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Un an après, le poison s'incruste dans la région de Fukushima

Le 11 mars 2011, la terre tremblait au Japon, provoquant un tsunami. S'ensuivit une catastrophe nucléaire sans précédent. FTVi dresse l'état des lieux d'un territoire durablement contaminé. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les réacteurs 5 et 6 de la centrale nucléaire de Fukushima, fermée au public, le 28 février 2012, au Japon.  (KIMIMASA MAYAMA / AP / SIPA)

Un an après le séisme, le tsunami et la catastrophe nucléaire de mars 2011, les plaies restent à vif au Japon. Depuis le 20 février, le site de Fukushima, fermé au public, est sous contrôle. Mais autour, le quotidien des populations se trouve durablement bouleversé. Plus de 100 000 personnes ont été évacuées de la "zone interdite", soit 20 km autour de la centrale, et vivent aujourd'hui dans des préfabriqués à plusieurs dizaines de kilomètres. Un an après le 11 mars 2011, FTVi dresse un état des lieux de la situation sanitaire et environnementale aux alentours de la centrale. 

Des sols malades pour longtemps

La contamination des sols est la conséquence invisible (mais durable) des explosions survenues dans les réacteurs de Fukushima. Gaz rares, iodes radioactifs ou encore césiums (137 et 134) ont été rejetés dans les airs. Pour les iodes, le chiffre atteint 408 millions de milliards de becquerels, estime l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (IRSN) dans une note de synthèse sur la catastrophe publiée fin février. Enorme, mais tout de même dix fois moins que pour Tchernobyl.

Emmenées par les courants d'air et par la pluie, les particules se sont infiltrées dans les sols, parfois jusqu'à 250 km de la centrale, note l'IRSN. Elles ont formé des dépôts plus ou moins importants. La carte ci-dessous, de l'IRSN, révèle les taux de césiums contenus dans les sols à l'automne 2011.

Cartographie estimant les dépôts de césiums radioactifs contenus dans le sol, à l'automne 2011, aux alentours de la centrale de Fukushima, au Japon. (IRSN)

Et ce n'est pas près de disparaître. Si les iodes ont une durée radioactive courte, ce n'est pas le cas du césium 137, dont la radioactivité diminue de moitié... tous les trente ans. Selon l'IRSN, la radioactivité du césium 137 n'a perdu que 2% depuis la catastrophe. Le taux sera encore de 81% en 2020, estime Didier Champion, directeur du pôle crise à l'IRSN, cité par Le Monde.fr. Pour lui, la contamination de l'environnement terrestre japonais est "chronique et pérenne"

Conséquences imprévisibles sur le milieu marin

Les sols ne sont pas les seuls concernés par les rejets de particules radioactives : les eaux proches de la centrale de Fukushima ont aussi été contaminées par les particules et les rejets d'eau utilisée pour refroidir les réacteurs. Cette simulation de l'Ifremer et de l'IRSN montre les concentrations de césium 137 rejetées dans l'océan entre avril et juillet 2011. 

Simulation de la dispersion en mer des rejets de particules radioactives, le césium 137, après l'accident de Fukushima, au Japon.  (IRSN / IFREMER)

Les eaux contaminées se sont rapidement diluées dans l'océan, en se déplaçant vers le centre du Pacifique, analyse l’IRSN. Mais une partie de la radioactivité a été absorbée par les sédiments, indique Ken Buesseler, de l'Institut océanographique de Woods Hole, un centre privé américain. Contaminés, les sols marins vont continuer à polluer les eaux, explique-t-il sur le blog Green du New York Times (en anglais)

Pour l'IRSN, les "meilleurs indicateurs de la contamination en césium dans le domaine marin" seront les poissons. Sur ce terrain, la situation inquiète : les taux de césiums 137 et 134 relevés dans certaines espèces marines n'ont pas baissé entre mars et septembre 2011, révèlait l'IRSN fin février. 

Evolution temporelle des concentrations de césiums dans certains produits de la mer, vivant près de la centrale de Fukushima (Japon). (IRSN)

Angoisse dans les assiettes

Conséquence directe de la radioactivité des sols, les cultures se retrouvent elles aussi contaminées. Selon l'IRSN, les légumes à feuilles tels que les salades, les épinards ou encore les poireaux ont été les premiers affectés, en mars 2011. D'autres denrées ont aussi présenté des taux importants de contamination entre le printemps et l'automne 2011 : kiwis, feuilles de thé, abricots, figues et châtaignes. "Il faut rester vigilant sur certains produits, insiste Didier Champion cité par 20minutes.fr. Les forêts étant les zones les plus sensibles, les champignons et le gibier sont particulièrement visés." 

Aujourd'hui, certains aliments peuvent encore contenir jusqu’à 500 becquerels de césium par kilo, selon France info.com. La norme est fixée à 100. Chaque semaine, le ministère de la Santé et du Travail japonais met en ligne un résumé des taux de particules radioactives contenus dans les aliments de 44 préfectures japonaises. Pour la semaine du 6 mars 2012 (PDF en anglais), plus de la moitié des échantillons présentant des niveaux de contamination supérieurs aux normes admises provenaient de celle de Fukushima. Cependant, ils ne représentaient que 3% des échantillons testés dans la préfecture. 

Conséquences sur le monde agricole

Les effets de la contamination s'infiltrent partout. Quand les bêtes ne sont pas elles-mêmes irradiées, comme le raconte le blog Les fleurs du printemps nucléaire, sur Rue89, elles souffrent de la radioactivité des aliments. Selon BFMTV, de nouvelles règles vont entrer en vigueur le 1er avril. Les agriculteurs ne pourront plus nourrir leur bétail avec des aliments provenant de la région de la centrale, donc contaminés.

Cette situation va affecter durablement le travail des éleveurs et des paysans. En témoignent les récits de fermiers japonais interrogés par la radio américaine publique NPR (en anglais). Ils étaient nombreux à habiter près de la centrale. Aujourd'hui, ils n'ont plus la possibilité de vivre de leur travail. 

La santé des populations scrutée

Difficile d'estimer les conséquences de la catastrophe nucléaire sur les populations aux alentours de la centrale. Il est encore trop tôt. Et pour cause : la dose de radioactivité reçue par les habitants n'est pas clairement établie. Pour affiner les nombreuses estimations, le gouvernement japonais va soumettre 2 millions de personnes de la région de Fukushima à un questionnaire. Le but ? Identifier ceux qui auraient été le plus exposés entre le 13 et le 25 mars 2011. 

Si aucune maladie liée à l'exposition radiologique n'a été recensé pour le moment, les autorités suivent de près la santé des populations. Sont particulièrement scrutés : les enfants et les femmes enceintes. Un bilan thyroïdien va ainsi être réalisé sur tous les moins de 18 ans de la région, soit 360 000 jeunes, rappelle l'IRSN dans son bilan sur les conséquences sanitaires rendu public fin février.

Dernièrement, les inquiétudes se portent sur 22 enfants vivant jusqu'à 220 km de la centrale à la suite d'analyses d'urine. Selon l'Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'Ouest (Acro), un laboratoire français indépendant, 14 d'entre eux sont encore contaminés aux césiums. Les prélèvements ont eu lieu entre décembre 2011 et février 2012. Au-delà de la santé, le bien-être des personnes se trouve également perturbé. Comme le rappelle 20minutes.fr, les effets psychologiques de la catastrophe mettront eux aussi de nombreuses années avant de se dissiper. 

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