Comment la France surveille-t-elle les jihadistes ?
Comme Mohammed Merah, le tueur présumé du Sud-Ouest, quelques dizaines de combattants islamistes radicaux seraient implantés en France. FTVi fait le point sur les parades déployées par les empêcher d'agir.
Mohammed Merah, le principal suspect des tueries de Toulouse et Montauban, a été cerné par le Raid, mercredi 21 mars. L'homme de 24 ans se revendique d'Al-Qaïda. Il était "connu depuis plusieurs années", selon le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, qui ajoute toutefois "qu'aucun élément indiquant qu'il préparait une action criminelle n'était apparu". Sur le territoire français, le terrorisme islamiste est surveillé de près, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Combien de jihadistes la France compte-t-elle ?
lls sont "quelques dizaines" dans l'Hexagone, selon Louis Caprioli, ancien de la Direction de la surveillance du territoire (DST), spécialiste des réseaux islamistes, contacté par FTVi. Leur nombre exact est difficile à déterminer, car en plus des réseaux organisés, il faut compter les "loups solitaires" et leurs "actions décentralisées", comme le raconte le sociologue Farhad Khosrokhava à L'Express.
"Environ 150 islamistes radicaux sont partis pour l'Afghanistan depuis l'Europe au cours des cinq dernières années. Au moins 23 individus ont ainsi quitté le territoire français", précise Le Figaro. Mohamed Merah a lui-même déclaré au RAID qu'il s'était rendu en Afghanistan et au Pakistan. Partis pour combattre, les jihadistes seraient à présent "systématiquement orientés vers une formation terroriste de quelques mois devant leur permettre un retour rapide sur notre sol en vue d'y commettre des actions", selon le quotidien, qui cite une note confidentielle des renseignements français.
Qui les surveille ?
La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, fusion de la DST et des RG), sous la houlette du ministère de l'Intérieur, a pour mission de lutter contre le terrorisme sur le territoire français. Ses agents travaillent sous le sceau du "secret Défense". Le ministère ne communique donc pas sur les effectifs affectés à la lutte contre le terrorisme islamiste.
Le siège de la DCRI se trouve à Paris, mais elle possède des bureaux dans plusieurs grandes villes et des agents sur tout le territoire. Car "le terrorisme islamiste n'a pas de préférence territoriale, des attentats ont déjà été déjoués dans toute la France", affirme Louis Caprioli.
Comment la DCRI identifie-t-elle les jihadistes en France ?
Le travail des renseignement consiste d'abord à "repérer les discours extrémistes, car le point de départ est toujours l'endoctrinement religieux", selon Louis Caprioli, ancien cadre de la DST. Dans les lieux de cultes donc ? "Non, la plupart des imams condamnent le discours violent du jihad". Et "les mosquées sont très surveillées depuis longtemps", ajoute Samir Amghar, auteur de l'ouvrage Le salafisme aujourd'hui.
Les prétendants jihadistes peuvent prendre contact avec les réseaux "au sein d’associations sportives, culturelles ou autres qui 'échappent' à l’étroite surveillance des mosquées", ajoute toutefois Françoise Chipaux, ancienne correspondante du Monde dans le sous-continent indien, sur Slate.fr.
Ces lieux de rencontre sont de plus en plus supplantés par les réseaux de communication. La DCRI dispose de tout un "arsenal technique concernant la téléphonie", rapporte une source syndicale, contactée par FTVi, qui refuse de donner plus de détails sur les moyens et les méthodes employés.
Mais tous les experts affirment que les réseaux islamistes recrutent surtout sur internet, où les blogs et forums appelant au jihad sont légion. Cryptographie, utilisation de proxy pour anonymiser les connexions... "Aujourd'hui, pour traquer les candidats à l'action suicide, nos agents passent plus de temps derrière un écran d'ordinateur qu'à la sortie des mosquées", a expliqué un expert de la DCRI, cité par Le Figaro en 2011.
Comment anticiper les passages à l'acte ?
Le seul moyen est de "prendre des contacts avec des membres de ces réseaux, qui alertent les services sur les éventuels projets du groupe", explique Louis Caprioli, contacté par FTVi. L'infiltration d'agents dans les réseaux est compliquée. En effet, "la personne qui désire basculer dans le jihadisme", ou l'infiltrer, "doit longtemps faire ses preuves avant d'avoir la confiance du groupe", détaille Samir Amghar. "Les réseaux se savent surveillés, ils sont donc de plus en plus prudents dans leur recrutement", précise-t-il.
Pourquoi Mohammed Merah n'a-t-il pas été arrêté plus tôt?
Mohammed Merah était "connu par la Direction centrale du renseignement intérieur depuis plusieurs années", mais "aucun élément" n'indiquait la préparation d'une action criminelle, a affirmé Claude Guéant mercredi.
Or, "en France, on ne pratique pas le ratissage préventif", explique le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, contacté par FTVi. D'un côté, il y a "le renseignement, le suivi", de l'autre "le traitement judiciaire qui se nourrit d'éléments concrets qui constituent une qualification juridique criminelle".
La possession d'armes aurait-elle pu le trahir ? "Les armes ne s'achètent pas en grande surface avec une carte bleue, ironise Louis Caprioli, mais s'en procurer anonymement, via le grand banditisme, grâce aux stocks présents en Europe de l'Est, est assez facile".
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