Vendée Globe 2024 : après des mois de tempêtes, Clarisse Crémer à l'assaut de son deuxième tour du monde et d'une "aventure intime"
Une sacrée bataille terrestre, avant de prendre le large. Clarisse Crémer sera au départ de son deuxième Vendée Globe, dimanche 10 novembre 2024, après bien des péripéties lors des quatre années qui séparent les 9e et 10e éditions de la course.
"C'est déjà une victoire d'être là, et j'ai vraiment hâte d'être au départ, se réjouit la navigatrice. C'était un soulagement de se qualifier. J'ai dû faire quatre transatlantiques pendant la dernière année pour pouvoir prétendre être sur la ligne de départ. Cela a énormément impacté ma façon de naviguer et de gérer un projet. J'ai hâte de naviguer de façon plus libre, sans ce drôle d'objectif de qualification en tête, et d'être en mer de façon un peu plus libérée, même si le Vendée Globe est un objectif un peu écrasant."
Cette course contre-la-montre d'un an et demi, Clarisse Crémer a dû la faire après l'annonce couperet du Team Banque Populaire, en février 2023. Alors que la skippeuse avait fait une pause dans sa carrière pour donner naissance à son premier enfant, son sponsor a annoncé confier le bateau à un autre navigateur pour le Vendée Globe. Une décision qui avait provoqué de nombreux remous, et mis la native de Paris dans une situation délicate. "On peut dire que c'était fastidieux. Tout n'est pas forcément un bon souvenir, mais j'essaie de me concentrer sur des trucs positifs, notamment le fait d'être au sein d'un groupe très chouette avec L'Occitane en Provence, détaille Clarisse Crémer. C'est hyper important pour moi de partir sur l'eau avec cet état d'esprit."
"Je ne suis pas du tout dans la revanche, dans la construction par rapport à des choses négatives. De façon un peu égoïste, il faut que la motivation soit personnelle et positive. Cela n'a pas été hyper facile, je ne l'ai jamais caché, mais je suis restée concentrée sur le positif."
Clarisse Crémer, 12e du Vendée Globe 2020à franceinfo: sport
Douzième de la course en 2020, à bord de Banque Populaire X, elle avait franchi la ligne d'arrivée après 87 jours, 2 heures, 24 minutes et 25 secondes en mer. Un nouveau record féminin, qui n'a pas de saveur particulière pour la navigatrice. "La course au large est un sport mixte, et le classement féminin n'est pas officiel, explique-t-elle. Je ne serais pas étonnée que ce record féminin soit battu par l'une de nous six. Ce serait même logique, car il y a, à chaque édition, des progrès technologiques, et que de plus en plus de femmes participent. Mais ce record n'est pas un objectif personnel."
Pousser le bateau dans ses retranchements
Son but, c'est d'abord, comme tous les autres participants, "de finir" ce tour du monde en solitaire. Et de le faire en poussant un peu plus le bateau dans ses retranchements que lors de sa première participation. "Je veux être plus performante qu'il y a quatre ans. Lors de mon premier Vendée Globe, j'avais mis le curseur de risques assez bas, notamment lors de la tempête tropicale de la première semaine, où j'avais fait un grand détour et perdu pas mal de temps par rapport à mes concurrents, se souvient-elle. J'aimerais vraiment pousser un peu plus. Après, il y a beaucoup de monde pour prétendre à de belles places, donc c'est difficile de donner un chiffre. Dans ma tête, je vise le top 10."
Pour atteindre ses objectifs, Clarisse Crémer peut s'appuyer sur un état d'esprit encore plus conquérant, elle qui a dû gérer une qualification express et des accusations de triche sur le Vendée Globe 2020 après une dénonciation anonyme, avant d'être blanchie le 4 mars dernier par le jury international de la course. "Le point positif de tout ça, c'est que je ne suis plus tout à fait la même Clarisse qu'il y a quatre ans, assure-t-elle. J'ai beaucoup évolué, ne serait-ce que par mon expérience du Vendée Globe, mais aussi avec tout ce que j'ai vécu après, à terre comme en mer."
