Déficit : comment le gouvernement a reculé sur la question des 3%
Mercredi, Laurent Fabius a jugé "probable" que la France ne tienne pas son objectif de réduire le déficit public à 3% du PIB d'ici la fin de l'année.
Mercredi 13 février, Laurent Fabius a jugé "probable" que la France ne tienne pas son objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB d'ici à la fin de l'année. Une première pour le gouvernement, qui avait fait de cet engagement un symbole de la bonne tenue des comptes de l'Etat.
Francetv info revient sur cet engagement-phare de François Hollande, mis à mal par une croissance ralentie.
Acte 1 : François Hollande promet le sérieux budgétaire
"Le déficit public sera réduit à 3% du produit intérieur brut en 2013. Je rétablirai l'équilibre budgétaire en fin de mandat." Cette promesse figure en neuvième position dans la liste des 60 engagements du candidat François Hollande. Pendant toute la durée de la campagne présidentielle, il brandit cette promesse comme un gage de sérieux budgétaire, face à une droite qui l'accuse d'être trop dépensier.
Acte 2 : les prévisions de croissance diminuent, l'objectif demeure
A peine élu, Hollande voit une série de mauvaises nouvelles s'accumuler sur le plan économique. Lui qui tablait sur une croissance de 1,75% en 2013 lors de sa campagne est contraint de revoir à la baisse ses espérances : en juillet, il ramène sa prédiction à 1,2%, et deux mois plus tard, à 0,8%.
Ces prévisions ne le font pas toutefois dévier de son objectif : sur le plateau de TF1, dimanche 9 septembre, il annonce 20 milliards d'euros de hausses d'impôts et 10 milliards d'économie pour pouvoir tenir cette promesse. Deux jours plus tôt, il s'en expliquait devant la Cour des comptes.
Acte 3 : premiers doutes au sein de la majorité
Au fil des mois, l'optimisme présidentiel est de moins en moins partagé dans les rangs de la majorité. Pour Harlem Désir, qui s'exprime avant de prendre la tête du PS, que ce but soit atteint "une année ou une autre année, ce n'est pas la question essentielle". Fin septembre, le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, juge carrément l'objectif "intenable", arguant qu'"on ne peut pas demander le même effort aux pays lorsqu'il y a la croissance et lorsqu'il n'y en a pas".
Le 14 octobre, il enfonce le clou. Au micro de LCI/RTL, il considère que cette limitation a "un côté absurde". Selon lui, "l'Europe ne peut pas être simplement le continent où l'on dit 'rigueur, rigueur, rigueur'".
Mais malgré les critiques, pas question pour Jérôme Cahuzac de s'éloigner de cet objectif : "Personne ne doit oublier que si la France ne respecte pas sa parole, c'est-à-dire n'atteint pas cet objectif de 3% de déficit public l'année prochaine, alors sa signature sera dévalorisée", lance le ministre du Budget au micro de RTL début octobre.
Acte 4 : la Cour des comptes enfonce le clou
Mardi 12 février, la promesse de campagne de François Hollande prend un peu plus de plomb dans l'aile, avec la publication du rapport annuel de la Cour des comptes. Dans ce document, les Sages de la rue Cambon estiment que l'objectif "n'a que peu de chances d'être atteint" car il repose sur la prévision de croissance de 0,8% établie par le gouvernement.
Le président de la République admet alors qu'"il ne sert à rien d'afficher des objectifs" en termes de croissance "s'ils ne peuvent pas être atteints", et laisse entendre qu'une révision de la prédiction pour 2013 pourrait intervenir "dans les prochains jours". Celle-ci pourrait être sévère : le Fonds monétaire international (FMI) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) tablent tous les deux sur une croissance de 0,3% dans l'Hexagone, rappellent Les Echos.
Acte 5 : le gouvernement recule
Laurent Fabius, qui s'était déjà montré prudent avec cet objectif au mois d'octobre, lâche une bombe. Mercredi 13 février, il estime "probable" que la France ne réduise pas son déficit à hauteur de 3% du PIB d'ici la fin de l'année. C'est la première fois qu'un membre du gouvernement fait un tel aveu.
"Ce sera effectivement très difficile", a pour sa part reconnu Jérôme Cahuzac, interrogé le même jour par France Inter. "La probabilité d'atteindre cet objectif s'est amenuisée au fur et à mesure que la croissance pâlissait, non seulement en France mais plus généralement dans la zone euro et dans le monde", a-t-il ajouté.
L'opposition ne s'est évidemment pas faite prier pour souligner ce qui ressemble de plus en plus à un renoncement. "C'est une promesse non tenue. En politique, c'est un échec grave", a réagi l'ancien Premier ministre UMP Jean-Pierre Raffarin, au micro d'Europe 1.
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