Pourquoi l'Etat se décarcasse pour l'industrie automobile
Prime à la casse, plans de soutien, Etats généraux... Depuis 2008, au moindre signe de faiblesse, le gouvernement français vient en aide à la filière automobile. Explications.
Sortir l'industrie automobile du marasme dans lequel elle s'est enfoncée. C'est l'un des objectifs de Jean-Marc Ayrault, qui a annoncé, dans son discours de politique générale, mardi 3 juillet, "un plan pour la filière automobile qui est en grande difficulté" . Le Premier ministre aura fort à faire, alors que PSA vient d'annoncer la suppression de 8 000 emplois en France et l'arrêt de la production sur son site d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
Depuis la crise financière de 2008 et la chute des ventes enregistrée par les constructeurs, notamment français, l'Etat s'est déjà porté plusieurs fois au chevet de l'industrie automobile. Bonus-malus favorable aux voitures non polluantes, prime à la casse de 1000 euros, Etats généraux de l'automobile aboutissant à un prêt aux deux plus gros constructeurs hexagonaux, PSA Peugeot-Citroën et Renault... En tout, près de 9 milliards d'euros ont été dépensés entre 2008 et 2009 pour venir en aide à la filière, selon Le Monde.fr.
Comment expliquer un tel engagement de l'Etat pour le secteur ? FTVi vous dit pourquoi la France se mobilise lorsque l'industrie auto chancelle.
• Pour sauvegarder des emplois
"Historiquement, la filière auto est un des gros morceaux de l'industrie française", explique Bernard Jullien, économiste et directeur du Gerpisa, un réseau français de chercheurs travaillant sur l'industrie automobile. De nombreuses régions ont de gros intérêts dans cette production, notamment dans le Nord où le secteur a remplacé d'autres industries en déclin, le bassin parisien avec les usines de Flins, Poissy et Aulnay-sous-Bois, ou encore la Bretagne, avec l'usine PSA de Rennes.
En tout, 225 000 emplois, sous-traitants et équipementiers compris, sont directement concernés par la santé du secteur, selon les données du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). Et au final, 2,35 millions d'actifs, soit 9% de la population de l'Hexagone, travaillent en lien avec cette industrie.
Mais pour Bernard Jullien, "l'argument des emplois est un argument faiblissant". "Actuellement, on est sur des pertes d'emploi à cause des délocalisations d'usines en Europe de l'Est, et une note de l'OFCE en 2009 imaginait même de soutenir plutôt l'industrie du bâtiment, qui fait travailler 1,5 million de personnes."
Entre 2000 et 2010, 95 000 postes ont disparu dans l'automobile. PSA Peugeot-Citroën et Renault, les deux plus grands constructeurs français, ont délocalisé la production de leurs petit modèles, ceux dont les ventes progressent le plus en France, rappelait cet article du Figaro en 2009. "En 2008, 43,5% des modèles [de Renault] vendus en France étaient produits dans l'Hexagone, contre 65% en 2005. Côté PSA, sur la même période, cette proportion est passée de 70% à 60%", détaille le site.
"Il faudrait une solidarité plus forte entre les constructeurs et leurs sites de production français pour enrayer les délocalisations et supprimer ce décalage entre ce qui se vend en France et ce qui s'y produit. Sinon, cela risque d'être difficile pour l'Etat de continuer à soutenir l'industrie", analyse l'économiste.
• Pour ne pas plomber le commerce extérieur
"Depuis longtemps, l'industrie automobile est un élément majeur du commerce extérieur de la France et elle est toujours considérée comme motrice", poursuit Bernard Jullien.
D'après les derniers chiffres du CCFA datant de 2008, l'auto est, en France, la première branche pour les budgets recherche et développement, devant l'industrie pharmaceutique et la construction aéronautique. Une façon pour le pays d'afficher ses compétences technologiques et électroniques et de montrer qu'il peut rester dans la course. D'autant que les deux principaux constructeurs font encore le poids.
Au classement mondial des constructeurs automobiles, PSA Peugeot-Citroën atteint le huitième rang avec 3,6 millions de véhicules produits en 2010, et Renault le dixième, avec 2,7 millions d'unités. Un classement dominé au niveau européen par l'Allemagne, puisque le groupe Volkswagen est à la troisième place.
Pour le directeur du Gerpisa, "il y a une guerre ouverte entre les Allemands et les Français sur le marché du haut de gamme. Mais en termes industriel et en termes d'image, l'Allemagne écrase le reste des pays d'Europe depuis déjà quinze ans et cette domination est de plus en plus affirmée."
Alors que la production française, traditionnellement tournée vers les véhicules moyens et bas de gamme, correspond au marché européen, celle de l'Allemagne se tourne vers l'exportation hors Europe, notamment vers la Chine. Pour l'économiste, une alternative française est a élaborer : "Il faut cesser de courir derrière Volkswagen et plutôt chercher des alliances avec l'Italie ou les pays d'Europe centrale, qui se situent sur le même marché."
• Pour protéger un symbole de l'industrie française
Si les constructeurs français sont dans le top 10 des constructeurs mondiaux, c'est avant tout grâce à leurs alliances passées avec de grands groupes, qui viennent chercher des compétences spécifiques chez les firmes tricolores. "Pour Nissan, cela a été les outils de production de Renault, qui a une tradition de petits modèles. Du côté de General Motors, qui est devenu partenaire de PSA au début de l'année, la technologie diesel et les compétences de design du constructeur français ont pesé dans la balance", précise Bernard Jullien.
Enfin, plus d'une voiture sur deux vendues dans l'Hexagone est encore un véhicule français. Et selon le chercheur, "bien qu'affaiblie, la construction française jouit encore d'une image très positive auprès de la population hexagonale, qui tient à ce fleuron de l'industrie". Une image qu'il serait dangereux de mettre à mal pour un gouvernement.
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