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Vrai ou faux Vercingétorix, Charles Martel, Marie-Antoinette... On a vérifié quatre mythes historiques gravés dans la mémoire collective

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Illustrations de Vercingétorix, Marie-Antoinette et François 1er. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
Récupérés politiquement, réécrits à des fins de propagande militaire, ou encore remaniés pour faire naître un sentiment patriotique, ces mythes ont été remis au goût du jour à de multiples reprises, au détriment de la véracité historique.

L'heure de la rentrée a déjà sonné ! Avez-vous bien révisé vos grandes dates de l'histoire de France ? Le siège de Gergovie, la bataille de Poitiers, Marignan, la Révolution française... Mais êtes-vous sûr de vraiment savoir ce qui se cache derrière la version romancée de ces événements ? Ces périodes de conflits ont été écrites et réécrites à de multiples reprises, au point que les légendes qui les entourent ont parfois pris le pas sur les réalités historiques. Vrai ou Faux revient sur quatre mythes fondateurs du roman national français.

-52 Vercingétorix a-t-il vraiment uni toute la Gaule contre les Romains à Gergovie ?

Cette affirmation est fortement exagérée. Tout d'abord, les Gaulois étaient loin d'être un peuple homogène. Le concept de Gaule est une création romaine, qui désigne les territoires d'une soixantaine de peuples celtes distincts. Ces peuples ont formé des alliances, mais se sont également fait la guerre, au gré des événements et de leurs intérêts. Lors du siège de Gergovie, en 52 avant J.-C., la plupart des soldats gaulois sont en réalité des Arvernes, tout comme leur chef Vercingétorix. Même si d'autres peuples se joignent à lui, il est loin de fédérer tous ceux qui vivent en Gaule. Les Eduens, rivaux historiques des Arvernes, s'allient même à César dans un premier temps, avant de le trahir et rejoindre Vercingétorix, comme le raconte le Musée de Gergovie. Ce retournement contribue à la victoire de Vercingétorix et lui permet de réunir davantage de peuples gaulois derrière lui, mais jamais la totalité d'entre eux.

Mais alors, d'où nous vient ce mythe ? Pour répondre à cette question, il faut faire un bond dans le temps, jusqu'au XIXe siècle. C'est Napoléon III qui va dans un premier temps ressusciter la figure de Vercingétorix. En 1865, il fait ériger à Alésia une statue de sept mètres représentant le chef arverne. Sur le socle de cette statue, on trouve l'inscription : "La Gaule unie, formant une seule nation, animée d'un même esprit, peut défier l'univers." Cette image de Vercingétorix, héros patriotique d'une nation gauloise unie, va ensuite être massivement popularisée sous la Troisième République.

Car en 1870, la France, vaincue par les Allemands, a perdu une partie de son territoire. L'heure est à la construction d'un sentiment patriotique. Pour ce faire, l'historien Ernest Lavisse entreprend l'écriture d'un nouveau manuel d'histoire (archivé par la Bibliothèque nationale de France). Surnommé Petit Lavisse, ce dernier est mis dans les mains de millions d'écoliers, dès sa parution en 1884. L'histoire de France y est racontée au travers de grandes figures mystifiées, sous la forme d'un roman national. Le premier chapitre, consacré à "nos pères les Gaulois", fait intervenir Vercingétorix. Le chef gaulois y est dépeint en héros, finalement vaincu à Alésia, mais courageux et digne dans la défaite, symbole de la résistance face à l'envahisseur.

732 Charles Martel a-t-il vraiment repoussé une invasion arabe lors de la bataille de Poitiers ?

L'histoire est un peu plus compliquée. Tout d'abord, parce qu'il n'existe que très peu de sources concernant cette bataille. Des éléments aussi simples que la date, le lieu et le nombre d'effectifs en présence sont encore sujets à des incertitudes. Les rares sources qui existent permettent tout de même de défaire le mythe qui entoure cette bataille. "Tout concorde à penser qu'il n'y a pas de projet d'invasion" des troupes arabo-berbères sur Poitiers, "on a plutôt affaire à un raid pour piller l'or de l'abbaye de Saint-Martin-de-Tours", explique William Blanc, co-auteur avec Christophe Naudin du livre Charles Martel et la bataille de Poitiers (éd. Libertalia).

