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Chypre et la Troïka trouvent un accord après douze heures de négociations

L'île évite la faillite et la sortie de l'euro, une semaine après un premier plan très contesté. Le texte ne prévoit plus de taxer les dépôts bancaires, mais de fermer la deuxième banque du pays. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des Chypriotes manifestent et se demandent si l'île ne devrait pas quitter la zone euro, devant le Parlement de Nicosie, le 22 mars 2013. (VLADIMIR ASTAPKOVICH / RIA NOVOSTI / AFP)

L'accord "met fin aux incertitudes concernant Chypre et la zone euro", selon les mots du chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jeroen Dijsselbloem. Dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 mars, Chypre a trouvé un accord avec ses bailleurs de fonds internationaux (UE, Banque centrale européenne et FMI). 

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a pourtant estimé, lundi matin, que le plan de sauvetage élaboré pour Chypre était "équitable" et "à même de stabiliser la situation à Chypre". Quant au président chypriote, Nicos Anastasiades, il s'est dit "satisfait" de l'issue des négociations, après avoir bataillé pendant près de douze heures à Bruxelles. Une nuit ainsi résumée par notre confrère de France 2 François Beaudonnet.

Rencontre tendue, le président propose sa démission

L'accord est survenu au terme d'entretiens parfois très durs entre le président chypriote, Nicos Anastasiades, et les présidents du Conseil européen, Herman Van Rompuy, de la Commission, José Manuel Barroso, et de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi. Comme le signale un journaliste du Figaro, les intervenants ont songé un temps à mettre en faillite le première banque du pays. "Cela concerne surtout la réduction (voire la fermeture) de Bank of Cyprus. Anastasiades et Lagarde se sont affrontés durement. L'Eurogroupe toujours dans la salle d'attente."

L'ambiance a été tendue durant ces entretiens. Nicos Anastasiades a même mis sa démission dans la balance. "Vous voulez me forcer à démissionner ?", a-t-il demandé aux responsables de la Troïka (UE, BCE, FMI), selon l'agence de presse chypriote CNA. Un épisode relevé par ce journaliste de LCI.

Un haut responsable du gouvernement chypriote a, lui, dénoncé l'attitude "rigide" du FMI, qui formulait "chaque demi-heure une nouvelle exigence".

Pas de taxe sur les dépôts inférieurs à 100 000 euros

Malgré tout, un accord a finalement été trouvé. Il ne comprend pas de taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires de l'île, contrairement au premier texte négocié entre Nicosie et la zone euro. Une aide allant jusqu'à 10 milliards d'euros sera fournie essentiellement par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Il comprendra également un apport du Fonds monétaire international, qui reste à déterminer.

En échange, les autorités chypriotes signeront dans les prochaines semaines avec la Troïka (UE, Banque centrale européenne et FMI) un protocole d'accord prévoyant des réformes structurelles, des privatisations et une hausse de l'impôt sur les sociétés, qui passera de 10 à 12,5%. Parmi les efforts demandés à Chypre figurera aussi la lutte contre le blanchiment d'argent, en fonction des résultats d'un audit imminent. 

Liquidation de la deuxième banque du pays

La deuxième banque du pays, la Laiki Bank, sera mise en faillite de manière ordonnée. Elle sera scindée entre une "bad bank", qui devra liquider ses actifs les plus toxiques avant de progressivement disparaître, et une "good bank", où seront regroupés les dépôts inférieurs à 100 000 euros. Ces derniers sont garantis par le droit de l'Union européenne.

Un risque de 30% de pertes pour les gros épargnants

Bank of Cyprus, le premier établissement du pays, ne disparaîtra pas. Mais les montants au-dessus de 100 000 euros déposés dans la banque seront gelés et participeront à la recapitalisation du secteur bancaire, a précisé le ministre allemand Wolfgang Schäuble. La décote sera de 30% pour les dépôts de plus de 100 000 euros, a annoncé lundi le porte-parole du gouvernement. Les déposants seront dédommagés par des actions de l'établissement.

Bank of Cyprus reprendra à terme les dépôts garantis de Laiki Bank. Elle reprendra aussi les dettes de Laiki Bank envers la Banque centrale européenne, qui s'élèvent à 9 milliards d'euros. Les déposants non assurés auprès de la Bank of Cyprus pourront aussi subir des pertes, dont le montant n'a pas encore été évalué. En attendant, ces dépôts non assurés seront gelés.

De nouvelles négociations avec la Russie

Refuge de nombreux comptes de ressortissants russes, Chypre a un lien particulier avec Moscou. Après l'échec des négociations la semaine dernière, l'accord prévoit de nouvelles discussions. Les autorités chypriotes doivent continuer à négocier avec la Russie sur l'extension d'un prêt de 2,5 milliards d'euros accordé en 2011 et qui doit venir à échéance en 2016. Mais la Russie a exprimé sa colère, lundi, après les annonces de gel des gros dépôts. "De mon point de vue, le vol continue", a déclaré le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, cité par les agences de presse du pays.

La réouverture des banques en suspens

Sur l'île, les banques sont fermées depuis près de dix jours pour éviter la fuite des capitaux, et pourraient ne pas rouvrir mardi comme prévu. La décision sera prise "dès que possible", a indiqué le ministre des Finances, Michalis Sarris. En attendant, les clients des deux plus grandes banques doivent composer avec une nouvelle limitation des retraits aux distributeurs à 120 euros par jour à la Bank of Cyprus, et 100 euros à la Laiki.

Chypre : des employés de banque manifestent à Nicosie (Francetv info)

La colère monte dans le pays, où des manifestations ont été organisées tout le week-end. Un engin explosif a légèrement endommagé une succursale de la Bank of Cyprus dimanche soir, près de Limassol (sud), selon des médias locaux.

Un plan de sauvetage soumis aux pays de la zone euro

Les autorités chypriotes, qui ont fait voter vendredi une loi sur les résolutions bancaires, n'auront pas besoin de repasser devant le Parlement pour adopter le nouveau plan de sauvetage. Mais ce plan doit encore être approuvé, d'ici à la mi-avril, par plusieurs Parlements de pays de la zone euro, dont l'Allemagne. Le premier versement de l'aide devrait avoir lieu début mai.

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