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Bien-être animal : comment les associations et le monde du cirque réagissent à la proposition de loi

Une proposition de loi déposée par des députés LREM vise notamment à interdire les animaux sauvages dans les cirques. Le texte est loin de ravir les circassiens, alors que les associations de défense de la cause animale se montrent satisfaites.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un hippopotame dans un cirque, en septembre 2017. (GERARD HOUIN / AFP)

"Jusqu'à maintenant, rien n'a été fait pour le bien-être animal", estime Corinne Vignon, députée LREM de la 3e circonscription de Haute-Garonne, auprès de franceinfo. Elle fait partie de la cinquantaine de députés signataires qui, emmenés par l'élue de l'Essonne Laetitia Romeiro Dias, ont déposé une proposition de loi "relative à l'amélioration de la condition animale et à la lutte contre la maltraitance", mercredi 1er juillet. 

Ce texte, "audacieux" selon Corinne Vignon, entend mettre fin à la souffrance animale, notamment dans les cirques. Il veut également en terminer avec les corridas, "en commençant par interdire ce spectacle au public de moins de 16 ans".

L'encadrement du commerce et de la détention d'animaux de compagnie fait partie des autres mesures. Ainsi, les députés signataires souhaitent instaurer un permis de détention "obligatoire". "Ce permis gratuit pourra vous être retiré à vie en cas de maltraitance avérée", précise la députée. "Nous devons également mettre un terme au trafic d'animaux sur internet avec une législation adéquate. Il faut arrêter définitivement l'élevage des animaux pour leur fourrure et mettre un terme aux activités de montreurs d'ours et de loups." Par ailleurs, la proposition de loi comprend des mesures pour renforcer les sanctions pour les cas de maltraitance, de négligence et d'abandon. 

Vers la fin des animaux dans les cirques

"Nous avons bien conscience que tout ne peut être traité dans une seule loi", précise Corinne Vignon, qui voit dans ce texte un "premier pas". Celui-ci est mal perçu par les familles du cirque, puisque la proposition vise à leur interdire de posséder des animaux sauvages à partir du 1er janvier 2026. Corinne Vignon se déclare "lucide" sur l'enjeu que cela représente pour les quelque 150 familles de circassiens présentes en France. "Nous devons trouver des solutions alternatives, pour les familles et pour les animaux, car les zoos n'en voudront pas. Il faut créer un refuge national financé par des fonds publics et que l'Etat encourage les cirques à renoncer à leurs animaux avec une incitation financière [qui dirait] 'plus tôt vous arrêtez, plus on vous dédommage'" détaille la députée.

Le but n'est pas que les circassiens tuent leurs animaux et vendent les dépouilles au marché noir. Nous savons qu'ils les aiment. Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est pourquoi on se donne jusqu'en 2026 pour y aller petit à petit, et laisser le temps nécessaire aux familles.

Corinne Vignon, députée

à franceinfo

Consciente que le sujet est évoqué à la veille d'un remaniement ministériel, Corinne Vignon n'en est pas moins déterminée à porter sa proposition de loi. "J'espère qu'un secrétariat sera prochainement dédié à cette cause, car les animaux ne peuvent être représentés que par le seul ministère de l’Agriculture", ajoute-t-elle.

"Un enjeu politique de plus en plus fort"

Du côté des associations de défense de la cause animale cette proposition de loi est jugée "très positive". "Cela met la condition animale à l'ordre du jour", souligne Amandine Sanvisens, présidente de l'association Paris Animaux Zoopolis, auprès de franceinfio.

Satisfaite qu'il y ait "une date butoir" concernant l'interdiction des animaux sauvages dans les cirques et que la proposition de loi soit portée par des députés de la majorité, Amandine Sanvisens reste prudente. "La cause du bien-être animal va devenir un enjeu politique de plus en plus fort. Et nous attendons des actes très forts, car nous en avons assez des beaux discours d'intention." Plus de sept Français sur 10 estiment que la classe politique défend mal les animaux, selon un sondage de la Fondation 30 Millions d’Amis mené par l’Ifop, en février 2019

En France, nous sommes très en retard sur cette question, alors que la majorité des pays européens, comme l'Autriche, le Portugal, le Royaume-Uni ou l'Irlande, ont interdit les animaux sauvages dans les cirques.

Amandine Sanvisens

à franceinfo

Pour la présidente de Paris Animaux Zoopolis, ce "blocage" du gouvernement sur la question des cirques peut s'expliquer par "le fait de penser que s'il lâche sur ça, il va devoir lâcher sur d’autres choses comme la chasse. Mais nous voyons bien que c'est une question sociétale et qu'il faut arrêter de dire que c'est une cause 'bobo' des grandes villes". 

"Ma vie n’est pas à vendre"

Sous les chapiteaux, le son de cloche est différent. "Cette loi ne passera pas ! Avant de débattre de cette proposition, il aurait été bien de mettre des députés et des professionnels autour d’une table pour trouver ensemble des solutions", tempête Solovich Dumas, directeur du cirque de Rome et membre de la mission interministérielle sur les cirques et forains, contacté par franceinfo. Pour lui, les animaux doivent rester dans les cirques. "Ma vie n’est pas à vendre. Je ne veux pas arrêter de faire le plus beau métier du monde."

Mes animaux sont nés chez moi, et mourront chez moi. Ils font partie de ma vie.

Solovich Dumas

à franceinfo

Issu d'une famille où l'on est circassien de père en fils depuis 1857, Solovich Dumas doute de l'accompagnement prévu par la proposition de loi. "Je ne crois pas que l’Etat français ait des millions d’euros pour nos animaux. Ils n’arrivent pas à nous aider aujourd'hui. Alors demain, comment vont-ils financer un sanctuaire national avec 4 à 500 animaux dedans ? Entretenir un fauve, c’est 600 euros par mois. Moi, j'en ai 12 !" Dès le début du confinement, le gouvernement a notamment mis en place une cellule de veille pour identifier les situations à risque pour les animaux.

Si Solovich Dumas condamne fermement les cas de maltraitance d'animaux révélés dans certains cirques, il invite à ne pas généraliser ces cas "isolés", et ainsi de ne pas "pénaliser" et "condamner toute une profession". "Je suis pour le bien-être animal dans les cirques et pour qu’on ferme les cirques qui ne respectent pas la loi." 

Son cirque ne possède aucun animal sauvage capturé en Afrique ou ailleurs, assure-t-il. "Ils sont tous nés en France avec un passeport français. Certes, ils sont issus de la faune sauvage, mais ce ne sont pas des animaux sauvages. C'est trés réglementé en France, contrairement à d'autres pays européens." Conscient de la nécessité de veiller au bien-être des animaux, Solovich Dumas se dit se prêt à en discuter avec les parlementaires porteurs de la proposition de loi.  

Défenseurs de la cause animale, députés, et circassiens attendent désormais de connaître la suite réservée à la proposition de loi. "Nous ferons tout pour qu'elle soit débattue en décembre comme prévu, et d'ici là nous l'enrichirons" promet Corinne Vignon.

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