50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Ynaée Benaben milite pour le droit des femmes
Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Ynaée Benaben, co-fondatrice de l’association En avant toutes, milite pour le droit des femmes.
L'affaire Weinstein a remis au premier plan la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce combat faisait déjà partie de ceux de Mai 68. Ynaée Benaben, 28 ans, milite pour le droit des femmes. "Mon rêve de féministe est qu’un jour il n’y ait plus besoin d’être féministe. J’aimerais que ce ne soit pas une lutte."
En 2013, elle participe à la fondation de l'association En avant toutes qui propose un tchat sur internet pour aider les jeunes femmes et les adolescentes confrontées à des problèmes de violences conjugales. Dans le local parisien de la structure, deux ordinateurs portables constellés d'autocollants multicolores sont installés au centre d'une petite pièce décorée de fresques. Il s’agit du cœur du réacteur d’En avant toutes. "Quand elles se connectent elles dialoguent directement avec une professionnelle de l’association", explique Ynaée Benaben.
Envie d'agir
Les jeunes femmes qui ont recours à ce tchat peuvent poser toutes les questions qu’elles souhaitent. Ce peut-être "il s’est passé ça, je ne sais pas comment réagir", "il me rabaisse", "est-ce que c’est de la violence ?", énumère la jeune féministe qui précise que les membres de l’association peuvent les conseiller "si par exemple elles sont dans une situation de violence très pressante pour pouvoir les aider à avoir un hébergement ou pour avoir des informations juridiques." Cette envie d'agir, Ynaée Benaben raconte l’avoir quasiment reçu en héritage.
Mon père a eu son bac en juin 1968. Lui-même a essayé d’inventer d’autres manières de faire. Il a vécu en communauté. Il a proposé une lecture plus ouverte et plus libre des rapports humains. Le voir tel qu’il était a été pour moi un premier apprentissage qu'être soi-même était déjà un acte politique.
Ynaée Benaben, co-fondatrice d'En avant toutesà franceinfo
Au fil des rencontres, son engagement se précise. "Il faut du culot aussi", s’amuse-t-elle. À la fin de ses études en sciences politiques, elle n'hésite pas à contacter ONU femmes, le département spécialisé des Nations unies. Dans ce cadre-là, Ynaée Benaben part au Brésil, qui est le pays d'origine d'une partie de sa famille. Elle y découvre les actions féministes sur internet.
Cette expérience lui donne la conscience très forte d'une lutte féministe à mener en France. "On est très mal lotis ici aussi, déplore-t-elle. On le voit avec ce qu’il y a eu autour de l’affaire Weinstein et Metoo. Aux États-Unis, il y a eu une mobilisation très forte des femmes à Hollywood. Et en France, il y a un retour de bâton quand des femmes se sont mobilisées pour la liberté d’importuner. On peut avoir un imaginaire d’une France très au fait des droits humains, du pays des droits de l’Homme. Pour autant ça demande beaucoup d’énergie pour faire bouger les choses. L’égalité est inscrite dans notre devise mais on n’y est pas encore."
Tordre le cou aux clichés
Selon la co-fondatrice d’En avant toutes, l'égalité, ce n'est pas effacer les différences masculin-féminin mais leur attribuer une valeur égale. Il faut tordre le cou aux clichés inculqués dès l'enfance, et surtout ne plus tolérer la violence. En libérant la parole, l'affaire Weinstein a provoqué une mobilisation que la jeune féministe a pu mesurer. Auparavant, l'association a accueilli une centaine de femmes en un an.
Depuis l’affaire Weinstein, Metoo, balance ton porc, en trois mois, on a eu plus de femmes qui sont venues sur le chat qu’en une année.
Ynaée Benaben, co-fondatrice d'En avant toutesà franceinfo
Selon elle, il y a une prise de conscience collective. La jeune femme se souvient avoir assister à un rassemblement Metoo. "C’était très joli parce qu’il y avait beaucoup de jeunes. Tout d’un coup, une femme plus âgées prend la parole et dit ‘je suis militante depuis 30 ans et ce qu’on est en train de vivre, cela fait 30 ans que je l’attends'"
Les associations peinent à faire face à cette mobilisation. L'une d'elles, l'AVFT, a dû fermer son accueil téléphonique faute de moyens. Ynaée Benaben appelle les pouvoirs publics à jouer leur rôle pour faire aboutir enfin la lutte pour l'égalité des sexes si chère à mai 68. De cette manière, un jour son rêve se réalisera peut-être.
Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats" sur franceinfo et franceinfo.fr
Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.
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