Taxe à 75% : et maintenant ?
Francetv info fait le point sur les interrogations qui entourent la promesse phare de François Hollande.
La taxe à 75% sur les revenus annuels de plus d'un million d'euros a été retoquée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre, mais elle n'est pas abandonnée. Le gouvernement présentera, dans le cadre de la prochaine loi de finances, un "dispositif nouveau" pour faire appliquer cette mesure, a indiqué samedi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. L'agence Reuters est pourtant sceptique : "La taxe à 75% semble dans les limbes, sans nouveau calendrier précis ni détails sur la façon dont elle sera refondue." Francetv info fait le point sur les interrogations qui subsistent sur cette nouvelle taxe.
A partir de quel montant fixer la nouvelle taxe ?
Alors qu'en France l'impôt est d'ordinaire prélevé par foyer, la taxe à 75% était assise sur les revenus des individus. Ce qui est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, a estimé le Conseil constitutionnel dans sa décision. Concrètement, un ménage dont chaque membre percevrait un revenu de 900 000 euros se trouverait exempté de la taxe, tandis qu'un autre, dont un seul membre gagnerait 1,2 million d'euros et l'autre rien, devrait s'en acquitter. Une "rupture d'égalité au regard de la faculté contributive", selon le Conseil constitutionnel.
Dès lors, comment contourner ce problème ? Appliquer la taxe à partir de 1 million d'euros de revenus annuels par foyers "ferait passer de 1 500 à plus de 20 000 le nombre de Français concernés", analyse Libération (article payant). C'est à dire beaucoup plus que ce qui était initalement prévu, ce qui pourrait accentuer les critiques sur l'air de "Hollande, l'ennemi des riches". A l'inverse, appliquer la taxe à partir de 2 millions d'euros de revenus annuels par foyer rendrait la mesure "encore plus symbolique qu'elle ne l'était initialement, car elle ne concernerait plus que quelques centaines de contribuables. Et ne rapporterait donc pratiquement rien", observe L'Expansion. Trouver un nouveau dispositif risque donc de ressembler à un véritable casse-tête. "Ce n'est ni trivial ni évident", a d'ailleurs confié un conseiller du gouvernement à Libération.
Le taux de 75% n'est-il pas "confiscatoire" ?
"Contrairement à ce que prétend l'opposition, la validité de cette taxe n'a pas été remise en cause dans son principe (par le Conseil constitutionnel)", a rappelé le député socialiste Thierry Mandon sur RTL. "On considère que dans les circonstances exceptionnelles, on peut taxer à 75% les très hauts revenus", a-t-il affirmé. S'il est vrai que la taxe n'a pas été jugée confiscatoire, le professeur de droit Guy Carcassone livre une analyse plus nuancée sur le Huffington Post : "Sur un autre article (celui relatif à la fiscalité des stock-options et des actions gratuites), le Conseil a censuré comme excessives des taxes particulières qui aboutissaient à un prélèvement total de 72 à 77% (...) C'est donc une mise en garde discrète mais nette." A noter que la loi de finance de 2013 plafonne le total des impôts dus (hors impôts locaux) à 75% des revenus, instaurant une forme de "bouclier fiscal".
Quand la mettre en œuvre ?
Jean-Marc Ayrault a réaffirmé samedi que la fameuse taxe "sera[it] rétablie" et "votée dans les délais pour que ça s'applique sur les revenus 2013". Le nouveau dispositif sera proposé "dans la prochaine loi de finances pour 2014 " car "l'exécutif ne souhaite pas aller plus vite", croit savoir Le Figaro. Pourquoi pas plus tôt, par la biais d'une loi de finances rectificative ? Car cela "contraindrait l'exécutif à faire connaître ses prévisions de croissance et de maîtrise des déficits pour 2013. Or Paris ne veut pas avoir à dire tout haut (avant que ses partenaires européens ne s’en chargent) que l’objectif de 3% de déficit public n’est pas tenable cette année", avance Libération. Pour le quotidien, le report de la taxe "sonne comme un enterrement de première classe".
Cette taxe est-elle si indispensable ?
Tout en continuant à crier haut et fort que la mesure sera mise en place, le gouvernement semble polir un peu son discours. En relativisant l'impact de la décision du Conseil constitutionnel, il rappelle que la mesure est avant tout symbolique. La mesure concernait "2 000 foyers fiscaux peut-être", a minimisé Jean-Marc Ayrault. Les censures des Sages coûteront "quelques centaines de millions d'euros, entre 300 et 500 millions d'euros" a fait savoir le ministre de l'Economie, Pierre Mocovici. Il avait auparavant affirmé dans le Journal du Dimanche : "Si cette mesure est un symbole politique fort, elle ne résume pas notre politique." Des déclarations qui pourraient donner du grain à moudre à ceux qui s'interrogent sur la réelle volonté de François Hollande.
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