Carlos Tavares écarté de Stellantis : retour sur le mandat du PDG en cinq dates

Le groupe automobile Stellantis a annoncé dimanche la démission "avec effet immédiat" de Carlos Tavares.
Article rédigé par franceinfo
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L'ancien directeur général de Stellantis, Carlos Tavares, à Turin le 10 avril 2024. (MARCO BERTORELLO / AFP)

Un patron emblématique poussé vers la sortie. Carlos Tavares, directeur général du groupe automobile Stellantis, a été contraint de démissionner dimanche 1er décembre, sous pression du conseil d'administration. Le groupe franco-italo-américain, qui détient entre autres les marques Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, Opel, Lancia ou Jeep, se sépare donc de son intraitable patron de 66 ans avant son départ à la retraite pourtant annoncé début octobre. Un départ brutal en raison de "points de vue différents", selon un communiqué du groupe, mettant fin à plus de dix ans d'une histoire commune. Franceinfo revient sur cette histoire en cinq dates.

1 Le 1er avril 2014 : arrivée à la tête de Peugeot

L'histoire ne débute pas avec Stellantis mais avec Peugeot. Après un départ fracassant de Renault, où il aura passé trente-deux ans, Carlos Tavares est annoncé fin 2013 chez le concurrent : le groupe de la famille Peugeot. Depuis plusieurs années, la marque au lion multiplie les mauvais résultats et se retrouve au bord de la faillite. L'État et le chinois Dongfeng sont appelés à la rescousse. La famille Peugeot est contrainte de perdre le contrôle de son empire centenaire.

Carlos Tavares prend officiellement la direction opérationnelle de la branche automobile du groupe début avril 2014 et présente son plan de relance qu'il nomme "back to the race". Le nouveau patron aime se présenter comme un "psychopathe de la performance", rappelle le journal Les Echos, et va appliquer ses méthodes : baisse des coûts, diminution du nombre de modèles, hausse de la marge, et aussi une forte pression sur le management.

Le retournement est spectaculaire et est devenu un cas d'école. Le groupe se redresse dès la première année et surfera ensuite sur la réussite de certains de ses modèles comme le SUV 3008. Pour certains, Carlos Tavares a aussi profité des mesures mises en place par son prédécesseur et notamment la réduction des coûts comme ceux liés à la fermeture de l'usine Peugeot d'Aulnay-sous-Bois.

2 Le 6 mars 2017 : rachat d'Opel à Général Motors

Après avoir repris des forces, la marque au lion a faim. Le groupe, devenu PSA en 2016, accélère et "dévore" Opel. La marque allemande appartient à Général Motors depuis 1929. Le groupe américain cède le constructeur allemand ainsi que la marque britannique Vauxhall pour 1,3 milliard d'euros.

La suite est considérée comme le succès le plus impressionnant de Carlos Tavares. En difficulté depuis de nombreuses années, la marque allemande se redresse rapidement. Pour retrouver la voie des profits, la firme de Rüsselsheim a notamment dû réduire ses effectifs avec 5 200 personnes en moins en Europe en 2018, dont 3 700 outre-Rhin.

3 Le 30 octobre 2019 : fusion avec Fiat Chrysler

Une étape historique. À la fin du mois d'octobre 2019, les groupes PSA et Fiat Chrysler Automobile (FCA) annoncent officiellement leur fusion à 50-50 pour constituer le quatrième groupe mondial automobile, derrière Volkswagen, Toyota, et Renault-Nissan-Mitsubishi. Ce dernier a justement vu son projet de fusion avec FCA échouer en juin 2019.

Derrière ce mariage à 50 milliards de dollars, le groupe familial Peugeot doit accepter que le premier actionnaire du groupe devienne une autre famille : les Agnelli. Les fondateurs de Fiat détiennent 14,5% tandis que les Peugeot, l'État français et le constructeur chinois Dongfeng ont chacun 6%.

Le nouveau siège social est implanté aux Pays-Bas et Carlos Tavares prend la tête du groupe qui deviendra par la suite Stellantis. Le groupe réunit sous le même toit plus de 250 000 salariés et de nombreuses marques comme Abarth, Alfa Romeo, Chrysler, Citroën, Dodge, DS Automobiles, Fiat, Jeep, Lancia, Maserati, Peugeot, Opel, Vauxhall et Ram.

4 Le 16 avril 2024 : une rémunération de 36,5 millions d'euros validée

L'un des patrons les mieux payés du CAC 40. Si Carlos Tavares a fait la une de l'actualité, ce n'est pas seulement pour sa réussite mais aussi pour sa rémunération jugée "choquante" et "excessive" au plus haut sommet de l'État. Mi-avril, les actionnaires du groupe Stellantis ont validé, à plus de 70% des voix, une rémunération pouvant atteindre 36,5 millions d'euros pour l'année 2023, soit une hausse de 56% sur un an. Cette rémunération comprend majoritairement des bonus liés aux bons résultats du groupe automobile.

Depuis la fin de la pandémie de Covid, Stellantis multiplie les succès alors que l'industrie automobile est en difficulté. Le groupe atteindra même un bénéfice net record de 18,6 milliards d'euros en 2023. Au sein de Stellantis, Carlos Tavares a appliqué la même recette que chez PSA avec une chasse aux coûts dans les usines entraînant de nombreuses suppressions de postes et quelques fermetures, ainsi que de sévères négociations sur les achats aux fournisseurs, et toujours une forte exigence auprès de ses équipes. Carlos Tavares se félicitait aussi d'imposer des prix plus élevés sur les modèles, pour en finir avec les importants rabais commerciaux qui grevaient les marges.

Face à la polémique sur sa rémunération, le patron de Stellantis restera imperturbable. "Si vous estimez que ce n'est pas acceptable, faites une loi, modifiez la loi et je la respecterai", a lancé Carlos Tavares au micro de France Bleu Lorraine Nord.

5 Le 1er décembre 2024 : annonce de la démission

En cette fin d'année 2024, les résultats de Carlos Tavares n'impressionnent plus et ses méthodes ont laissé des traces. Il y a deux mois, le groupe franco-italo-américain constatait une "détérioration" globale du marché automobile et des difficultés particulières sur le marché américain. En Europe, Fiat, Citroën ou Maserati souffrent de l'arrivée tardive de nouveaux modèles, parfois ralentie par des problèmes électroniques. Stellantis a donc revu ses objectifs, tablant sur une marge entre 5,5% et 7% pour 2024, largement en deçà de l'objectif à deux chiffres initialement fixé. À ces mauvais résultats s'ajoute le rappel de milliers de véhicules en raison d'airbags défectueux.

Dimanche, le conseil d'administration de Stellantis a décidé que les étoiles n'étaient plus alignées, et a accepté à l'unanimité la "démission" de Carlos Tavares, qui devait initialement partir à la retraite début 2026. Dans un communiqué, le groupe évoque un désaccord stratégique, avec des "points de vue différents" entre le conseil d'administration et le dirigeant. Au lendemain de cette annonce, l'action de Stellantis a plongé à la Bourse de Paris.

Plusieurs syndicats de Stellantis et de l'industrie automobile se sont félicités lundi du départ de Carlos Tavares. "Personne ne va le regretter parmi les travailleurs du groupe Stellantis, a affirmé lundi sur franceinfo Jean-Pierre Mercier, délégué SUD Stellantis sur le site de Poissy (Yvelines). Il a quand même été le responsable de plusieurs milliers de suppressions d'emplois à travers le monde." Des suppressions de postes qui pourraient se poursuivre, estime le syndicaliste : "La tête va changer mais la politique va rester exactement la même."

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