50 ans après Mai 68, les nouveaux combats de l'émancipation : Thierry milite pour la décroissance
Ils n'ont pas fait Mai 68. Cinquante ans plus tard, ils vont faire 2018. Chaque jeudi, franceinfo met en avant un combat, un visage, une voix. Dans le Morbihan, Thierry Brulavoine mène un combat pour vivre mieux avec moins.
Dans ce petit lopin de terre du lieu-dit La Madeleine, à Béganne, dans le Morbihan, on est accueilli par Pelote et ses congénères moutons. C'est ici que commence l'engagement de Thierry Brulavoine : dans son jardin. Il élève des moutons – et bientôt des poules – et fait pousser ses fruits et ses légumes avec une idée simple : "Manger et partager ce qu'on a cultivé", indique-t-il. Du lien social et de l'écologie, voilà l'essence du combat de ce militant pour la décroissance : "Je pense qu'une bonne politique au XXIe siècle s'inscrit forcément dans un cadre écologique."
Tous les jours, Thierry "fait son bois" et récupère l'eau de pluie : "On se trimballe les arrosoirs, ça fait un peu de musculation, on n'a pas besoin de carte pour le club de sport", raconte-t-il avec une pointe d'ironie. Et puis, loin des métropoles, son club de sport bénéficie d'une vue imprenable sur les boucles de la Vilaine, qui coule en contrebas.
Un Candide des temps modernes
Thierry Brulavoine, porte-parole de La Maison commune de la décroissance et ancien conseiller municipal de Saint-Nazaire, a laissé tomber la ville il y a trois ans. "On est un peu la génération pousseurs de caddies, décrypte-t-il. On a décidé de réapprendre à cultiver." Il vit son engagement comme une philosophie, comme un Candide des temps modernes.
La décroissance, c'est un autre rapport au temps.
Thierry Brulavoineà franceinfo
"On entend dire que c'est l'accélération partout, qu'on n'a pas le temps de faire les choses... Eh bien justement ! Avoir un petit bout de jardin, c'est se réancrer dans des cycles", poursuit le militant.
Biologiste de formation, Thierry est passé par à peu près tous les métiers : éboueur, Instituteur, rédacteur publicitaire ou encore ouvrier dans un abattoir. Il a aussi connu de nombreuses périodes de précarité qui l'ont fortement questionné : "Comment on emploie notre temps pour avoir des activités qui ont du sens ? Est-ce qu'on continue à fabriquer des objets dont on sait qu'ils vont tomber en panne au bout de deux ans ? Est-ce qu'on continue à produire des objets dont on sait qu'ils intensifient les cadences et donc détraquent la vie des gens au travail ?"
"Les graines commencent à germer"
Thierry Brulavoine a poussé très loin cette reflexion, jusqu'à se passer de téléphone portable. Il se souvient de la réaction de l'une de ses petites élèves à l'époque : "T'es pas humain !", avait-elle lancé à son instituteur. "C'est là où ça pose quand même une grosse question de la place de la technique dans notre imaginaire", analyse-t-il aujourd'hui. C'est aussi par idéolologie que Thierry limite drastiquement ses déplacements. Il a d'ailleurs fait partie des premiers opposants au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Prendre l'avion pour aller à l'autre bout de la France en un week-end, pour nous, cela ne doit pas être possible.
Thierry Brulavoineà franceinfo
Si Thierry ne vit pas non plus à l'âge de pierre – pour preuve : il a dû racheter un téléphone portable car c'était trop compliqué de vivre sans – il reste persuadé que la révolution est en marche, que "ces graines commencent à germer" et que "les fractures historiques sont toujours possibles". Les militants de Mai 68 croyaient au Grand Soir. 50 ans plus tard, d'autres continuent leur combat. Ils sont idéalistes, minoritaires, mais persuadés.
Retrouvez la série "Sous les pavés 2018, les nouveaux combats", en intégralité, tous les jeudis à 22h10 et 23h40 sur franceinfo et franceinfo.fr
Libertés individuelles, droits des femmes, lutte contre les discriminations, rejet de toute forme d’exclusion, protection de l’enfance... Cinquante ans après Mai 68, le plus important mouvement de contestation politique, sociale et culturelle de l’histoire récente française, franceinfo donne la parole, chaque jeudi, à celles et ceux qui portent les nouveaux combats de l'émancipation et des libertés.
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