"Les fondamentaux n'ont pas changé. Je suis quelqu'un d'assez sensible, assez émotive. Je vais donc probablement parfois tomber dans les mêmes écueils, mais j'ai désormais beaucoup plus d'outils pour me relever plus vite, et mieux gérer la partie émotionnelle, c'est certain."
Clarisse Crémer, 12e du Vendée Globe 2020à franceinfo: sport
Des émotions, la navigatrice va en vivre à plus d'un titre sur cette édition du Vendée Globe. D'un point de vue personnel, d'abord, avec ce défi de passer plus de deux mois seule en mer. "Le Vendée Globe est aussi une aventure intime, en termes de façon de vivre ce tour du monde, d'être bien toute seule en mer, de gérer les avaries techniques - qui sont de vrais challenges psychologiques. J'ai envie de gérer tout ça beaucoup mieux que la dernière fois, différemment en tout cas", insiste-t-elle.
Une vie de famille atypique
Seule sur son bateau, Clarisse Crémer ne sera peut-être pas bien loin de son mari, Tanguy Le Turquais (Lazare). Contrairement à la précédente édition, ils seront tous les deux sur la ligne de départ aux Sables d'Olonne le 10 novembre prochain. "Un, ça ne suffisait pas, deux, c'est mieux, s'amuse la diplômée de HEC. C'est sûr que ça ajoute un petit supplément d'émotion. Tant que tout se passe bien, tout va bien. Je pense qu'on a l'habitude, ça fait 13 ans qu'on est ensemble, je l'ai toujours connu marin. Et lui aussi, il m'a vue faire un Vendée Globe. Cela fait partie de notre ADN de couple."
"Après, ma petite angoisse, c'est qu'il y ait un problème pour l'un ou pour l'autre, ou pour notre petite fille à terre. C'est quelque chose de plus inquiétant. C'est un peu l'inconnu, on ne sait pas encore comment on va gérer ça."
Clarisse Crémer, 12e du Vendée Globe 2020à franceinfo: sport
Quand elle sera en mer, ce sont "des personnes de confiance" qui sont chargées de lui dire ce qu'il se passe à terre, en faisant le tri dans les informations. "Par contre, concernant ma petite fille, j'ai besoin d'être au courant, j'ai du mal à imaginer qu'on me cache quelque chose", précise-t-elle, bien consciente que la difficulté de ce tour du monde réside dans le fait d'être parfois "loin de la terre". "Potentiellement, ça peut prendre beaucoup de temps si l'on doit rejoindre les côtes", avance-t-elle avec lucidité. Le couple, qui vit à Locmiquélic espère vivre une course sans écueil.
Le virus attrapé au Cap de Bonne-Espérance
Clarisse Crémer est en tout cas prête à prendre son deuxième départ d'un Vendée Globe, avec l'envie de boucler un deuxième tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. "Avant de faire mon premier Vendée Globe, je ne comprenais pas trop ceux qui y retournaient, reconnaît la navigatrice. Mais une fois en mer, après 15 jours, 3 semaines, quand je suis arrivée près du Cap de Bonne-Espérance, je me suis tout à coup sentie vraiment bien sur l'eau, un peu dans un état second, un état sauvage, un peu coupée du monde, et j'ai vite compris que le virus était là. Un peu comme quand on découvre un pays, qu'on a prévu un voyage un peu court et qu'on se dit qu'il faudra y retourner pour mieux découvrir, pour approfondir."
Sa course a alors changé, sa façon de l'appréhender aussi : "A partir du Cap de Bonne-Espérance, je profitais de l'instant présent et je me projetais aussi, sur ce que je pourrais faire de mieux. C'est difficile à expliquer, c'est une réaction intime. J'y retourne donc avec la volonté de continuer à approfondir tout ce que j'ai découvert la première fois." Et mettre définitivement les soubresauts de ces derniers mois dans son sillage.
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