Syrie : la communauté internationale est-elle naïve ?
Des bombardements, des morts, des chars... La répression continue selon l'opposition syrienne malgré le plan de sortie de crise international qui prévoit un cessez-le-feu. Alors pourquoi la communauté a fait semblant d'y croire ?
Plus personne n’y croit. En fait, personne n’y a jamais cru. Le régime syrien avait jusqu’à mardi 10 avril pour stopper toutes ses opérations militaires contre les civils, préalable à un cessez-le-feu total d’ici à jeudi. Mais l’opposition a signalé mardi des bombardements dans plusieurs villes du pays et la mort de plusieurs dizaines de personnes.
L'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Kofi Annan, a déploré dans la soirée que le régime syrien n'ait toujours pas donné de véritable "signal de paix" et l'a pressé de "changer fondamentalement de ligne de conduite".
Ultimatums qui expirent, observateurs de la Ligue arabe qui doivent plier bagage, Bachar Al-Assad a habitué la communauté internationale à ce genre de revers. Les diplomates occidentaux n'avaient donc pas d'illusion quant au respect du plan de sortie de crise de Kofi Annan. Cependant, en coulisses, ils poursuivent un objectif : pousser la Russie à lâcher (un peu) le président syrien.
Moscou courtisé
Pour Agnès Levallois, consultante et spécialiste du Moyen-Orient, les Occidentaux n'ont pas d'alternative. "La communauté internationale est démunie. Seule la Russie est en mesure d’agir pour faire cesser la répression, c'est elle qui a les cartes en mains."
La France, la Grande-Bretagne et les États-Unis en ont conscience : "Ils savaient très bien que le plan ne marcherait pas mais ça fait partie du jeu diplomatique à l’ONU. C’est une manière de mettre les Russes et les Chinois dans l’embarras, car Al-Assad ne respecte même pas les engagements pris auprès d'eux", décrypte Fabrice Balanche, maître de conférences à l'université Lyon-2 et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient.
En attendant, mardi, le ministre des Affaires étrangères russe a renouvelé sa confiance envers son allié, assurant que la Syrie avait commencé à mettre en œuvre le plan Annan. Moscou a toutefois appelé Damas à être "plus actif" et "plus ferme" dans son application.
Le seul interlocuteur international qui pourrait faire fléchir Bachar Al-Assad a jusque-là repoussé tous les appels au départ du président syrien. Dans un premier temps, les différents acteurs de la crise ont tenté de donner des gages à Moscou. "Avec la visite de Kofi Annan à Damas, la communauté internationale reconnaît Al-Assad comme chef d'Etat alors qu'elle le qualifiait de criminel, souligne Fabrice Balanche. On ne demande plus son départ et ça rassure un peu les Russes." Autre point positif pour la Russie : plus personne ne semble envisager l'option militaire et seuls le Qatar et l'Arabie saoudite prônent le financement et l'armement des rebelles.
Bientôt la table des négociations ?
Par ailleurs, l'échec de l'ultimatum de Kofi Annan ne signifie pas pour autant que la situation est dans une impasse, selon certains chercheurs. "Les choses ne stagnent pas", tempère par exemple Didier Billion, directeur des publications à l’Institut de relations internationales et stratégiques. "Kofi Annan arrive à faire bouger les lignes. Il a compris que rien ne pourrait se faire sans les Russes et les Chinois et, depuis quelques semaines, ils sont en train de demander à Bachar Al-Assad de changer d’attitude.”
Pour le chercheur, le président syrien pourrait s’asseoir prochainement à la table des négociations : "Al-Assad veut avoir le meilleur rapport de forces possible pour que des pourparlers puissent se tenir, il est donc en train de ‘nettoyer’ le terrain." Comprendre : éliminer l’opposition le plus vite possible.
"La communauté internationale ne croit plus à la chute imminente d'Al-Assad, elle ne peut désormais que se montrer à la fois ferme et patiente", avance de son côté Fabrice Balanche, doutant que le régime ne tombe "avant plusieurs années".
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