Suspendre la campagne, un peu, beaucoup, pas du tout...
Après la tuerie de Toulouse, les dix candidats à la présidentielle ont, chacun, réagi différemment. Certains ont annoncé mettre leur campagne entre parenthèses, d'autres ont préféré la poursuivre, plus ou moins discrètement.
Etre présent sans donner l’impression de faire de la récupération politique. Réagir sans déraper. Les dix prétendants à l’Elysée, dont la candidature a été validée par le Conseil Constitutionnel lundi 19 mars 2012, le jour même de la tuerie dans une école de Toulouse, avancent en terrain miné. Et si le CSA a décidé de ne pas décompter le temps de parole des candidats s’exprimant sur le sujet, chaque décision est un positionnement de campagne. Explications.
• Ceux qui ont joué, dès le début, la suspension de la campagne
Le socialiste François Hollande a été le premier à adopter cette position. C’est le porte-parole du PS qui l’a annoncé lundi matin lors d’un point presse réduit à deux minutes : le candidat suspend sa campagne et se rend à Toulouse. Du coup, le socialiste a essuyé les plâtres et s'est fait huer par les salariés de la centrale nucléaire de Fessenheim, qu’il devait recevoir. Il a aussi décidé d’annuler sa participation au "Grand Journal" de Canal+, prévue le soir même, ainsi que son grand meeting de Rennes, programmé le lendemain. Depuis, François Hollande joue la carte de l’union sacrée et déclare, par exemple sur BFM TV : "Nous devons nous rassembler lorsqu'il y a un acte raciste, antisémite." Tout en décidant de se rendre dans une école pour observer la minute de silence décrétée par le président de la République, ainsi qu’aux obsèques des militaires tués à Montauban.
Deuxième à suivre cette ligne : Nicolas Sarkozy. Le président candidat a abandonné une casquette au profit de l’autre. Il l’a annoncé lui-même sur place, lundi en fin de matinée. Après la cérémonie d’hommage à laquelle il a participé, le candidat de l’UMP a prolongé cette suspension jusqu’au mercredi 21 mars 2012, jour des obsèques des militaires tués à Montauban. Puis a même envisagé de la faire durer toute la semaine. En attendant, fond bleu et bandeau noir dans le coin en haut à gauche en signe de deuil , l’UMP a fermé le site du candidat. Ce qui n’a pas empêché Alain Juppé de critiquer sur France 2 les déclarations de François Bayrou, considérant qu'il ne fallait pas "ajouter l’ignoble à l’ignominie".
Dernière sur cette position : Marine Le Pen. Dans un communiqué publié lundi matin, elle a demandé l’annulation de l’émission de France 2 à laquelle elle devait participer avec Eva Joly et Arnaud Montebourg. "De temps en temps, la politique doit céder le pas. C'est le moment ou jamais", a-t-elle déclaré. Mais la candidate du FN ne s'est pas rendu à Toulouse, affirmant que c’est le rôle du seul président de la République, et non des candidats à l’Elysée.
• Ceux qui continuent, sur des œufs
C’est notamment le cas de François Bayrou. Le centriste s’est rendu à Toulouse, lundi, mais a opté pour la synagogue plutôt que pour l'école. Il a maintenu son meeting de Grenoble, le soir, en se justifiant : "C'est précisément dans un moment comme celui-ci qu'il faut parler entre nous de ce qu'est la France, de nos valeurs, et des drames qui explosent dans notre pays." Du coup, à Grenoble, il a précisé précautionneusement :"Ce n’est pas un meeting, une réunion électorale, mais un moment de réflexion nationale." Avant de dénoncer "l'état d'une société" et d’accuser des responsables politiques qui font "flamber les passions". Et d'en remettre une couche avec cette déclaration : "Il faut poursuivre la campagne pour mettre un terme au climat d'intolérance."
Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly sont également sur cette ligne. Très prompts à dénoncer l’horreur de cette tuerie, ils n’ont pas pour autant joué la carte de l’union nationale. Le candidat du Front de gauche a participé à Paris, lundi soir, à la marche en hommage aux victimes de la fusillade, et a observé une minute de silence à son QG avant de s'exprimer. Mais il n’a pas suspendu sa campagne. Mardi matin, juste avant un déplacement sur le thème des services publics, il a estimé : "Poursuivre la campagne, c'est un acte de résistance morale, intellectuelle et affective."
Eva Joly, "particulièrement choquée", a commencé par mettre en garde, lundi, contre "toute récupération politique", et a préféré poursuivre sa campagne. Avant de finalement la suspendre, mardi 20 mars, et d’annuler son déplacement prévu à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
• Ceux qui continuent tout court
A commencer par Nathalie Arthaud et Philippe Poutou. Les deux candidats révolutionnaires, respectivement tête de file de Lutte ouvrière et du NPA, ont appris la nouvelle via des journalistes cherchant à recueillir leur réaction à la mi-journée. Nathalie Arthaud a refusé de se rendre sur place et dénoncé "un cirque électoral". Finalement, mardi matin, elle publie un communiqué pour dénoncer "des actes odieux" mais aussi, l' "indécente l'instrumentalisation politique de ces actes". "Pas question" tranche Nathalie Arthaud de participer à "une solidarité nationale avec Marine Le Pen, Sarkozy, Guéant et bien d'autres." De son côté, Philippe Poutou s’est un peu emmêlé les pinceaux, rapporte Rue89, avant de déclarer: "Y aller, ça ne sert à rien, moi je retourne au boulot."
Autre candidat à poursuivre sa campagne, Nicolas Dupont-Aignan. Le candidat de Debout la République a annulé une partie de son déplacement avec la presse sur le thème de l’agriculture dans le Calvados, prévu mardi. Mais il prévoit quand même "d'honorer l'invitation d'un de ses parrains dans une laiterie". Lundi, son attaché de presse informait qu'il assisterait à la traite des vaches et développerait ses propositions pour l'instauration d'un prix garanti du lait. Mardi, il semble moins sûr que ce programme soit suivi, mais la réunion publique de ce soir, au Molay-Littry (Calvados), bel et bien maintenue.
Enfin Jacques Cheminade, candidat de Solidarité et Progrès, n’arrête pas sa campagne pour autant. Invité de la "Matinale" de Canal+, il en a même profité pour faire une proposition, celle de l’interdiction des jeux vidéos violents car, estime-t-il, "s’ils ne sont pas la cause" des fusillades de Toulouse et Montauban, ils "créent un climat".
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