Cet article date de plus de dix ans.

Les secrets du fort de Brégançon

Ouverte au public pour la première fois dimanche 29 juin, la résidence d'été officielle des présidents depuis 1968 livre enfin quelques indices sur les modes de vie des dirigeants de la Ve République. Reportage en images.

Article rédigé par Elodie Drouard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une plage publique longe le chemin privé qui mène au fort de Brégançon (Var), le 29 juin 2014. (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

De Gaulle a été le premier président à dormir sur place…

... et son séjour fut une catastrophe. Nous sommes en 1964 et le président de la République française, Charles de Gaulle, en route pour assister aux commémorations du débarquement en Provence, cherche un hôtel pour y passer la nuit. Mais ils sont tous complets en raison de l'événement. De Gaulle décide finalement de loger au fort de Brégançon, une ancienne forteresse militaire alors résidence privée, qui convient parfaitement à la sécurité du président de la République.

Mais cette nuit ne laissera pas un bon souvenir au grand Charles. Lit trop petit, résidence infestée de moustiques... Le président déteste l'endroit et n'y remettra jamais les pieds. Pourtant, le fort de Brégançon devient par décret, le 5 janvier 1968, la résidence estivale officielle du président de la République. De Gaulle, quant à lui, préférera toujours séjourner à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne).

  (AFP / FRANCETV INFO)

En revanche, le successeur de De Gaulle, Georges Pompidou, adorait le fort et y passait beaucoup de temps. Son épouse, Claude, l'a d'ailleurs aménagé avec toute la modernité de l'époque (cuir blanc, plexiglas, etc.).

  (FRANCETV INFO / AFP)

Valéry Giscard d'Estaing, quant à lui, s'y rendait trois fois par an, au volant de sa voiture personnelle, et fut le premier président de la République à y tenir une interview télévisée. Plus tard, François Mitterrand, quelques mois avant sa mort, choisit l'endroit pour y donner sa dernière conférence de presse, alors qu'il n'affectionnait pas particulièrement le lieu : il le trouvait inadapté aux longues marches quotidiennes qu'il affectionnait tant.

  (AFP / FRANCETV INFO)

Jacques Chirac "s'y emmerdait" (selon ses propres mots) copieusement, tandis que son épouse, Bernadette, a profité des deux mandats de son mari pour refaire entièrement la décoration.

  (AFP / FRANCETV INFO)

Quant à Nicolas Sarkozy, il s'est rendu deux fois au fort. La première avec sa deuxième épouse, Cécilia. La seconde fois avec sa troisième femme, Carla, alors enceinte. Mais Sarkozy préférait séjourner non loin de là, au Cap-Nègre, dans la résidence de sa belle-famille.

  (AFP / FRANCETV INFO)

François Hollande y a séjourné brièvement avec sa compagne de l'époque, Valérie Trierweiler, en 2012, avant de décider d'ouvrir le fort au public durant l'été. Le fort garde toutefois son statut de résidence officielle et le président peut, à tout moment, décider d'y revenir quand il le souhaite.

Le fort abrite de nombreux cadeaux présidentiels

C'est le gros avantage des demeures secondaires. Elles servent de débarras classieux, hébergeant ces objets dont on n'ose pas se débarrasser. A Brégançon, de nombreux cadeaux sont ainsi exposés. Ces cadeaux, offerts de présidence à présidence, appartiennent à l'Etat français et non aux présidents qui les ont reçus.

 

Planquée derrière la porte d'entrée de la résidence, une oasis miniature en métal doré attire l'œil. Cette œuvre imposante a été offerte par l'Arabie saoudite à la France en 2013. A côté, une mosaïque de Carthage, offerte par la Tunisie à Valéry Giscard d'Estaing en 1975, finit de décorer l'immense entrée de la propriété.

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)
  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)
  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

Parmi les autres objets exposés (de haut en bas), un vase en cristal offert par le vice-président américain Joe Biden, un porte-plume offert par la Turquie à François Hollande et une toile réalisée par un habitant de Bormes-les-Mimosas (Var) et offerte à Jacques Chirac. Cette commune sur laquelle se trouve le fort était très appréciée du couple présidentiel, qui aimait y fréquenter ses jolies terrasses à flanc de colline.

La plage privée est minuscule, et autres déceptions...

A Brégançon, point de luxe ou de bling-bling. La réaction des premiers visiteurs est d'ailleurs éloquente : "sobre", "sans chichi", voire "minable" pour les plus déçus, la résidence de nos présidents semble manquer de panache. Un paradoxe typiquement français : on souhaite une présidence "normale", mais on attend davantage de prestige de la part d'une résidence susceptible d'accueillir des dirigeants étrangers.

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

La décoration des lieux, restée inchangée depuis le passage de Bernadette Chirac, semble dater de plusieurs siècles. Un visiteur s'étonne en découvrant le bureau privé du président : "C'est normal qu'il n'y ait aucun ordinateur dans cette maison ?" Car si le fort est effectivement doté d'internet, on se demande presque s'il est raccordé à l'électricité, tant une impression surannée se dégage de cette résidence-musée.

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

Et si Anne-Aymone Giscard d'Estaing aimait les compositions florales, Bernadette Chirac les a remplacées par des orchidées, moins exigeantes. Ces dernières, qui au premier regard peuvent passer pour des fleurs en plastique, semblent s'épanouir dans cet endroit pourtant peu lumineux. Leur présence dans chacune des pièces finit de figer le fort dans le temps.

 

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

Enfin, la découverte de la minuscule plage privée finit de donner le ton. On comprend mieux pourquoi ce lieu n'a plus les faveurs de nos présidents depuis Giscard.

Le duc du Luxembourg est un voisin

Le point qui met pourtant tout le monde d'accord, c'est la situation exceptionnelle de cette citadelle vieille de près de douze siècles. Situé sur la commune de Bormes-les-Mimosas, le fort domine la Méditerranée depuis un piton rocheux haut de 35 mètres. 

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

Depuis le fort, on aperçoit une autre résidence d'Etat, la maison du Grand-Duché de Luxembourg, occupée par l'actuel grand duc, Henri de Nassau. Le duché est depuis 1949 propriétaire de la tour Sarrazine, située à Cabasson, également sur la commune de Bormes-les-Mimosas. Une borne "L" située à l'entrée témoigne du statut d'extraterritorialité du domaine. Un statut accordé par le général de Gaulle à l'issue de la seconde guerre mondiale, probablement en signe de remerciement à l'égard de la grande-duchesse Charlotte.

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)
 

On ne sait toujours pas à quoi ressemble la chambre du président

De nombreux endroits du fort restent préservés du public. Une partie du premier étage, où se trouvent les appartements privés du chef de l'Etat, gardera son mystère. Jusqu'au prochain président ?

 

  (ELODIE DROUARD / FRANCETV INFO)

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.