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Les vidéos de l'association L214 sont-elles efficaces pour lutter contre la maltraitance animale ?

Alors qu'un élevage vendéen a été épinglé mardi par l'association L214, franceinfo revient sur les établissements contre lesquels des mesures ont été prises après avoir été pointés du doigt par ces défenseurs de la cause animale.

Article rédigé par Licia Meysenq
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Un extrait de la vidéo publiée le 24 mai 2016 par l'association L214 sur l'élevage du Chaleins (Ain) qui a fermé ses portes depuis. (HO / L214)

Près de 160 000 poules pondeuses, déplumées et privées de lumière, entassées dans des cages. L'association L214 a mis en ligne une vidéo choc relayée par Le Monde, mardi 30 mai. L'organisme, qui lutte pour la protection des animaux, épingle un établissement d'élevage situé à Chauché en Vendée, qui fournit la marque Lustucru. 

L'association n'en est pas à son coup d'essai. Elle partage des vidéos qui dénoncent les pratiques de certains abattoirs et élevages depuis 2008. Si, au départ, cela a eu peu de répercussions sur les exploitants, les choses évoluent depuis 2015. "La diffusion de ces vidéos a un grand impact sur l'opinion publique et contribue à alerter les autorités", explique Brigitte Gothière, la porte-parole de l'association. Franceinfo revient sur les cas les plus emblématiques dénoncées par l'association et les conséquences. 

2008 : des vaches égorgées conscientes dans un abattoir Charal à Metz

Les images chocs. En 2008, muni d'une caméra, un des militants de L214 s'introduit dans un abattoir Charal à Metz (Moselle). Ses images montrent, selon l'association, que la réglementation en vigueur n'est pas respectée. Les bêtes ne sont pas saignées immédiatement après avoir été étourdies et un certain nombre d'animaux semblent encore conscients lorsqu'ils sont égorgés. Ce reportage de France 3, tourné à l'époque, résume l'affaire.

Ce qui a changé depuis. Furieuse de cette mauvaise publicité, la marque Charal avait répliqué en pointant l'aspect "militant" de l'association, qui ne se cache pas d'avoir été fondée en 2008 par des veganes, des personnes qui ne consomment aucun produit issu des animaux ou de leur exploitation. L214 a porté plainte contre Charal pour "cruauté contre les animaux". Des poursuites qui ont, depuis, été classées sans suite, rapporte l'association.

2014 : des lapins non étourdis avant d'être abattus dans le Morbihan

Les images chocs. "Des lapereaux agonisent dans leur cage grillagée, d'autres dans la fosse à déjections, certains moribonds pendent à travers les grilles des cages, des lapins sont mutilés." En juin 2014, l'association de protection animale L214 dénonce "l'horreur" dans un élevage de milliers de lapins du Morbihan.

Ce qui a changé depuis. Après la diffusion de ces images, la préfecture n'avait pris "aucune mesure de fermeture administrative" de l'élevage de lapins. Mais l'association L214 a été condamnée, dans un premier temps, à censurer les images. Une décision annulée en appel. Une plainte pour maltraitance animale a par ailleurs été déposée par l'association.

2014 : les poussins broyés vifs dans un couvoir du Finistère

Les images chocs. Toujours en 2014, l'association révèle d'autres images qui bouleversent l'opinion : celles d'un broyage de poussins dans le couvoir Saint-François à Saint-Hernin (Finistère) filmé en caméra cachée par un ancien employé. Les images sont diffusées dans un numéro d'"Envoyé Spécial", sur France 2. On y voit des centaines de milliers de poussins qui passent au broyeur ou sont étouffés dans des sacs-poubelle. En peu de temps, une pétition récolte près de 120 000 signatures.

Ce qui a changé depuis.  Le couvoir Saint-François a été condamné le 8 mars 2016 par le tribunal correctionnel de Brest à une amende de 19 000 euros. Le patron de l'entreprise a échappé, en revanche, à la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, initialement requise par le parquet.

 2015 : des chevaux abattus encore conscients dans l'abattoir d'Alès 

Les images chocs. L'une des premières vidéos à devenir virale postée par L214 est celle de l'abattoir d'Alès (Gard) en 2015. Elle montre des chevaux encore conscients se faire fracasser le crâne au pistolet et des moutons égorgés vivants. 

Ce qui a changé depuis. Le maire de la ville, Max Roustan, se dit "ému" par ces images. Le jour de la mise en ligne de la vidéo, il annonce la "fermeture immédiate à titre conservatoire de cet établissement" dans un communiqué

Moins de deux mois après, l'établissement rouvre ses portes. "L'abattoir est essentiel pour la survie de la filière dans cette région d'élevage", a déclaré le maire pour justifier cette décision, dans des propos rapportés par le Huffpost. Selon lui, la fermeture a entraîné des "pertes colossales" pour cet établissement municipal. Brigitte Gothière assure qu'une plainte a été déposée par l'association et qu'une enquête préliminaire sur des "faits d'acte de cruauté et mauvais traitements sur animaux" est en cours, mais aucune date de jugement n'a été arrêtée.

