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Rhinocéros abattu au zoo de Thoiry : la France, nouveau terrain de chasse des braconniers

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Après la mort de Vince, un rhinocéros du zoo de Thoiry (Yvelines), lundi 6mars, les enquêteurs sont lancés dans une course contre la montre pour élucider une affaire "compliquée" et retrouver sa corne sciée et volée lors de cette attaque inédite en Europe. (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Pour récupérer le corne de Vince, un rhinocéros blanc de quatre ans, des braconniers n'ont pas hésité à l'abattre dans son enclos. Une première dans l'Hexagone.

Le ou les tueurs de Vince ont certainement vite fait le calcul. "Un kilo de corne de rhinocéros, c’est 60 000 euros. Autant qu’un kilo de cocaïne", résume le lieutenant Christophe Le Gallo, de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), interrogé par franceinfo. Le rhinocéros de quatre ans a été abattu de trois balles de fusil dans son enclos du zoo de Thoiry (Yvelines), en pleine nuit lundi 6 mars, au nez et à la barbe des gardiens.

Cible de toutes les convoitises : sa corne principale, sciée avant d'être emportée. La preuve, selon Stéphane Ringuet, responsable du programme Commerce des espèces sauvages au WWF, que la France n'est plus seulement une zone de transit pour ce type de produit, mais "un terrain de jeux pour les braconniers".

Une demande qui explose en Asie

Car la demande pour cet or blanc explose dans certaines parties du globe. "En 24 heures, la corne peut déjà avoir traversé la moitié de l’Europe, explique Stéphane Durand, inspecteur de l’environnement à la brigade CITES de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, spécialiste de la lutte contre le trafic des espèces protégées. Pour quelle destination finale ? Christophe Le Gallo, qui a envoyé ses hommes à Thoiry aider les enquêteurs de la gendarmerie, n'a pas de doute : "Vers l'Asie et plus particulièrement la Chine ou le Vietnam, là où on lui prête des vertus thérapeutiques."

Réduite en poudre, elle aurait en effet le pouvoir de faire baisser la fièvre, stopper les saignements de nez, remonter la libido... Des propriétés qui n'ont jamais été prouvées scientifiquement. La corne n'est composée que de kératine, une protéine que l'on retrouve dans les ongles et les cheveux. "Les besoins pour la médecine traditionnelle sont toujours là, mais ce qui est nouveau, c'est que la corne est désormais utilisée pour des usages plus contemporains, analyse Stéphane Ringuet. On lui prête le pouvoir de soigner le cancer, rajeunir le corps, faire disparaître la gueule de bois..." Un phénomène aggravé par l’augmentation du niveau de vie des classes moyennes. La poudre n'est plus l'apanage des plus riches.

De multiples vols en France

A partir de 2010, des cornes, voire des têtes naturalisées entières, disparaissent des musées, salles des ventes, galeries, collections privées et zoos en France et en Europe. En mars 2011, une corne de rhinocéros de 8 kg a ainsi été dérobée au Muséum d’histoire naturelle de Rouen (Seine-Maritime). La même année, c'est le Muséum du Havre qui a lui aussi été cambriolé. Mais, surprise pour les voleurs, la corne exposée était en résine, l'objet d'origine ayant été mis à l'abri par les conservateurs, rapportait à l'époque France Bleu Normandie. A Paris, c'est le musée de la Chasse et de la nature qui a été pris d'assaut, avec un gaz paralysant pour immobiliser les gardiens. Les voleurs ont ensuite arraché sur un trophée la corne d'un rhinocéros blanc. Derrière ces vols, des Irlandais pour la plupart qui s'étaient spécialisés dans des travaux de goudronnage bâclés. Une bonne partie d'entre-eux a finalement été arrêtée en 2013, raconte L'Express

Mais Vince est le premier animal ainsi tué dans l'Hexagone. "J'espère qu'il s'agit d'un acte isolé, mais je me rappelle que les autorités pensaient la même chose avec les vols de cornes dans des musées ou des salles de vente", explique Stéphane Ringuet. "Je suis étonné que ce ne soit pas arrivé plus tôt, à force de répéter que la corne de rhinocéros vaut une petite fortune", juge Stéphane Durand. Le spécialiste considère qu'il s'agit-là d'une opération commanditée s'appuyant sur un réseau.

Une espèce déjà menacée

Comment prévenir d'autres attaques telles que celle qui a eu lieu au zoo de Thoiry ? La riposte est possible en agissant sur trois leviers, selon Stéphane Ringuet : le risque, l’effort et la récompense. "Si les braconniers sont passés à l’action, c’est que le risque était faible par rapport à d’autres trafics et qu'en contre partie la récompense était élevée." Un travail de longue haleine pour sauver une espèce plus que jamais en danger. Si la France est choquée par la mort d'un rhinocéros blanc, trois sont abattus chaque jour en Afrique du Sud, rappelle le combattant de la cause animale : "1 054 spécimens ont été tués en 2016, 1 215 en 2014, alors qu'ils n'étaient que 13 en 2007."

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