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"Aidez-moi !", la formule fétiche (et risquée) de Sarkozy

Depuis qu'il est en campagne, le président candidat conclut systématiquement ses meetings en lançant cet appel à l'aide aux Français. Une formule qui n'est pas sans ambiguïtés. 

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président candidat Nicolas Sarkozy à l'issue de son discours de campagne de Villepinte, le 11 mars 2012. (ERIC FEFERBERG / AFP PHOTO)

Marseille, Lille, Montpellier, Bordeaux, Saint-Just-Saint-Rambert, Villepinte... A chaque meeting de Nicolas Sarkozy, cette même formule incantatoire en guise de conclusion : "Aidez- moi !" Depuis son entrée en campagne, pas un de ses six meetings n'a échappé à la règle : cet appel à assistance, le président candidat l'a répété, selon notre décompte (voir la vidéo ci-dessous), près d'une trentaine de fois, variant simplement les déclinaisons : "Aidez-moi à réussir pour la France", lance-t-il à Marseille ; "Aidez-moi à construire une France plus forte", exhorte-t-il à Lille ; "Aidez-moi à donner un avenir à nos enfants", s'égosille-t-il encore à Montpellier...

"Aidez-moi" : la formule que Sarkozy répète sans cesse (BASTIEN HUGUES / FTVi)

Le communicant David Réguer y voit avant tout "un appel gaulliste". Le général n'avait-il pas lui-même utilisé cette formule, d'abord le 27 juin 1958 dans son premier discours télévisé après son retour au pouvoir, puis le 22 avril 1961 à la suite du putsch des généraux à Alger ? "Depuis le début de la campagne, l'objectif est de faire passer l'idée d'une France en état de guerre", observe David Réguer. Cet appel à l'aide "répond donc au scénario bien huilé d'une campagne parfaitement orchestrée : la France est en guerre, la campagne est un référendum, après moi le chaos, donc aidez-moi et, en d'autres termes, votez pour moi."

Mais la formule a "surpris" le linguiste Jean Véronis. Car "sur fond de guerre et de putsch, De Gaulle avait besoin du soutien populaire en 1958 comme en 1961. Il était le principal opposant au régime des partis de la IVe République, et son arrivée au pouvoir est controversée. Cette fois, la formule est assez paradoxale de la part du candidat président, puisque lui-même ou son parti ont depuis dix ans tous les pouvoirs, y compris les deux chambres jusqu'au basculement récent du Sénat. Pourquoi et par qui devrait-il être aidé ?", s'interroge-t-il.

"C'est aujourd'hui le commandant de 'la France forte' qui implore qu'on lui envoie... une bouée, critique également Claude Posternak, communicant proche du PS. C'est une position délicate que d'envoyer un message aussi contradictoire. Mais a-t-il un autre choix ? Il est en retard dans les sondages, son entame de campagne n'a pas changé la donne. Le 'aidez-moi' est donc un appel à la mobilisation, littéralement un appel à l'aide."

"Le président ne peut pas refaire la France sans les Français", justifie Guaino

"Nicolas Sarkozy a besoin de l'aide des Français pour construire la France forte", leur répond la plume du président candidat, Henri Guaino. C'était le sens de la démarche du général De Gaulle : le président ne peut pas refaire la France sans les Français ! C'est d'ailleurs très méprisant de laisser entendre qu'un seul homme peut aider, à lui seul, tous les Français."

"C'est faire preuve d'une certaine humilité, approuve le sondeur Yves-Marie Cann, directeur d'études à l'institut CSA. Nicolas Sarkozy aborde la campagne présidentielle en position de challenger, il a donc besoin des électeurs pour gagner l'élection et donner tort à ceux qui parient aujourd'hui sur sa défaite."

Claude Posternak pointe cependant une autre contradiction : "Nicolas Sarkozy doit donner le signe qu'il croit en lui, que sa détermination est sans faille. L'évocation à deux reprises d'un possible retrait de la vie politique renvoie d'abord à une possible défaite, et brouille cet appel. Car peut-on aider un candidat qui donne des signes de ne plus croire véritablement en lui ?" 

"Sarkozy dit : 'aidez-moi'. Mais c'est les Français qu'il faut aider !"

La formule est effectivement risquée. John Fitzgerald Kennedy ne formulait-il pas ce conseil : "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays" ? Dimanche sur Twitter, le patron des députés socialistes et conseiller spécial de François Hollande, Jean-Marc Ayrault, tout comme de nombreux autres internautes, n'ont en tout cas pas hésité à railler la formule :

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