2016 : un employé qui envoie des décharges électriques au Vigan

Les images choc. La vidéo tournée à l'abattoir du Vigan (Gard), mise en ligne en février 2016, a été visionnée plus d'un million de fois sur YouTube et reprise par de nombreux médias. On y voit des animaux manipulés avec violence ou mal étourdis, ce qui est illégal. Un employé envoie volontairement des décharges électriques à un mouton et s'amuse de sa réaction.   

Ce qui a changé depuis. Les pouvoirs publics réagissent. En plus de la plainte déposée par L214, le procureur ouvre une enquête préliminaire et la structure est fermée à titre conservatoire par  la communauté de communes du Pays viganais qui en a la gestion. Le maire du Vigan dénonce, lui, des pratiques "barbares". 

En avril 2017, un employé est condamné pour "actes de cruauté" et "mauvais traitements envers les animaux". Une première, selon Brigitte Gothière. Cet ancien salarié de l’abattoir, présent sur la vidéo, a écopé de huit mois de prison avec sursis et 600 euros d'amende en plus d'une interdiction d’exercer une activité en lien avec des animaux vivants pour une durée de cinq ans par le tribunal correctionnel d'Alès. La communauté de commune du pays viganais a, de son côté, été condamnée à 3 500 euros d’amende.  

Selon France Bleu, l'abattoir va être repris par un collectif d'éleveurs et l'établissement pourra ouvrir de nouveau ses portes à la fin du mois d'août. 

2016 : des actes de cruauté dans l'abattoir de Mauléon-Licharre

Les images chocs. L'abattoir de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques) fournissait en 2016 le grand chef étoilé Alain Ducasse ou encore le meilleur boucher de France. Mais, une vidéo publiée par L214 en mars montre que de mauvais traitements sont infligés aux animaux de cette entreprise, certifiée bio et Label rouge. L'association porte plainte le 29 mars pour "faits de maltraitance", de "sévices graves" et d'"actes de cruauté".

Ce qui a changé depuis. La préfecture suspend, le jour même, l'agrément de l'abattoir pour "pratiques illégales". Cette suspension est levée moins deux mois plus tard : "Des améliorations ayant notamment été apportées en termes de fonctionnement et de compétences", selon un communiqué de la préfecture

Une enquête préliminaire est toujours en cours pour "mauvais traitement". ''Aujourd’hui, je ne suis pas en capacité de dire quand et comment le dossier sera jugé", explique Antoine Tugas, l'avocat des salariés mis en cause dans la vidéo, au journal Sud-Ouest, le 24 mai 2017. Trois salariés ont été entendus par les gendarmes en septembre, mais seul l'un d'entre eux travaille encore à l'abattoir. Ils seraient "psychologiquement touchés, mais cherchent plutôt l’oubli", selon les confessions d'une source proche du dossier au journal.

2016 : des cadavres décomposés au Gaec du Perrat

Des images chocs. En mai 2016, L214 diffuse une vidéo tournée au Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec) du Perrat de Chaleins (Ain). On y découvre 200 000 poules entassées dans un poulailler industriel. Les œufs, commercialisés par la marque Matines, sont couverts de poux, des asticots gigotent sur le sol et des cadavres se décomposent dans des cages.

Ce qui a changé depuis. Choqué par de telles conditions d'élevage, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, déclare sur franceinfo être prêt à fermer l'élevage. La marque Matines annonce dans un communiqué qu'elle refuse désormais de s'approvisionner dans cette ferme. 

L'ancienne ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, demande une inspection. Le préfet ordonne la fermeture temporaire de l'exploitation et celle-ci baisse définitivement le rideau en juin, lorsque le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse prononce la mise en liquidation judiciaire du Gaec.

Les associations, dont la fondation 30 millions d'amis et la SPA, ont tenté de sauver le plus de poules possible, destinées à être "abattues ou vendues à des tiers pour être transformées en farine pour l'alimentation animale", selon le préfet de l'Ain d'alors, Laurent Touvet. Les 22 employés de l'exploitation ont perdu leur emploi, non sans avoir souffert de la médiatisation, comme ils le confient à La Voix de l'Ain

On a eu la trouille pendant 15 jours, nous recevions des appels cachés, des menaces de mort. Les réseaux sociaux se sont aussi déchaînés.

Les anciens salariés du Gaec

à La Voix de l'Ain

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