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Conditions de détention de Carlos Ghosn : "L'indifférence de la France" pour l'ex-patron de Renault-Nissan "n'est vraiment pas glorieuse", estime son avocat

Pour Maître François Zimeray, avocat de Carlos Ghosn, la justice japonaise est une "machine à faire craquer" qui ne respecte pas les droits de la défense. Il dénonce les "moyens cruels et dégradants infligés" à son client.

Article rédigé par franceinfo
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L'avocat de Carlos Ghosn, Maître François Zimeray, le 4 mars 2019. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

"L'indifférence de la France pour quelqu'un qui s'est battu toute sa vie pour les relocalisations en France" n'est "vraiment pas glorieuse", a estimé Maître François Zimeray, avocat de Carlos Ghosn, mardi 19 novembre sur franceinfo. Un an après l'arrestation de l'ex-patron de Renault-Nissan, ses enfants signent une tribune sur franceinfo.fr pour s'en prendre au système judiciaire japonnais "cruel" et "injuste" selon eux, et demande un procès équitable pour leur père.

franceinfo : Avez vous des raisons de croire que Carlos Ghosn risque de ne pas avoir droit à un procès équitable ?

Maître François Zimeray : Bien sûr. Tout ce qu'on voit depuis un an, tout ce que l'on ressent, tout ce que l'on entend au Japon nous montre que il n'y a pas de procès équitable possible, et que cette justice ne mérite pas le nom de justice. C'est une machine à faire craquer, une machine à faire condamner. 99% des détenus au Japon sont condamnés, cette justice ne respecte en rien les règles d'un procès équitable. Notamment les droits de la défense, et la possibilité d'apporter des preuves. Rendez-vous compte que nous sommes face à des procureurs qui ont délibérément fait détruire plus de 6 000 pièces qui auraient pu disculper Carlos Ghosn. Quand on pense au Japon, il y a un malentendu parce qu'on pense précision, on pense exactitude, on pense rigueur et on ne mesure pas l'autre visage du Japon, l'ultranationalisme, des gens pas sérieux, prêts à tout pour 'rejaponiser' l'entreprise. Tout, y compris ces moyens cruels, dégradants qui ont été infligés à Carlos Ghosn. Moi, je suis très en colère. Depuis un an, il a été abandonné au fond d'une prison froide, tenu en laisse. Présenté à des juges, tenu en laisse. Je n'oublierai jamais que Carlos Ghosn a été présenté comme cela pour l'humilier. Je n'oublierai jamais ces 130 jours d'isolement, de prison où il était dans une cellule, avec la lumière allumée de jour comme de nuit, des interrogatoires sans fin et sans avocat. Cette torture affective : aujourd'hui encore, il n'a pas le droit, depuis 250 jours, de parler à sa femme, d'échanger une seule lettre, un seul mot. Ce que, dans aucune prison au monde, on ne peut voir.

Justement, il ne peut pas entrer en contact avec sa femme. Comment la justice japonaise justifie-t-elle cette mesure ?

Nous avons demandé à plusieurs reprises avec les avocats japonais, évidemment, [que] cette mesure inique, inadmissible, qui viole toute idée de justice et de droits fondamentaux [soit levée]. Il existe dans le monde ce que l'on appelle les règles Mandela, c'est-à-dire des règles minimales pour les personnes qui sont privées de leur liberté. Or, il est toujours privé de ses libertés, dans lesquelles, évidemment, figure le droit à des relations affectives parce c'est une question de dignité humaine. La seule justification du procureur japonais, c'était de dire 'eh bien, il n'y a pas d'autres moyens de le faire taire'. Donc, c'est une violation du droit, simplement de pouvoir s'exprimer. On lui reproche d'avoir dénoncé, et il a eu raison de le faire, le système japonais. On lui reproche d'avoir essayé d'attirer l'attention des pouvoirs publics dans le monde. Il a eu raison de le faire. Et quand je pense que cela a duré un an, je dis que ça suffit. Maintenant, ça suffit. Cette indifférence n'est vraiment pas glorieuse. C'est l'indifférence de la France face à quelqu'un qui s'est battu toute sa vie pour les relocalisations en France. On fabrique aujourd'hui des Nissan Micra à Flins. C'est quand même grâce à lui qu'il y a encore une industrie automobile en France c'est beaucoup grâce à lui.

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