Trop gros, trop cher... On vous explique pourquoi Airbus en finit avec l'A380
Interrogées par franceinfo, plusieurs sources internes ont indiqué que cet appareil n'est plus adapté au marché actuel des long-courriers.
Fin programmée pour un géant des airs. Airbus a annoncé, jeudi 14 février, l'arrêt de la production de son gros porteur A380. La dernière livraison de cet avion, capable de transporter 544 passagers, est prévue pour 2021. Interrogées par franceinfo, plusieurs sources internes ont indiqué que cet appareil n'est plus adapté au marché actuel des long-courriers. Franceinfo vous explique les raisons de cet abandon.
Parce qu'il n'y avait plus assez de commandes
Plusieurs acheteurs historiques de l'A380 ont décidé d'abandonner le mastodonte. C'est notamment le cas de la compagnie aérienne australienne Qantas, qui a annulé, début février, une commande de huit appareils. Surtout, d'après nos confrères de Libération, Emirates, le géant émirati, est sur le point d’annoncer qu’il renonce à vingt avions achetés ainsi qu'à seize options d'achat.
Un terrible coup dur pour Airbus, car la compagnie est le plus gros acheteur d'A380. Sur les 321 exemplaires vendus dans le monde d'après le site internet de l'avionneur, 178 ont été commandés par le transporteur de Dubaï. John Leahy, l'ex-directeur commercial d'Airbus, avait d'ailleurs prévenu : "Très honnêtement, si nous n'arrivons pas à un accord avec Emirates, il n'y aura pas d'autre choix que d'arrêter le programme"
Pourquoi les compagnies se détournent-elles de l'A380 ? Ce poids lourd a été conçu pour relier des gros aéroports comme Paris et New York, "les seuls où il peut se poser", explique Libération. Sauf que les passagers préfèrent aujourd'hui prendre des vols directs, principalement les professionnels qui sont prêts à payer chers leurs billets pour éviter les correspondances dans ces gros aéroports. Et comme les bénéfices des compagnies reposent principalement sur ces passagers, elles abandonnent l'A380 pour de plus petits appareils.
Parce que le programme a coûté trop cher
Pour vendre malgré tout, Airbus a fini par brader son appareil. Normalement vendu 400 millions de dollars l'avion, son prix facturé tournerait plutôt autour de 250 millions en moyenne, d'après un analyste financier, cité par Libération. Cela ne permettra pas d'amortir les coûts astronomiques du développement de l'avion. D'après le calcul du journal, l'A380 devrait représenter 10 milliards d’euros de pertes pour l'avionneur européen.
Airbus devra aussi rembourser aux gouvernements britannique, allemand et français une avance de 4 milliards d'euros. Cette somme, prêtée pour financer le développement de l'avion, était conditionnée à un volume minimum de vente qui n'a pas été atteint.
Parce que la concurrence avec Boeing est trop importante
Depuis des décennies, Boeing et Airbus se mènent une guerre sans merci et c'est dans ce contexte qu'a été créé l'A380. "Des ingénieurs ont dit à l'époque qu'Airbus avait la folie des grandeurs parce qu'on voulait attaquer celui qui était le seul sur le marché, le Boeing 747", raconte Gérard Feldzer, spécialiste de l'aéronautique, interrogé par franceinfo. Mais le constructeur américain a riposté en développant son propre géant du ciel : le Boeing 777.
La concurrence est arrivée avec le Boeing 777 qui a été le tueur de l'A380 avec des capacités incroyables. La nouvelle version du 777 se rapproche considérablement de l'A380 avec des ailes repliables.
Gérard Feldzer, spécialiste de l'aéronautiqueà franceinfo
S'il peut contenir moins de passagers, l'appareil est aussi beaucoup plus maniable. Doté de seulement deux réacteurs, contre quatre pour l'A380, l'avion américain peut atterrir dans beaucoup plus d'aéroports. Il est aussi beaucoup moins gourmand en carburant que l'Airbus. "Rendez-vous compte, sur un vol Londres-Singapour, un A380 consomme 144 tonnes de kérosène, soit 25 tonnes de plus qu’un Boeing", explique un cadre de l'avionneur européen à Libération.
A l'époque de l'élaboration du programme, miser sur un avion long-courrier à quatre réacteurs permettait de garantir une autonomie plus sûre, rendant ce type d'appareil capable de faire face à une panne de réacteur au dessus des océans. Mais aujourd'hui, les règles techniques ont évolué avec les avancées technologiques et les avions à deux réacteurs, comme le 777 de Boeing, sont jugés tout aussi sûrs.
Parce qu'Airbus veut miser sur d'autres appareils
En renonçant à l'A380, Airbus espère se concentrer sur d'autres modèles, comme l'A350, un nouveau gros porteur mais qui ne compte que deux réacteurs. "L'arrêt de l'A380 a fait que la cote en bourse du groupe Airbus remonte. Donc, ça prouve aussi que l'on mise sur les nouvelles technologies, comme l'A350 qui lui peut tuer le Boeing 777", explique Gérard Feldzer. L'A380 a aussi permis à Airbus de faire un bon technologique face à son concurrent américain.
D'un autre côté, Airbus a bénéficié de technologies de carbone sur l'A380. Alors, on peut dire que sans l'A380, il n'y aurait pas eu l'A350 avec les matériaux composites.
Gérard Feldzerà franceinfo
Ce modèle représente l'avenir d'Airbus, d'autant plus qu'Emirates a remplacé sa commandes d'A380 par l'achat de trente A350 et quarante A330néo, un nouveau long-courrier plus économique en carburant. De quoi donner à l'avionneur européen l'espoir d'un nouveau décollage.
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