglomérations comparables ne bénéficient pas d'un tel soutien. "Dans ce monde professionnel, les exigences en matière de gestion de recettes font que ça devient quasi impossible pour une petite commune de titiller les gros", complète l'économiste. De fait, l'apport de Pierre-Fabre relativise l'étiquette de petit poucet souvent accolée à Castres.

Grâce à son sponsor historique, le club tarnais affiche un budget de 23 millions d'euros, le dizième de l'élite. Il représente la 11e masse salariale, à hauteur de 9 millions d'euros, soit deux millions en dessous du plafond autorisé. "On se fixe des limites en termes de rémunération", assure le président, aidé par "d'autres sponsors fidèles".

"Au-delà de ça, le club génère une économie avec des partenaires locaux", poursuit Pierre-Yves Revol. Le bassin autour de Castres soutient largement le club de rugby, vitrine du territoire. "Ici, il y a trois piliers : le Castres olympique, le groupe Pierre-Fabre, et le huitième régiment de parachutistes", conclut le président.

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