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Gérard Depardieu accusé d'agressions sexuelles : d'Anouk Grinberg à Nathalie Baye, le monde du cinéma sort du silence

Après une nouvelle plainte déposée contre Gérard Depardieu et la diffusion du magazine "Complément d'enquête" révélant des comportements sexistes de l'acteur lors d'un voyage en Corée du Nord en 2018, plusieurs personnalités du 7e art se sont exprimées.
Article rédigé par franceinfo Culture
France Télévisions - Rédaction Culture
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L'acteur Gérad Depardieu photographié à Marseille le 18 février 2018 (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Icône du cinéma français, star mondiale au même titre qu'Alain Delon ou Brigitte Bardot, Gérard Depardieu a longtemps bénéficié d'indulgence, y compris après sa mise en examen pour viols, en 2020, à la suite d'une plainte d'une comédienne alors âgée d'une vingtaine d'années, Charlotte Arnould.

Mais depuis une nouvelle plainte pour agression sexuelle, et la diffusion du magazine "Complément d'enquête", jeudi 7 décembre sur France 2, montrant des images de l'acteur multipliant des remarques sexuelles et sexistes lors d'un voyage en Corée du Nord en 2018, plusieurs personnalités du monde du cinéma se sont exprimées, comme Anouk Grinberg, Nathalie Baye ou encore le réalisateur Fabien Onteniente.

"Il n’a pas attendu d’être en Corée pour être aussi vulgaire, aussi grossier, aussi agressif avec les femmes", a témoigné Anouk Grinberg à propos de l'acteur, mis en examen pour viols et agressions sexuelles depuis 2020.

"Tous ceux qui ont travaillé avec Depardieu savent qu'il agresse les femmes", affirmait déjà l'actrice dans une interview au magazine Elle, le 12 octobre, dans laquelle elle dénonçait un "silence assourdissant" du milieu du cinéma.

"Jamais, au grand jamais, je n'ai abusé d'une femme"

Début octobre, Gérard Depardieu ripostait aux accusations en publiant une lettre ouverte, dans laquelle il niait les faits dont il est accusé. L'acteur y dénonçait un "lynchage" orchestré par le "tribunal médiatique" et assurait n'être "ni violeur, ni prédateur". "Jamais, au grand jamais, je n'ai abusé d'une femme", écrivait-il.

"Quand il dit (...) qu'il n'a jamais agressé une femme, moi, je l'ai vu le faire pendant tout ce temps", répond Anouk Grinberg dans Elle, en parlant des années 1990, alors qu'elle était la compagne de Bertrand Blier, et du tournage avec Depardieu de Merci la vie, sorti en 1991.

"Je l'ai vu mettre des mains aux fesses à des femmes, leur toucher les seins, le sexe tout en blaguant. Je l'ai entendu parler toute la journée de leur moule, de comment il aimerait les sucer toute la journée et personne n'a jamais rien dit", se souvient Anouk Grinberg, qui connaît l'acteur depuis 30 ans.

"Nous avons tous été dérangés, même nous, ses avocats"

"Si Gérard Depardieu est le monstre qu'elle décrit, ce type abominable, pourquoi a-t-elle tourné avec lui, il y a un an et demi, Les Volets verts ?", s'est interrogée sur le plateau de "C à vous", Béatrice Geissmann Achille, l'avocate de Gérard Depardieu, après les déclarations de l'actrice Anouk Grinberg. "Il ne faut pas être incohérent, (...) on ne peut pas avoir envie d'un rôle avec Gérard Depardieu, tourner ce rôle, et ensuite l'exécuter comme elle le fait actuellement"

Face aux images diffusées par "Complément d'enquête", "nous avons tous été dérangés, même nous, ses avocats", explique Christian Saint-Palais, l'autre avocat de Gérard Depardieu. "Nous sommes dans le registre de la grossièreté, dans des allusions au sexe". Mais il évoque des "conversations privées, entre deux hommes", en référence au réalisateur du film qu'il tournait alors, Yann Moix. "Ne disons pas que c'est du harcèlement sexuel", dénonce l'avocat de l'acteur. "Celui qui tient la caméra, je pense, pousse un peu à l'excès".

Pour Béatrice Geissmann Achille, "ce sont des images que l'on aurait jamais dû voir". L'avocate évoque "une question qui est peut-être générationnelle". "Je ne suis pas épouvantée. (...) Le connaissant, c'est tellement réducteur, ça n'est tellement pas lui", le défend-elle. L'avocate aborde aussi la présomption d'innocence qui, à ses yeux, a "éclaté depuis longtemps en France". 

"Je vais porter plainte", a annoncé de son côté Yann Moix au Figaro(Nouvelle fenêtre), accusant son producteur d’avoir donné à l'émission de France 2 les images de son tournage "sans le prévenir". "Si la cause de défendre les femmes est tout à fait juste, les méthodes sont dégueulasses", a ajouté l’écrivain sur le plateau de "Touche pas à mon poste".

