Ces trois Russes qui défient le pouvoir
Après les élections législatives du 4 décembre, ils sont les principales figures de la contestation contre le régime de Vladimir Poutine. Portraits croisés.
Ils sont trois : un blogueur, un ancien ministre et une militante écologiste. En Russie, le mouvement de contestation du pouvoir de Vladimir Poutine, qui prend de l'ampleur, s'organise notamment autour de ces personnalités aux parcours bien différents. Portraits.
• Alexei Navalny, le blogueur nationaliste
(ALBAN MICKOZY, ALLA CHEVELLKINA / FRANCE 2 / FTVi)
Avocat de formation, Alexei Navalny, 35 ans, est l'un des opposants les plus en vue ces dernières semaines. Jusqu'à la fin novembre, sa notoriété se limitait à la blogosphère russe et à son site, Rospil ("le pillage de la Russie"), qui invite les internautes à dénoncer les cas de corruption.
Mais le 5 décembre, entre 5 000 et 10 000 personnes se réunissent à Moscou pour fustiger le résultat des élections législatives, annoncé le jour précédent. A la tribune, Alexei Navalny harangue la foule. "On dit de nous que nous sommes des hamsters rivés à leurs ordinateurs. Oui, je suis un hamster du Net et je vais ronger les gorges de ces salauds !" lance-t-il. Quelques heures plus tard, il est interpellé par la police, puis condamné le lendemain à quinze jours de prison.
Si beaucoup de Russes continuent malgré tout à ignorer son nom, son slogan,"Russie Unie, le parti des escrocs et des voleurs", fonctionne. Les communicants du parti de Vladimir Poutine tentent même de se le réapproprier, comme le raconte Le Figaro.fr. Libéré le 21 décembre, Alexei Navalny reprend ses activités politiques et laisse entendre qu'il pourrait se présenter à l'élection présidentielle du 4 mars prochain. A nos confrères de France 2, il confie : "Le motif principal de mon engagement, c'est la haine. Je déteste ce régime, ces gens et, concrètement, Vladimir Poutine, qui a créé un pouvoir d'escrocs et de voleurs."
Mais la nouvelle figure de proue de l'opposition russe conserve une part d'ombre. Membre de Iabloko, le parti des libéraux, il en est exclu pour ses sympathies nationalistes, raconte Le Monde. Le 4 novembre dernier, il participe à la "Marche russe", une manifestation ultranationaliste qualifiée de "grande-messe fascisante" par Le Figaro. Le New York Times (article en anglais) relève également cette vidéo, où Alexei Navalny compare les habitants du Caucase à des cafards, dont il faudrait se débarasser au pistolet.
• Boris Nemtsov, l'ex-vice-Premier ministre
Vice-Premier ministre de 1997 à 1998, Boris Nemtsov figurait, selon Libération, parmi les successeurs possibles à Boris Eltsine, le prédécesseur de Vladimir Poutine. Lorsque ce dernier arrive au pouvoir, ce physicien de formation entre dans l'opposition et effectue plusieurs séjours en prison. En 2008, il fait partie des fondateurs de Solidarnost, un mouvement qui regroupe des partis et des associations de défense des libertés et de la démocratie. En 2010, il signe la pétition "Poutine doit partir" et publie un livre sur les 10 ans de pouvoir du dirigeant russe.
Le 20 décembre, il est l'objet de ce qui ressemble fort à une tentative de déstabilisation du Kremlin. Le site internet Life News, proche du pouvoir selon la BBC (article en anglais), publie la retranscription de ses conversations téléphoniques privées. Dans ces six heures d'enregistrement, il se moque des manifestants, qu'il qualifie de "hamsters" et de "pingouins effrayés". Il y insulte également d'autres membres de l'opposition, dont Evgenia Chirikova, et doit s'excuser. Mais les personnes insultées ne lui en tiennent pas rigueur et se joignent à lui pour dénoncer une manipulation du Kremlin.
• Evgenia Chirikova, l'écologiste
Agée de 35 ans, Evgenia Chirikova s'est fait connaître en 2007 en lançant une campagne contre un projet d'autoroute qui devait traverser la forêt de Khimki, dans la banlieue de Moscou. Elle se présente aux élections municipales de Khimki et fait campagne sur ce seul sujet, raconte le Washington Post (article en anglais). Son action oblige le maire et le gouverneur de la région de Moscou à cesser de soutenir directement le projet. Elle fait également pression sur les banques européennes pour qu'elles ne financent pas l'autoroute. Lorsque le chantier démarre en juillet 2010, elle campe dans la forêt pour bloquer les travaux.
Mais le chantier se poursuit et son audace lui vaudra quelques mauvais coups et un séjour en prison. Cette campagne, malgré son échec, lui permet d'émerger comme une figure de la société civile. Le vice-président américain, Joe Biden, lui remet en 2011 la "Woman of Courage Award", une distinction qui récompense les femmes engagées à travers le monde.
Après les élections, elle se joint au mouvement de protestation. "Pour beaucoup de gens, ces élections étaient la goutte de trop" confie-t-elle au Guardian (article en anglais). Elle demeure optimiste et se projette déjà vers l'élection présidentielle du 4 mars. "Notre tactique sera de voter pour n'importe qui sauf les escrocs et les voleurs" explique-t-elle.
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