Pour comprendre la bataille de Poitiers, il faut se remettre en tête qu'en 732, "la nation France n'existe pas", rappelle l'historien. Le territoire français actuel est divisé en plusieurs entités. Charles Martel est duc d'Austrasie, un territoire qui correspond au nord-est de la France. Il vient combattre à Poitiers pour aider le duc d'Aquitaine, Eudes, qui fait face aux raids de l'armée d'Abd al-Rahman Ier, émir de Cordoue. Pourquoi ? Quelques années plus tôt, Eudes s'est allié avec Munuza, le gouverneur berbère de la Catalogne, en lui donnant sa fille en mariage. Une alliance perçue comme une trahison par Abd al-Rahman, qui lance des raids contre l'Aquitaine en représailles. On est donc loin de l'image fantasmée d'une guerre de religion opposant le chrétien Charles Martel aux musulmans.

"Les troupes d'Abd al-Rahman Ier ne sont pas là pour répandre l'islam. Ils ne poussent pas la population à se convertir."

William Blanc, historien

à franceinfo

"Ce n'est pas une chrétienté unie derrière Charles Martel qui s'oppose à Abd al-Rahman. Il est même probable qu'il y ait eu des mercenaires chrétiens dans son armée", poursuit l'historien.

Même si Charles Martel sort victorieux de la bataille de Poitiers, cela ne signe pas la fin de la présence des troupes arabo-berbères sur le territoire de l'actuelle France. Une province gouvernée "par des musulmans existe par ailleurs à Narbonne jusqu'en 759", souligne l'Institut du monde arabe. Alors, comment expliquer la naissance du mythe du chevalier chrétien "boutant les arabes hors de France" ? Selon William Blanc, "c'est seulement dans les années 1970 que Charles Martel commence vraiment à être mobilisé dans l'imaginaire national, avec les premières vagues d'immigration maghrébines". L'extrême droite va en effet massivement récupérer la figure du duc d'Austrasie. L'exemple le plus glaçant est celui du terroriste ayant assassiné 50 personnes dans deux mosquées à Christchurch (Nouvelle-Zélande) le 16 mars 2019. Obsédé par une vision fantasmée de Charles Martel, il avait gravé l'inscription "Charles Martel Tours 732" sur son fusil d'assaut.

1515 François Ier a-t-il vraiment été adoubé par le chevalier Bayard après la bataille de Marignan ?

"C'est une très jolie légende, mais c'est faux", regrette l'historien Didier Le Fur, auteur de Marignan,

Jusqu'en 1815, cette légende va être quelque peu oubliée. Mais lors de la Restauration, Louis XVIII a besoin de se réinventer un passé pour légitimer son règne. "On déterre la figure de François Ier et on le dépeint en souverain idéal. La légende du chevalier Bayard revient alors à la mode", raconte  

1789 Marie-Antoinette a-t-elle vraiment dit "Qu'ils mangent de la brioche !" au peuple en colère ?

C'est encore faux. "Aucune source historique de la Révolution, aucune biographie de Marie-Antoinette" ne valide la citation attribuée à Marie-Antoinette, affirme l'historien Olivier Coquard dans un article publié dans le magazine Historia. La rumeur est pourtant tenace. En février 2023, lors de la réforme des retraites, la députée insoumise Elisa Martin convoquait encore cette citation de Marie-Antoinette pour dénoncer la politique du gouvernement sur les retraites. Comment cette anecdote sans fondement a-t-elle donc bien pu traverser les siècles ?

La première trace de la phrase "Qu'ils mangent de la brioche !" se trouve dans l'autobiographie Les Confessions, écrite par Jean-Jacques Rousseau entre 1765 et 1767, et publiée à titre posthume en 1782. Dans le livre VI de l'œuvre, on trouve en effet cette citation : "Je me rappelai le pis-aller d'une grande princesse à qui l'on disait que les paysans n'avaient pas de pain et qui répondit : 'Qu'ils mangent de la brioche !'" Mais Jean-Jacques Rousseau n'attribue pas ces propos à Marie-Antoinette. Et pour cause : en 1765, Marie-Antoinette n'a que 10 ans et vit toujours en Autriche.

C'est un journaliste qui attribue pour la première fois cette phrase à la reine déchue. "On se rappelle quelle indignation on excita, dans le temps, contre la malheureuse reine Marie-Antoinette, en faisant courir le bruit que, entendant dire que le peuple était malheureux et qu'il n'avait pas de pain, elle avait répondu : Eh bien ! Qu'il mange de la brioche", écrit ainsi Alphonse Karr dans un numéro du journal satirique Les Guêpes publié en 1843. Depuis, la croustillante anecdote est entrée dans la culture populaire, "sans doute oralement", estime Olivier Coquard. En effet, elle n'apparaît ni dans les livres d'histoire, et "pas non plus dans les manuels scolaires", fait-il remarquer.

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