Cet article date de plus d'onze ans.

Vidéo d'Aqmi : "Le message, c'est 'si vous intervenez au Mali, vos otages sont menacés'"

Al-Qaïda au Maghreb islamique a publié mardi une vidéo exhortant le gouvernement français à négocier le sort de ses otages détenus au Mali, alors qu'une intervention militaire dans le pays se précise.

Article rédigé par Pierre Godon - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Capture d'écran d'une vidéo publiée le 25 décembre 2012, dans laquelle apparaît Abdel Hamid Abou Zeid, un des chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique. (SAHARA MEDIAS / FRANCETV INFO)

"Il y a un an environ, nous avons averti la France de notre disposition à négocier et depuis nous attendons sa réponse." Une vidéo d'un chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), publiée mardi 25 décembre, met en lumière les difficiles négociations pour obtenir la libération des huit otages détenus par des groupes islamistes en Afrique de l'Ouest (quatre sont détenus par l'émir d'Aqmi Abdel Hamid Abou Zeid, les autres par d'autres chefs d'Aqmi ou d'autres groupes islamistes). Yves Trotignon, spécialiste d'Aqmi au cabinet Risk&Co, décrypte les messages contenus dans cette vidéo.

Francetv info : Pourquoi Aqmi publie-t-elle une vidéo appelant à la reprise des négociations ?

Yves Trotignon : C'est quelque chose qu'ils font assez souvent. C'est une tactique classique de groupe terroriste. Ils font porter le chapeau du pourrissement de la situation au gouvernement français, alors que ce sont eux qui ont enlevé les otages. 

Quelles peuvent être leurs revendications ?

Il y a trois hypothèses. D'abord, demander de l'argent à la France. C'est compliqué, car cela revient à financer un groupe terroriste. En plus, verser une rançon est sanctionné par l'ONU, qui a voté une résolution (lien en anglais) en ce sens en 2009. Ensuite, demander la libération de terroristes emprisonnés dans des pays voisins. C'est la solution qu'avaient choisie les gouvernements sous Sarkozy, mais cela revient à tordre le bras à la justice du Tchad ou de la Mauritanie, et à inverser une décision de justice.

Dernière hypothèse : réclamer des concessions politiques. Depuis que les troupes françaises se sont retirées d'Afghanistan, il reste aux groupes islamistes des revendications sur les lois sur le port du voile ou du niqab. Ils pourraient aussi faire pression pour empêcher l'intervention au Mali, prévue pour l'année prochaine.

Le timing de la vidéo n'a sans doute pas été choisi au hasard...

Le message derrière la vidéo, c'est "si vous allez au Mali, vos otages sont menacés", voire même "s'il arrive quelque chose aux otages, ce sera de votre faute". Les terroristes ne sont pas rassurés face à une intervention dans ce pays, qui constitue leur base, et où ils cachent les otages. Cela dit, il sera très difficile de les y trouver : ils se mêlent aux groupes touaregs, et les otages sont généralement gardés par quelques hommes, avec un seul véhicule, quelque part dans le désert du Nord-Mali. S'ils n'utilisent pas les télécommunications, on ne les trouvera jamais. 

La vidéo fait écho aux déclarations d'Hervé Morin, ancien ministre de la Défense, qui a dit l'an dernier qu'il était très difficile de communiquer avec Aqmi, car elle ne dispose pas d'un bras politique avec lequel discuter...

Les bouleversements politiques dans le pays - rébellion touareg, putsch des militaires... - ont anéanti les contacts noués avec les islamistes par le passé. Désormais, il faut reconstruire. Au Yémen par exemple, on passe par les tribus, mais au Mali, les clans sont partie prenante de l'instabilité politique, chacun jouant sa partition. Comme il est inenvisageable d'envoyer des Français pour négocier, il faut passer par des intermédiaires. Forcément, c'est compliqué. Encore plus depuis que la France s'est affichée ouvertement en faveur de l'intervention militaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.