Essence chère : les propositions des candidats, sans plomb ou super ?
Face à la flambée des prix à la pompe, les candidats à la présidentielle avancent chacun leurs solutions. FTVi a demandé à des économistes de les passer au crible.
En France, on n'a toujours pas de pétrole, mais on a toujours des idées. Le coût du litre d'essence poursuit son envolée et atteint de nouveaux sommets historiques qui relancent le débat sur la maîtrise des prix à la pompe, en pleine campagne présidentielle. FTVi a demandé à des économistes spécialistes des questions énergétiques ce qu'ils pensaient des propositions des candidats.
• Bloquer les prix de l’essence
François Hollande souhaite un "blocage temporaire du prix de l'essence", ainsi qu'un rétablissement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante, comme le rapporte le mensuel L'Expansion. L'idée du candidat socialiste est de réduire cette taxe en période de hausse des prix et de l'augmenter en période de baisse, afin de compenser les effets de ces variations.
Une proposition "faisable techniquement", estime Patrice Geoffron, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine, avant d’ajouter : "Ça a déjà été fait sous le gouvernement Jospin" et "sa mise en application n’a pas été très probante".
"La mise en place de la TIPP flottante entre 2000 et 2002 avait tenté de réguler les prix du carburant. Cette solution s'est avérée intenable, les prix du brut étant structurellement orientés à la hausse", complète Céline Antonin, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le centre de recherche en économie de Sciences Po, dans une note de juillet 2011.
"Aujourd’hui, le contexte est le même. Il est donc difficile d’imaginer que ça puisse être plus efficace que par le passé, poursuit Patrice Geoffron. Lorsque le prix du pétrole augmente, on voit apparaître assez logiquement une diminution de la consommation. Le consommateur réagit. Et moins de quantités consommées, c’est moins de recettes. Il y a donc un risque qu’il n’y ait plus rien à redistribuer."
• Taxer les profits des groupes pétroliers
La TIPP, Marine Le Pen souhaite, elle, la baisser. La candidate du Front national déclare dans un communiqué qu'elle la compensera par une "surtaxe des super-profits des grandes compagnies pétrolières et gazières".
Cette reprise en main du secteur de l'énergie par l'Etat est également souhaitée également par Jean-Luc Mélenchon, qui ne parle toutefois pas de supprimer la TIPP. Le candidat du Front de gauche veut nationaliser le géant pétrolier Total pour que ses profits colossaux puissent servir aux Français.
"Baisser la fiscalité carburant en taxant davantage les compagnies pétrolières (…) est séduisant", commente Céline Antonin. Mais ce n’est "pas nécessairement plus efficace", renchérit Patrice Geoffron. En effet, précise Céline Antonin : "La TIPP a rapporté 24,4 milliards d’euros en 2009 (…) et représente le quatrième poste de recettes de l’Etat. La réduire au minimum représenterait un manque à gagner de 3 milliards d’euros."
Quant à la taxation accrue des grands groupes pétroliers, l’économiste de l’OFCE la juge illusoire : "La France ne produit pas (ou peu) de pétrole. Elle ne peut donc pas taxer les entreprises pétrolières en amont. Or, c’est sur la partie amont de la production, qui a lieu à l’étranger, que les industriels du pétrole font l’essentiel de leurs profits, le raffinage et la distribution étant plus concurrentiels. Une taxe éventuelle serait du ressort des pays producteurs, donc inapplicable." Son confrère de l’université Paris-Dauphine tranche : "On est dans une proposition qui ne mange pas de pain en période électorale."
• Faire des économies d’énergie
Les prix records à la pompe étant partis pour durer, selon les économistes, François Bayrou, le candidat du MoDem, prône une baisse progressive de la part des carburants fossiles dans notre consommation énergétique.
Même tonalité chez Eva Joly, la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts, qui refuse le tout-voiture et promeut le développement de modes de transports alternatifs : taxis collectifs ou covoiturage par exemple.
"Il faut une transition énergétique, plaide Patrice Geoffron. Le prix du pétrole a été multiplié par quatre en dix ans, on est dans un changement de régime. Et dans le contexte actuel, la seule manière de se couvrir contre le risque énergétique, c'est de consommer moins. Ces économies d’énergie supposent de revoir nos systèmes de transports, nos habitats…"
• La proposition en bonus
Mais, pour Patrice Geoffron comme pour son collègue universitaire Jean-Marie Chevalier, auteur de L'avenir énergétique : cartes sur table (Gallimard), la transition énergétique pose une nouvelle question, celle de la fracture énergétique.
Tous deux reconnaissent que si les classes moyennes auront les moyens d’acheter des voitures plus économes en carburant ou d’améliorer l’isolation de leurs habitations, les ménages modestes ne pourront se permettre pareilles dépenses.
Jean-Marie Chevalier propose donc une mesure radicale : augmenter massivement les prix de l’essence. De quoi renflouer les finances publiques, subventionner le développement des énergies renouvelables et la transition énergétique.
"Cela implique un effort de redistribution entre les plus favorisés et les plus pauvres", prévient l’économiste, conscient que sa proposition a peu de chances d’être adoptée.
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