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Coupe du monde de football : Espagne-Angleterre en finale, une affiche inédite qui n'a rien d'une surprise

Les Lionesses et la Roja s'affrontent, dimanche, avec un premier titre mondial en ligne de mire. Comme une récompense après les efforts fédéraux consentis pour développer leurs championnats féminins.
Article rédigé par Gabriel Joly, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
L'Espagnole Aitana Bonmati et l'Anglaise Lauren Hemp lors de la Coupe du monde 2023. (AFP)

L'Espagne et l'Angleterre récoltent les fruits de leur investissement. Opposées en finale de la Coupe du monde, dimanche 20 août, les deux nations – qui ne s'étaient jamais hissées à ce stade du tournoi – ont énormément travaillé pour développer leur football féminin ces dernières années. Si bien qu'en l'absence des Etats-Unis, éliminés tôt et en fin de cycle, cette ultime affiche est tout sauf une surprise.

D'un côté, le vainqueur du dernier Euro ayant fait signer l'entraîneuse du moment, Sarina Wiegman, qui dispute sa quatrième finale de rang en grande compétition (championnat d'Europe 2017 et sa médaille d'argent lors du Mondial 2019 avec les Pays-Bas). De l'autre, une équipe composée quasiment d'une moitié de joueuses du FC Barcelone, sacré en Ligue des champions en 2021 et 2023, et restant sur quatre finales en cinq ans.

Deux championnats pionniers en Europe

"Cette affiche en finale semble être une suite logique. Déjà durant la compétition, nous avons vu de bonnes performances de la part de nations qui ont investi dans le jeu comme la Colombie et le Maroc. Alors que d'autres comme le Canada et le Brésil ont connu des difficultés après un engagement financier médiocre, en dépit de leur solide histoire dans le football féminin", résume Emma Smith, journaliste britannique pour la BBC. En Europe, la professionnalisation est intervenue d'abord en Angleterre et en Espagne parmi les cinq championnats majeurs.

"La création de la Women's Super League anglaise en 2010 a montré une réelle intention de développer le football féminin d'élite."

Emma Smith, journaliste anglaise

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Dotées par la fédération anglaise (FA) d'un statut semi-pro à cette période, les équipes de WSL ont ensuite connu une professionnalisation complète en 2018. Deux ans plus tard, c'est l'Espagne (RFEF) qui a accordé le statut professionnel aux joueuses de ses deux premières divisions mais aussi fixé un salaire minimum pour les joueuses de Liga.

"A de rares exceptions, les meilleures joueuses du monde ne sont plus à l'Olympique lyonnais mais bien en Angleterre ou en Espagne. Cela se vérifie également en équipe de France avec les signatures de Sandie Toletti au Real Madrid ou d'Eve Perisset à Chelsea", constate Hubert Artus, spécialiste du football féminin et auteur du livre "Girl Power".

"Un produit reconnaissable et vendable"

La raison d'une telle attraction ? Outre des contrats dont le statut est plus avantageux et sécurisant que ceux octroyés par exemple jusqu'ici dans l'Hexagone, la FA et la RFEF ont chacune créé "un produit reconnaissable et vendable", estime Emma Smith. "En Angleterre, le produit est vendu de façon exceptionnelle. Quand vous marquez un but, il y a trois caméras différentes, racontait Kenza Dali, joueuse d'Aston Villa, à RMC Sport.

Tandis que les Clasico espagnols entre le Real Madrid et le Barça se jouent régulièrement devant des stades combles (plus de 90 000 spectateurs au Camp Nou lors du quart de finale retour de C1 en 2022), la WSL ne cesse d'investir de nouvelles enceintes toujours plus grandes outre-Manche. "Avec le titre des Lionesses à l'Euro, le football féminin a été pris au sérieux en Angleterre. Les billets étaient relativement bon marché – ce qui n'est pas le cas du football masculin anglais – et tous les matchs étaient facilement accessibles à la télévision, ce qui a permis d'attirer de nombreux nouveaux supporters", précise Emma Smith. De quoi détonner avec la D1 Arkema française. 

"Nous, on a deux pauvres caméras placées en haut des stades, si bien qu'elles filment des tribunes vides, parfois avec des gouttes de pluie sur l'objectif et sans ralenti. Comment tu veux faire passer le foot féminin au sérieux comme cela ? Comment donner envie à de jeunes talents insoupçonnés et à leurs parents de les mettre au foot dans ces conditions ?"

Hubert Artus, écrivain spécialiste du foot féminin

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La présence de puissants diffuseurs en Angleterre et en Espagne a changé beaucoup de choses. De l'autre côté des Pyrénées, toutes les rencontres sont accessibles gratuitement sur YouTube via la plateforme DAZN. Tandis que Sky Sports et la BBC ont signé un accord en 2021 pour un montant annuel d'environ 7 millions de livres (soit 8,1 millions d'euros) pour 66 matchs de WSL. Sans compter divers contrats de sponsoring, notamment un lucratif avec la banque Barclays en 2019. A titre de comparaison avec la France, si Canal+ a largement rehaussé les droits TV de la D1 à partir de cette saison, ils restaient depuis cinq ans sur un contrat de seulement six millions d'euros (1,2 million d'euros par exercice) pour diffuser l'intégralité des rencontres sur les chaînes de son groupe.

Si les Anglaises du Barça, Lucy Bronze et Keira Walsh, ou encore les Ibères Aitana Bonmati et Irene Paredes, trop concentrées sur l'enjeu, ne penseront probablement pas à cela lorsqu'elles entreront sur la pelouse du stade olympique de Sydney, dimanche, leurs fédérations peuvent néanmoins s'en réjouir. En atteignant la finale du Mondial, elles ont prouvé que les conséquences immédiates de l'investissement dans le football féminin pouvaient rapidement mener jusqu'à une fameuse première étoile.

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