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Le président de l'Arche de Zoé et sa compagne condamnés à deux ans de prison ferme

Eric Breteau et sa compagne Emilie Lelouch ont été arrêtés à l'audience. Leur association avait tenté d'exfiltrer 103 enfants tchadiens vers la France en 2007. 

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dessin d'audience des quatre prévenus présents au procès de l'Arche de Zoé, le 3 décembre 2012 à Paris. De gauche à droite : la journaliste Marie-Agnès Pèleran, le logisticien Alain Péligat, le Dr Philippe Van Winkelberg et Christophe Letien. (BENOIT PEYRUCQ / AFP)

Après dix jours de procès en décembre, la justice française a condamné mardi 12 février Eric Breteau et Emilie Lelouch, deux des principaux protagonistes de l'opération de l'Arche de Zoé, à trois ans de prison dont deux ferme. Cette association avait tenté en 2007 d'exfiltrer vers la France 103 enfants présentés comme des orphelins du Darfour. Leur avocate a annoncé qu'ils allaient faire appel. 

Le couple, présent pour le délibéré, a été immédiatement arrêté après l'audience. Comme l'indique sur Twitter la journaliste du Monde Pascale Robert-Diard, Emilie Lelouch s'attendait à être incarcérée. 

Le tribunal a suivi les réquisitions à l'encontre du président de l'association et de sa compagne. Le médecin de l'Arche de Zoé, Philippe Van Winkelberg, et un autre membre, Christophe Letien, ont également été condamnés à un an avec sursis. Le logisticien Alain Péligat et la journaliste Marie-Agnès Pèleran, eux, ont écopé de six mois avec sursis. L'association l'Arche de Zoé a par ailleurs été condamnée à 100 000 euros d'amende et la structure est dissoute.

Emilie Lelouch arrivant au tribunal correctionnel de Paris (Francetv info / France 2)

De quoi étaient-ils accusés ?

Ces membres de l'Arche de Zoé avaient été arrêtés en octobre 2007 alors qu'ils s'apprêtaient à embarquer dans un avion vers la France avec des enfants affublés de faux bandages et de pansements. Ils disaient vouloir sauver des orphelins du Darfour, une région du Soudan. Mais, selon plusieurs ONG, ces enfants étaient en réalité pour la plupart tchadiens et avaient au moins un parent en vie.

Quatre des prévenus avaient été condamnés au Tchad à huit ans de travaux forcés pour tentative d'enlèvement d'enfants. Ils avaient été transférés en France et leur peine avait été commuée en années de prison, avant que le président tchadien, Idriss Deby, ne les gracie, fin mars 2008.

Comment s'est déroulé le procès ?

Vivant désormais en Afrique du Sud, Eric Breteau et Emilie Lelouch n'étaient ni présents ni représentés lors du procès. "Ils stressent, ils ont hâte de savoir", a indiqué leur avocate, Céline Lorenzon, qui respecte leur choix et affirme qu'ils n'ont "pas fait de plan" pour la suite.

Les quatre autres prévenus ont comparu devant le tribunal. L'infirmière Nadia Merimi, condamnée au Tchad puis graciée, partie civile au procès en France, n'a pas mâché ses mots au sujet du couple. "Franchement, c'est des enculés, je suis désolée, non, des enfoirés", a-elle lâché dans un rire de soulagement à la barre.

Quel était le profil psychologique du couple principal ?

Pendant l'enquête, des experts ont apporté leur éclairage sur la personnalité du couple Breteau-Lelouch et sur la force du lien qui les unit. Ils notent que "le côté sacrificiel de l'homme qui se fait fondateur ou créateur est premier", et que "le côté martyr" qui en découle, "pour l'un et pour l'autre, les unit dans cette conviction d'avoir suivi la voie du bien et du juste". Quant à Emilie Lelouch, les experts considèrent qu'elle vit dans un "mythe de la toute-puissance à créer et recréer le monde".

Emilie Lelouch et Eric Breteau (en rouge), ici en 2007 à N'Djamena (Tchad), ont été défendus par l'avocat Gilbert Collard (à g.) au début de l'affaire. (MAXPPP)

Pour la journaliste Marie-Agnès Pèleran, également jugée, il ne fait aucun doute que "leur but premier était sincère". Parmi les familles qui devaient accueillir les enfants, les avis sont partagés. Une minorité estime avoir été trompée. Certains jugent Eric Breteau et Emilie Lelouch "motivés mais maladroits" ou les décrivent comme "d'honnêtes gens qui ont bon cœur". D'autres, en revanche, les appellent "les illuminés" ou "les maîtres de la persuasion".

Quelle était la ligne de défense ?

La stratégie a été similaire pour tous les prévenus présents au procès : charger Eric Breteau et sa compagne. Ainsi, selon l'infirmière Nadia Merimi, "Eric Breteau disait toujours qu'il prenait l'entière responsabilité" des conséquences de la mission. Traumatisée par la peur d'être fusillée au Tchad, elle a martelé que "clairement, on ne (…) résistait pas" à Eric Breteau, rappelant que celui-ci avait mené une opération humanitaire en Indonésie après le tsunami de 2004. "Il avait l'air de savoir où il allait."

Les quatre prévenus présents au procès ont affirmé que la légalité de l'opération ne faisait pas de doute à leurs yeux. Ils étaient sûrs qu'un collectif d'avocats serait mis sur pied pour prendre en charge les aspects juridiques. La défense a donc plaidé la relaxe, estimant qu'ils avaient tous été "aveuglés par leurs bons sentiments".

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