"Ce n'est pas possible de fermer les yeux sur ce genre de comportements"

Le 8 décembre, lendemain de la diffusion de "Complément d'enquête", Fabien Otoniente, le réalisateur de Disco, annonçait de son côté qu'il ne tournerait plus avec Gérard Depardieu. "Je ne suis pas tombé de l'armoire", reconnaissait-il sur franceinfo, après avoir appris qu'une deuxième plainte pour agression sexuelle visait l'acteur, déposée par Hélène Darras, actrice sur le film Disco, qui témoigne dans l'émission "Complément d'enquête".

"Je découvre pan par pan l'histoire de ce monsieur", reconnaît Fabien Onteniente, qui tournait pour la première fois avec lui sur le plateau de Disco, en 2007. "On ne l'a pas vu à la caméra", assure le réalisateur et scénariste. Mais il confie qu'il avait "déjà cet écho" de la part de sa directrice de casting, qui lui disait : "Qu’est-ce qu'il est lourd avec les filles !"

Fabien Onteniente assure qu'il ne tournera plus avec Gérard Depardieu : "Ce n'est pas dans mes valeurs, ce n'est pas possible de fermer les yeux sur ce genre de comportements inadmissibles". Le réalisateur dénonce une forme d'omerta qui existe dans le cinéma français autour des violences sexuelles, "peut-être parce que c'est un entre-soi", avec "beaucoup de déni", selon lui.

"Je ne connais pas cet homme dont on parle"

La comédienne Nathalie Baye(Nouvelle fenêtre), amie de Gérard de Depardieu, a à son tour pris la parole, lundi sur France Inter(Nouvelle fenêtre)"Je n’ai jamais eu de problème avec lui, absolument jamais", a assuré la comédienne. Les deux acteurs ont partagé l’affiche de plusieurs films, entre autres Rive droite, rive gauche, et Le Retour de Martin Guerre. "On a été très complices", raconte la comédienne. "C’est quelqu’un qui a toujours été d’une grande élégance, d’une grande gentillesse, un partenaire en or pour jouer. Je ne connais pas cet homme dont on parle."

"Gérard, je le connais depuis toujours, car il a été mon premier partenaire dès le tout début de ma carrière. Je n’ai jamais eu de problème avec lui, absolument jamais", a témoigné l’actrice. "Ce n’est pas une histoire de défendre ou de ne pas défendre Gérard. Je ne veux pas rentrer dans la mêlée médiatique."

Nathalie Baye et Gérard Depardieu sont très proches. L'actrice reconnaît qu’il a pu faire des blagues lourdes, mais estime que "des gens qui font des blagues un peu lourdes, il y a la moitié de la France, voire les trois quarts." Nathalie Baye le répète : "jamais, jamais" elle n’a vu ou entendu sur un tournage "des trucs sordides, vulgaires" de la part de son ami. Elle n’a pas eu de contact récent avec lui. Il n’habite pourtant pas très loin de chez elle. "Je ne sais pas dans quel état il est", confie Nathalie Baye. "Cela me bouleverse cette histoire."

Une formation obligatoire contre les violences sexistes et sexuelles

Gérard Depardieu a dû mettre fin octobre sa carrière en pause, renonçant à prêter sa voix au prochain film d'animation de Michel Hazanavicius, le réalisateur de The Artist. Et il a été écarté de la promotion d'Umami, au printemps dernier. Avec 50 000 entrées, le film a été un cuisant échec.

"Nous sommes tous un peu coupables" a reconnu sur France 2 le président du syndicat des producteurs de cinéma, Marc Missonnier. "Il y avait une tolérance [à l'égard de Gérard Depardieu] qui est une erreur".

France Télévisions, dont un responsable a jugé qu'il ne fallait plus "célébrer" Gérard Depardieu, se garde toutefois de censurer les œuvres d'une figure majeure du patrimoine cinématographique national. Le groupe de télévision publique a précisé lundi sa position à l'AFP : "Des films avec Gérard Depardieu continueront d'être achetés et diffusés", dont plusieurs "chefs-d’œuvre". Illusions perdues, de Xavier Giannoli, sera notamment programmé dimanche sur France 2.

"Beaucoup de gens n'en ont rien à faire" : au-delà de l'affaire Depardieu, le combat contre les violences sexuelles concerne l'ensemble du monde du cinéma, estime le collectif 50/50, qui œuvre en faveur de la parité, de l’égalité et de la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel, et se place en pointe sur le sujet des violences sexuelles dans le milieu du cinéma.

Coprésidente de ce collectif fondé il y a cinq ans, Clémentine Charlemaine salue l'annonce, lundi, par le Centre national de la cinématographie (CNC) et l'Afdas, chargée des formations dans le secteur, d'une formation obligatoire contre les violences sexistes et sexuelles pour l'ensemble des professionnels du 7e art.

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