Tour de France 2023 : déclic, équipe dédiée et adversaires trop justes.. Pourquoi Jasper Philipsen écrase la concurrence au sprint
Ecœurant. Voilà ce que doivent se dire les adversaires de Jasper Philipsen, vendredi soir. A Bordeaux, le sprinteur de la formation Alpecin-Deceuninck est allé décrocher sa troisième victoire sur cette édition, lors de la 7e étape partie de Mont-de-Marsan. Le Belge, encore peu connu du grand public il y a deux ans, ne laisse aucune miette à la concurrence depuis l'année dernière sur le Tour, puisqu'il a remporté les cinq derniers emballages massifs à cheval sur les deux éditions. On vous explique pourquoi le bolide flamand est sans concurrence sur cette Grande Boucle.
Une progression linéaire et un déclic en 2022
Moulé dans l'équipe juniors Balen-BC, qui s'est associée cette année avec Soudal-Quick Step pour en devenir l'équipe de développement, Jasper Philipsen est passé professionnel en 2018 avant de rejoindre l'année suivante UAE-Emirates. En deux ans, le natif de Ham, une bourgade sur la route entre Louvain et Eindhoven, a ramené quatre victoires, dont une première sur un Grand Tour, lors de la Vuelta 2020.
Passé chez Alpecin-Deceuninck en 2021, Philipsen a alors changé de dimension : neuf victoires pour sa première année, dont deux sur le Tour d'Espagne. Mais le dragster belge était encore trop vert pour le Tour de France, se contentant des courses de deuxième rideau où il pouvait empiler les victoires et la confiance. C'est en 2022 qu'il a enfin donné sa pleine mesure : toujours neuf bouquets, mais surtout deux sur le Tour de France.
Depuis, c'est lui que tout le monde craint : vendredi, il a déjà atteint le seuil des neuf victoires, et personne n'a réussi à le dépasser au sprint sur la Grande Boucle lors des cinq dernières possibilités. "C'est extraordinaire. En tant que personne et en tant qu'athlète, Jasper a évolué. Nous aussi, en tant qu'équipe, je pense que nous sommes meilleurs dans la préparation des sprints", s'est félicité son manager Philip Roodhooft. Philipsen a même cette année étendu sa panoplie, allant chercher la deuxième place de Paris-Roubaix derrière... son coéquipier Mathieu van der Poel.
Une équipe et un poisson-pilote parfaitement au point
Vendredi, Alpecin-Deceuninck, qui n'a pas de leader pour le classement général et se consacre entièrement aux sprints, a encore effectué son train (suite de coureurs qui précèdent le sprinteur) à la perfection, lâchant un Philipsen affamé à seulement quelques centaines de mètres de la ligne.
Déposé idéalement, le Belge garde énormément d'énergie dans les roues de ses équipiers, et peut délivrer une énorme accélération. "Je pense qu’on peut être très fiers de la réussite de notre équipe, sans eux je n’en serais pas déjà à trois victoires d’étape. Je suis très fier d’eux, comment ils travaillent ensemble, comment on arrive à se trouver dans le final pour faire le maximum", a souligné Philipsen vendredi.
Avec les gros rouleurs Silvan Dillier et Soren Kragh Andersen, les placeurs Ramon Sinkeldam et Jonas Rickaert avant le poisson-pilote (d'ultra) luxe Mathieu van der Poel, Philipsen n'a plus qu'à surgir. "Dans les trois derniers kilomètres, on avait encore Jonas et Mathieu, et je n’ai pas eu à faire de gros efforts avant de lancer mon sprint. Je n’arrive pas à y croire, si vous m’aviez dit ça il y a une semaine, je vous aurais cru fou !", a retracé le vainqueur.
Personne ne s'y trompe, et le train bleu foncé en impose désormais. Les deux dernières années, c'était celui de... Deceuninck-Quick Step qui faisait la loi, désormais c'est Alpecin-Deceuninck et personne ne semble en mesure de le contester. "C'est une évolution logique. Cela ne veut pas dire que l'on va gagner tous les sprints, il y a certainement un jour où on va être battus. C'est pour ça qu'il faut profiter du moment et être conscient qu'on vit un truc extraordinaire pour l'instant", rappelle le manager de l'équipe.
Une adversité en galère
Enfin, si Philipsen s'impose avec autant d'aisance, c'est aussi parce que ses concurrents peinent tous à leur manière à le concurrencer. Fabio Jakobsen, qui a chuté lourdement sur le circuit de Nogaro et rallié les délais avec difficulté dans les Pyrénées, ne compte qu'un top 5 sur cette édition. Caleb Ewan compte deux podiums mais manque de soutien et bute sur un os belge. Biniam Girmay, qui a glané son premier podium vendredi, découvre la Grande Boucle et ses exigences uniques.
Quand à Mark Cavendish, dauphin de Philipsen vendredi, il est peut-être son plus dangereux adversaire avec Ewan. Malheureusement pour lui, le "Missile de l'île de Man", en tête à 200 mètres, a subi un saut de chaîne qui a condamné ses chances. "Ma chaîne a sauté, il n'y avait rien à faire... Je suis très déçu. Je pense que j'aurais pu battre Philipsen (sans ce saut de chaîne). Et j'imagine qu'il y a quelques équipes qui pensent la même chose", a pesté l'homme aux 34 victoires d'étape sur le Tour. "Cavendish était très fort, j’aurais adoré le voir gagner, c’est le cas de tout le monde je pense. Je suis sûr qu’il va continuer d’essayer, il est là, il est en forme, il va être difficile à battre", a prévenu celui qui va pouvoir définitivement ranger son surnom de "Jasper Disaster".
Avec trois victoires en une semaine, Philipsen a appuyé la tête déjà bien sous l'eau de ses concurrents. S'il en remporte une quatrième lors de cette édition, le Belge de 25 ans intégrera le club fermé des sprinteurs quadruple vainqueurs sur une seule édition depuis 2010, en compagnie de Marcel Kittel (2013, 2014 et 2017), André Greipel (2015) et Mark Cavendish (2008, 2009, 2010, 2011, 2016, 2021).
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