A Marseille, un scrutin "chaud comme un OM-PSG"
La 5e circonscription des Bouches-du-Rhône est sous les feux de la rampe. A droite, le leader local et prétendant à la mairie de Marseille, Renaud Muselier. A gauche, la ministre Marie-Arlette Carlotti. Deux campagnes en tout opposées.
La 5e circonscription des Bouches-du-Rhône est sous les feux de la rampe. A droite, le député UMP sortant, Renaud Muselier, leader de la droite locale qui vise la mairie de Marseille dans deux ans. A gauche, Marie-Arlette Carlotti, conseillère générale PS et toute nouvelle ministre déléguée aux Personnes handicapées, qui risque son maroquin ministériel en cas de défaite. Entre les deux, de savants calculs pour cette circonscription qui couvre le 4e arrondissement et une partie des 5e et 6e de Marseille : le premier a été réélu avec plus de 53% des voix au second tour des législatives il y a cinq ans. La seconde mise sur le bon score de François Hollande, arrivé en tête avec 50,22% des voix au second tour de la présidentielle pour faire basculer la circonscription. Chaque voix compte. Reportage.
Muselier : "Je suis content de te voir en pleine forme, va !"
Une visite de quartier par jour, chaque matin, avant d'enchaîner avec des rencontres plus ciblées, type presse ou association. L'équipe de Renaud Muselier, une centaine de bénévoles qui se relaient quotidiennement, ne lâche rien. "Ça va être très très dur, il faut mettre les bouchées doubles", trépigne Béatrice, petit chapeau rouge et grande tunique jaune chatoyante, une "fervente militante" qui s'agace de voir son candidat s'attarder avec la presse. Lui, grande mèche grise et sourire de jeune premier malgré ses 53 ans, est à l'aise, case quelques bons mots sur son adversaire socialiste : "Elle est soutenue par Paris et un pèlerinage de ministres."
Le député sortant lui oppose ses "premières élections cantonales, à 22 ans" et répète on et off ne pas porter de crédibilité à l'hypothèse d'une triangulaire avec le FN. Puis il se lance à l'assaut de la rue principale du quartier Saint-Just, dans le 4e arrondissement de Marseille. Epicerie, coiffeur, maison de la presse, tout y passe. Son costume gris change sans cesse de trottoir, pour ne louper aucune main, aucune bise, aucune accolade. "Hollande à 50,22% ici, c'est 220 voix d'écart, trois par bureau de vote !", pointe-t-il entre deux "je suis content de te voir en pleine forme, va !"
Ses militants, bien rodés, sillonnent les rues adjacentes. Certains se sont avantageusement postés à la sortie d'un supermarché encastré au rez-de-chaussée d'une barre d'immeuble. D'autres se faufilent derrière des habitants qui rentrent chez eux pour glisser des tracts dans les boîtes aux lettres. Renaud Muselier, lui, fait le show, joue à des jeux de grattage au bar-tabac, fait des bises et accueille une mamie dans une pharmacie avec un théâtral "Bienvenue dans cette excellentissime officine".
Derrière le comptoir, les préparatrices ont le sourire accroché pour une bonne heure. Parfois, l'ex-secrétaire d'Etat pose quelques questions. Souvent, il laisse son atout maître, le maire du secteur, Bruno Gilles, gérer l'échange et faire office de bureau des réclamations. Qui vont de l'angoissé "On a une question sur le permis de conduire" dans un garage à l'entreprise de panneaux photovoltaïques, pas malheureuse de tomber sur le député européen qui bosse sur le dossier, lui aussi de la visite.
A un croisement, une petite dame, chariot de courses vide, maxilunettes de soleil et grand chandail blanc aéré des vastes trous, s'inquiète du suivi d'un dossier déposé à la permanence et resté sans réponse. Renaud Muselier l'entoure de ses bras, l'éloigne puis acquiesce à grand renfort de soupirs compatissants. Un peu plus loin, Rahza est désemparée : "Et vous, c'est quoi vos promesses ?" Dégoûtée de la gauche, elle votera pour "celui qui la recevra". "Il suffit d'appeler mais après l'élection. Là, je suis trop occupé. En attendant, votez pour moi", lance le député avec un grand sourire. La jeune femme, à moitié convaincue, va peut-être "le tenter".
Au bout de la rue, l'équipe se rejoint et partage un pastis. Dont le candidat laisse la moitié dans son verre, rendez-vous avec la presse locale oblige. Satisfaits de leur matinée, les militants se dispersent. Trois se donnent rendez-vous le lendemain. Mais attendent surtout les municipales de 2014. "Là, ce sera chaud, comme un OM-PSG", promettent-ils.
Carlotti : "Je suis très fière d'accueillir, ici à Marseille, le Premier ministre"
"Ah, t'as raté Marie-Arlette." "Oui, mais au moins, lui, on l'aura aperçu." Un peu en retrait d'une nuée très dense de journalistes, deux sympathisants de gauche se hissent sur la pointe des pieds. Objectif : voir le Premier ministre, en déplacement à Marseille pour soutenir les candidats socialistes et tout particulièrement sa ministre Marie-Arlette Carlotti, éjectable de son gouvernement en cas de défaite.
Le troupeau de la presse ne quitte pas d'une semelle le duo médiatique, qui tente tant bien que mal de serrer les mains des socialistes et habitants venus à leur rencontre. Pas grave pour Evelyne, 58 ans : "On est heureux de le voir, il a pris le métro. Donc on a pu le suivre, ce qui est rare", sourit-elle timidement dans sa grande tunique bleue. Pour elle, Jean-Marc Ayrault incarne le "rétablissement d'une politique proche du peuple", le renouveau. Et le Premier ministre ne se gêne pas pour le marteler.
Devant une centaine de personnes massée à la terrasse du Bistrot marseillais, à deux pas de la permanence de Marie-Arlette Carlotti, il se lance : "Nous sommes un gouvernement exemplaire. Nous avons besoin d'une majorité pour appuyer la politique du président", et, dix minutes plus tard : "Vous devez nous donner une majorité pour que la France continue à retrouver son rang." De son côté, la ministre déléguée aux Personnes handicapées se dit "très fière de l'accueillir ici, à Marseille". Au-delà de "l'honneur" et du "sacré soutien", elle s'avoue même enchantée, bien que le Premier ministre n'ait pas parlé de la candidate en tant que telle, de ses qualités ou de son action.
"Qu'il vienne ici, après Arnaud Montebourg et Manuel Valls, ça prouve que, dans tous les domaines, tous les dossiers de Marseille, ville qui souffre, seront considérés", s'emballe celle qui se verrait bien représentante de la deuxième ville de France au gouvernement. "C'est la première ministre marseillaise depuis Gaston Defferre", avance Anthony, étudiant, membre du PS de la circonscription voisine venu grossir les rangs du comité d'accueil. Et puis, c'est "une démonstration de force qui sera demain dans tous les journaux", souligne le jeune homme, confiant.
La ministre, elle, jure prendre autant à cœur ses dossiers au ministère que la campagne locale. "Je fais aussi du porte-à-porte, des apéros à domicile", liste-t-elle, tout en soulignant : "Je vis ici, dans ma circo. Ce soir, je ne rentre pas à Paris avec monsieur Ayrault !" Aussi sereine que surexcitée après un déplacement intensif, elle compte bien "transformer l'essai" de la présidentielle.
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