Cazeneuve, un pro-nucléaire dans la garde rapprochée de Hollande
Le député-maire de Cherbourg, nommé cette semaine porte-parole du candidat socialiste à la présidentielle, a toujours défendu avec fermeté les intérêts de l'industrie nucléaire.
A Cherbourg-Octeville (Manche), la ville dont le socialiste Bernard Cazeneuve est député-maire, certains continuent de l'appeler le "député Cogema" (l'ancienne dénomination d'Areva). Mardi 15 novembre, c'est à lui que le fleuron de l'industrie nucléaire française a téléphoné, pour le prévenir des "conséquences graves" qu'entraînerait l'accord ficelé quelques heures plus tôt entre le PS et Europe Ecologie-Les Verts. "Un coup de fil anodin", selon l'intéressé, mais qui allait être le point de départ de quarante-huit heures de cacophonie à gauche autour de l'avenir du MOX, un combustible nucléaire controversé.
Nommé porte-parole dans l'équipe de campagne de François Hollande mercredi 16 novembre, Bernard Cazeneuve, 48 ans, est en effet un farouche partisan de l'énergie nucléaire. Député de la Manche depuis 2007, cet ex-mitterrando-fabiusien est aussi premier vice-président de Basse-Normandie, chargé du développement économique. La région fournit à elle seule 17 % de la production nationale d'énergie atomique, et compte notamment sur son territoire le centre Areva de traitement des déchets nucléaires à La Hague. Selon un rapport de 2009, 9 500 emplois sont directement liés au nucléaire dans la région.
Le nucléaire, "une chance pour la France"
Guère étonnant, dès lors, que Bernard Cazeneuve défende avec force ce secteur. Le 19 mai 2009, lors d'une séance de questions au gouvernement, le député débutait une intervention en assurant que "le nucléaire civil constitue une chance pour la France", et en saluant "l'efficacité" d'Areva dans ce domaine. Le 30 mars 2010, il s'inquiétait de l'avenir du groupe énergétique, dont il vantait à nouveau "l'efficacité du management". Inquiétude réitérée dans une nouvelle question au gouvernement, posée le 9 février 2011 en séance, dans laquelle il soulignait "la réussite d'un groupe intégré et performant".
Mais ces derniers mois, c'est auprès de François Hollande que Bernard Cazeneuve a exercé un vif lobbying, pour que le candidat socialiste ne cède pas aux pressions écologistes sur l'abandon du réacteur EPR de Flamanville (Manche). Début novembre, il est allé jusqu'à mettre sa candidature aux législatives dans la balance. "Au nom de mes convictions sur l'avenir du nucléaire", dit-il aujourd'hui. Pari gagné : François Hollande a suivi ses conseils et l'a intégré à son équipe de campagne.
"Je ne suis pas un nucléocrate"
Nul doute que le numéro deux d'Europe Ecologie-Les Verts, Jean-Vincent Placé, pensait à lui lorsqu'il a dénoncé, mercredi 16 novembre, la présence auprès de François Hollande d'"un entourage (...) très très pro-nucléaire et qui commence à devenir extrêmement arrogant". Des mots durs, que Cazeneuve ne préfère pas commenter. "Je ne suis certainement pas un nucléocrate. Je défends simplement une filière d'excellence", estime-t-il.
"Sur le nucléaire, Bernard Cazeneuve est à des années-lumière d'Europe Ecologie", renchérit néanmoins le député écologiste Noël Mamère. Le différend n'est pas nouveau. "En janvier 1999, lorsque j'étais allé avec Dany Cohn-Bendit à La Hague, nous avions été reçus par des syndicalistes à coups de poing, de jets d'œufs et d'insultes. A l'époque, Bernard Cazeneuve n'avait rien fait", se souvient-il avec amertume. Au contraire. Selon un reportage de Libération du 20 janvier 1999, le député socialiste avait alors "jeté de l'huile sur le feu", en présentant le matin-même Daniel Cohn-Bendit comme "le fossoyeur de l'industrie".
Douze ans plus tard, Bernard Cazeneuve fait partie des ministrables en cas de victoire de François Hollande en mai prochain. Son travail parlementaire dans l'affaire Karachi n'y est sans doute pas étranger. "Tant qu'il n'est pas au ministère de l'Environnement ou au ministère de l'Industrie, il n'y aura pas de souci !", s'amuse un parlementaire écologiste.
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