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Alan, trader : "Je vais voter avec mon portefeuille"

Broker dans une société de courtage à New York, Alan en a marre des attaques incessantes sur Wall Street. Il aime le discours de Mitt Romney, qui a aussi l'avantage de vouloir baisser ses impôts.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alan dans les bureaux de sa société de courtage, à New York (Etats-Unis), le 15 octobre 2012. (MARION SOLLETTY / FTVI)

A deux semaines des élections, francetv info est parti à la rencontre de huit électeurs américains. Nous leur avons demandé comment leur vie avait changé en quatre ans de présidence Obama, et le choix qu'ils feront le 6 novembre pour l'élection qui l'oppose à Mitt Romney. Alan* est le premier que nous rencontrons.

Dans la petite pièce qui surplombe Times Square, à New York, au 23e étage d’une tour vitrée, ils sont une vingtaine installés devant leurs écrans où les courbes et les chiffres défilent. Alan, 36 ans, est l’un d’entre eux : à Wall Street, il est ce qu’on appelle un broker.

Les brokers sont des intermédiaires de marché : commissionnés par les institutions financières ou les fonds d’investissment, ce sont eux qui passent directement les ordres d’achat ou de vente en bourse. En première ligne, Alan a subi de plein fouet la crise financière. Ses opinions politiques s’en ressentent.

Sa vie en 2008

Alan n’était pas destiné à la finance : enfant, le jeune garçon se voyait reprendre l’affaire familiale, une petite entreprise new-yorkaise spécialisée dans les équipements de bureau : imprimantes et photocopieurs, vendus dans le magasin familial où son père travaille "six jours par semaine, parfois sept".

Mais lorsqu’il termine ses études, en 1998, la finance est en plein boom. Le jeune homme rêve de Wall Street. Il débute sa carrière en pleine euphorie collective. Entre 1998 et 2005, "les années de pleine croissance se sont succédé les unes après les autres.... Il y avait tellement d’argent, d’excès... se souvient le jeune broker. La vie était plus facile."

La crise de 2008 met brutalement fin à cet âge d’or. "Beaucoup de mes amis ont perdu leur travail, mon business a énormément souffert." En novembre 2008, alors que la campagne électorale battait son plein, Alan perdait ses clients les uns après les autres. "J’ai attaqué l’année 2009 avec à peu près moitié moins de clients qu’un an auparavant. J’ai dû tout reconstruire."

Pour qui a-t-il voté à l’époque ? John McCain, même s’il explique "ne plus très bien savoir pourquoi..."

Sa vie en 2012

Aujourd’hui, l’activité d’Alan n’a toujours pas retrouvé le niveau d’avant la crise. "Les quatre années écoulées ont été une période de stagnation. C’est comme si tout avait été suspendu."

Alan vit à Long Island, la banlieue aisée de New York. Il a quitté Manhattan fin 2008 avec sa femme, mère au foyer, et ses deux jumelles – le couple a eu une troisième petite fille depuis. Il sourit en parlant d’elles, ses filles sont "son inspiration", dit-il, celle qui le pousse à se lever chaque matin pour rejoindre le flot des banlieusards qui transitent vers Manhattan et ses rues toujours bondées.

"L’inspiration", explique-t-il, c’est ce qui manque à beaucoup de ses compatriotes, trop enclins selon lui à se reposer sur les aides sociales. "A écouter les informations, vous pouvez penser que tout le monde cherche du travail et qu’il n’y en a nulle part. Mais vous savez quoi ? Quand je vais sur Craigslist [site de petites annonces très populaire aux Etats-Unis], je ne vois que ça, des annonces pour du travail. Alors si vous voulez vraiment travailler, vous pouvez. Moi, mes factures arrivent tous les mois et je fais de mon mieux pour les payer. Mais parfois, j’ai l’impression d’être un pigeon..."

Et la présidence Obama dans tout ça ?

Alan ne porte pas le président dans son cœur. Il le trouve "arrogant" et s’énerve des attaques incessantes contre Wall Street. Lui se sent une victime comme une autre de cette crise qui n’en finit pas. "Bien sûr qu’il y a eu certains agissements néfastes, comme cette histoire de subprimes", mais lui "n’a rien eu à voir là-dedans", martèle le jeune homme, qui peine à cacher son amertume. "J’en ai souffert comme tout le monde. Alors le ‘tous pourris’..."

Le broker apprécie le discours de Romney, qui veut revoir les différents volets de la loi Dodd-Frank, la grande réforme financière d’Obama. Alan s’inquiète en particulier de la règle Volcker, qui veut interdire le trading des banques pour leur propre compte, et risque de sérieusement impacter son business.

Le jeune homme l’admet sans ambages : "Ce n’est pas très glorieux, mais à ce stade, je vais devoir voter avec mon portefeuille. Je ne suis pas en position de continuer à subventionner le reste du pays. Si Mitt Romney baisse les impôts ou quoi que ce soit d’autre qui m’aide, c’est pour lui que je voterai."

* Son prénom a été modifié.

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