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On vous résume ce qui attend Carlos Ghosn pour sa première comparution publique au Japon

Après plus de six semaines de détention, le PDG de Renault va briser le silence et s'exprimer pour la première fois sur les charges qui pèsent contre lui. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Carlos Ghosn sur un écran de télévision à Tokyo (Japon) le 21 décembre 2018. (KAZUHIRO NOGI / AFP)

L'ex-patron de Nissan se prépare à une très courte audience. Carlos Ghosn comparaîtra pour la première fois devant un tribunal de Tokyo, mardi 8 janvier, à sa demande. Il ne disposera que de quelques minutes pour s'exprimer sur les soupçons de malversations financières qui pèsent à son encontre et pour lesquels il est détenu depuis le 19 novembre. 

Carlos Ghosn a déposé cette demande spéciale de comparution par l'intermédiaire de ses avocats, vendredi, afin d'obliger le procureur à clarifier les motifs de sa détention. A cette occasion, nous récapitulons les principaux enjeux de cette audience et ses conséquences pour la procédure judiciaire.

Quelles sont les accusations qui pèsent sur Carlos Ghosn ? 

Le PDG de Renault est accusé d’avoir minoré de 38 millions d’euros ses rémunérations dans ses déclarations au fisc japonais entre 2010 et 2015. Il a été mis en examen le 10 décembre pour ces soupçons de fausses déclarations puis a fait l'objet d'un deuxième mandat d'arrêt, pour les mêmes accusations mais concernant trois autres années, motif pour lequel il n'a à ce jour pas été inculpé.

Le 20 décembre, le tribunal de Tokyo annonce avoir rejeté l'extension de la garde à vue de Carlos Ghosn réclamée par le parquet. Il peut donc théoriquement être libéré sous caution. Mais le lendemain, les procureurs décident de remettre le dirigeant en garde à vue sur de nouvelles charges. Cette garde à vue se termine vendredi 11 janvier. Chacune de ces infractions présumées pourrait lui valoir jusqu'à dix ans de prison.

Comment va se dérouler son audience ?

La séance devrait durer 10 à 15 minutes. Il "pourrait porter sa tenue de prisonnier et sera menotté", précise Le Figaro. Il comparaîtra en présence de journalistes mais l'audience ne sera pas filmée. Des "croquis d'audience seront rendus publics", note le quotidien. 

"Il s'agit d'une audience d'explications des raisons de sa détention à la demande de ses avocats", explique Yasuyuki Takai, ex-enquêteur de l'unité qui a arrêté Carlos Ghosn, à l'AFP. Il affirme qu'il s'agira d'un dialogue entre l'avocat et le juge mais que le procureur ne sera pas forcé d'être présent, même s'il l'est, en général. "Le juge lui demande parfois son avis, mais pas forcément", ajoute Yasuyuki Takai. Carlos Ghosn sera théoriquement libre de dire "ce qu'il veut, jusqu'à ce que le juge lui demande d'arrêter"

Quel est l'intérêt pour Carlos Ghosn d'être entendu ? 

Cette audience n'aura "aucun effet sur le déroulement du processus judiciaire", explique Shinro Gohara, avocat spécialiste du droit pénal et ancien procureur, dans Le Parisien

Cette comparution doit avant tout obliger le procureur à clarifier publiquement le motif de sa détention prolongée, conformément à l'article 34 de la Constitution japonaise qui précise que, "sur demande, [une personne retenue] peut exiger que la raison précise de sa détention soit rendue publique au tribunal".

Cette séance publique sera aussi l'occasion pour le PDG de Renault de s’exprimer pour la première fois sur les faits qui lui sont reprochés. Après des semaines de silence, il s'agit donc d'une étape "très importante", a déclaré son fils, Anthony Ghosn, au Journal du dimanche. "Je pense que tout le monde sera assez surpris en entendant sa version de l'histoire. Jusqu'à maintenant, on a seulement entendu l'accusation, a-t-il indiqué. Il est prêt à se défendre de façon vigoureuse, et est très concentré sur l’objectif de répondre aux accusations lancées contre lui." 

Pour l'avocat et ex-enquêteur Yasuyuki Takai, il s'agit également de retrouver un peu de crédibilité aux yeux de l'opinion. "Puisque des personnes du grand public et des journalistes seront présents, le fait pour Carlos Ghosn de croiser leur regard, de se montrer, même s'il ne peut pas leur parler, lui fera peut-être psychologiquement du bien, le rendra peut-être plus fort, mais, pour lui, c'est le seul avantage", analyse-t-il. 

Et après, que peut-il se passer ?

S'offrent au procureur et au tribunal plusieurs possibilités, mais une libération de Carlos Ghosn à l'issue de sa garde à vue vendredi ne peut intervenir de façon automatique, car il est déjà en détention préventive (sur une période de deux mois qui peut être renouvelée par tranche d'un mois) suite à la première inculpation qui lui a été signifiée le 11 décembre.

Si le procureur décide de l'inculper aussi sur l'abus de confiance ou d'autres accusations, débutera une nouvelle période de détention préventive qui viendra se superposer à celle déjà en cours.

Le procureur peut aussi lancer un nouveau mandat d'arrêt et relancer une nouvelle période de garde à vue de 48 heures qui pourrait le cas échéant être prolongée de 10 jours deux fois de suite. Mais, en pratique, il est extrêmement rare d'atteindre quatre gardes à vue successives.

Il se pourrait également que l'avocat de Carlos Ghosn dépose une demande de libération sous caution et que le tribunal l'accepte. Elle sera à coup sûr contestée par le procureur, mais le juge a le dernier mot. Son éventuelle libération sous caution serait sans doute assortie de conditions restrictives. Greg Kelly, administrateur de Nissan arrêté le 19 novembre en même temps que Carlos Ghosn, a été relâché le 25 décembre mais n'a pas le droit de quitter le Japon ni d'entrer en contact avec des protagonistes de l'affaire. 

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