L'Elysée a commandé 264 sondages entre 2007 et 2009
Saisie par un militant écologiste, la justice a ordonné la publication des études d'opinion achetées par le président. Thèmes des sondages : l'euro, mais aussi le "Casse-toi pauv' con" ou son mariage avec Carla Bruni.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette affaire tombe mal pour Nicolas Sarkozy. Alors que le président candidat n'a de cesse de dénoncer les sondages, qui prédisent tous sa défaite le 6 mai, une action en justice menée par un militant écologiste révèle que l'Elysée a commandé des centaines d'études d'opinion entre 2007 et 2009.
• Pourquoi ces documents sont-ils rendus publics aujourd'hui ?
Raymond Avrillier, militant écologiste grenoblois, a saisi en 2009 en tant que simple citoyen le tribunal administratif de Paris pour obtenir la liste des sondages commandés par la présidence de la République. Sa demande s'appuyait sur la loi du 17 juillet 1978 qui favorise l'accès aux documents administratifs.
Le 17 février dernier, le tribunal a donc enjoint l'Elysée de communiquer à Raymond Avrillier les conventions d'études et les factures des sondages qu'il a fait réaliser entre 2007 et 2009. L'ancien élu écologiste, connu pour avoir provoqué la chute de l'ancien maire de Grenoble Alain Carignon (UMP), a alors reçu quatre cartons de documents.
• Que disent ces documents ?
Ils révèlent que l'Elysée a fait abondamment appel aux sondages et aux études d'opinion pendant les deux premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ainsi, "264 sondages pour un montant de 6,35 millions d'euros ont été commandés par la présidence de la République entre juin 2007 et juillet 2009, dont certains ont été clairement utilisés par l'UMP notamment en vue de l'élection présidentielle de 2012", a annoncé à Grenoble Raymond Avrillier, qui assure n'avoir "obtenu que 134" de ces documents.
Le site Mediapart publie le listing de ces achats.
Ce listing révèle que la présidence a sondé les Français sur des questions économiques ("Diriez-vous que l’existence de l’euro permet de limiter les effets de la crise ?"), sur la popularité de Nicolas Sarkozy (avec un "baromètre hebdomadaire des initiatives du président"), mais également sur des sujets plus étonnants.
L'Elysée a ainsi commandé un sondage sur la réaction des Français au fameux "Casse-toi, pauv' con", mais aussi sur la vie sentimentale du chef de l'Etat. Raymond Avrillier s'amuse d'avoir pu obtenir la copie de "nombreux" sondages en 2008 concernant la liaison du président avec sa future épouse. "Que pensez-vous de son mariage possible avec Carla Bruni ?", interroge l'un d'eux, ce qui fait dire au militant que ces sondages "ne relèvent pas de la conduite de l'Etat".
• Existe-t-il d'autres sondages encore non publiés ?
Possible. Raymond Avrillier a annoncé avoir déposé des recours auprès du tribunal administratif de Paris pour que lui soient communiqués les documents manquants. Il a également formulé une nouvelle demande pour obtenir les documents des années 2010, 2011 et 2012.
Par ailleurs, l'écologiste affirme ne pas avoir reçu les bons de commande de sondages "indirects" commandés par l'intermédiaire des cabinets d'études Publifact (dirigé par Patrick Buisson, l'un des conseillers du président), PubliOpinion et Giacometti-Péron (dirigé par Pierre Giacometti, autre proche de Nicolas Sarkozy). Selon lui, ces cabinets d'études n'auraient en outre jamais été mis en concurrence, comme le prévoit la loi.
"Cette surfacturation potentielle par ces intermédiaires soulève la question d'une sortie irrégulière d'argent des caisses de l'Etat", avance l'ex-élu grenoblois. Ces prestations ont été facturées 2,98 millions d'euros au total à Publifact et PubliOpinion et 1,38 million à Giacometti-Péron, détaille-t-il.
• Pourquoi cette publication tombe mal pour la droite ?
Parce qu'elle va à l'encontre du discours ambiant dans le camp Sarkozy. Lors de la campagne d'entre-deux-tours, le candidat de l'UMP fait de la critique des médias et des sondages un véritable refrain. En visite à Longjumeau (Essonne) mardi 24 avril, le président candidat a ainsi critiqué fermement les journalistes, coupables selon lui de "terrorisme" à son égard.
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