"Une mesure totalement injuste" et "qui ne changera rien" : préconisé par un rapport, le retour de la taxe carbone ne fait pas l'unanimité
Dans un rapport publié mercredi 18 septembre, le Conseil des prélèvements obligatoires, un organisme lié à la Cour des comptes, préconise le retour de la taxe carbone. Pour une fédération du BTP et une association de défense des consommateurs, la mesure ne serait pas très efficace et creuserait les inégalités entre citoyens.
C'est une mesure qui avait provoqué la colère des "gilets jaunes" : la taxe carbone. Dans un rapport, publié mercredi 18 septembre, le Conseil des prélèvements obligatoires préconise son retour. Selon le texte, il n'y a pas d'autre alternative si la France veut respecter ses engagements de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Le CPO recommande notamment de faire payer, proportionnellement à leurs émissions, les secteurs les plus polluants. Cela pourrait être la fin des exonérations fiscales dont bénéficient aujourd'hui le transport routier et le bâtiment. Le rapport préconise aussi de mettre à contribution le secteur aérien et le transport maritime.
Une mesure "totalement injuste"
Mais cette proposition est loin de faire l'unanimité. Pour Jacques Chanut, le président de la Fédération Française du Bâtiment, cette mesure ne servirait pas vraiment les intérêts de la transition énergétique : "En quoi une taxe peut modifier un objectif de transition énergétique ? Prenez le gasoil non routier, celui qui fait fonctionner les engins sur les chantiers du BTP et qui bénéficie pour le moment d'une détaxation. On nous dit qu'on va rajouter une taxe pour pousser à un comportement plus vertueux. Mais lequel ? Il n'existe pas de matériel de remplacement. On n'a pas la possibilité de trouver du matériel électrique qui fait du terrassement. Il faut dire la vérité, c'est une mesure budgétaire, totalement injuste !"
Le président de la Fédération Française du Bâtiment dénonce ce qu'il considère être un mensonge : "Augmenter la taxe sur le gasoil, c'est pour récupérer de l'argent pour le budget de l'État. Mais en plus, essayer de faire passer ça pour une mesure liée à la transition énergétique, c'est faux ! On ne peut pas remplacer notre matériel alors on va continuer à l'utiliser, à consommer du gasoil, ça ne changera rien on paiera juste des taxes en plus !"
Les ménages les plus modestes pénalisés
En plus des entreprises, cette taxe pourrait fragiliser encore plus des ménages déjà modestes selon Mathieu Escot, directeur adjoint à l'action politique, en charge des études et du lobby, à l’UFC-Que Choisir. Pour lui : "On a une tendance d'augmentation des carburants, de l'électricité, du fioul. On a vraiment un climat inflationniste sur ces dépenses contraintes, qui ne peuvent pas être évitées. Il y a un nombre significatif de consommateurs qui ne peuvent pas réduire leurs dépenses de carburant. Ce n'est pas en quelques jours que vous changez de voiture ou de travail pour vous rapprocher de votre domicile. Un autre gros volet de dépenses énergétique c'est le chauffage. On sait qu'il faut faire plus en termes de rénovation des bâtiments, mais c'est extrêmement coûteux et ca peut pas se faire en quelques semaines."
Pour Mathieu Escot, il existe une vraie fracture entre citoyens : "On sait qu'il faut préserver l'environnement, arriver à diminuer les émissions de CO₂. Mais ce qui est facile pour certains qui habitent dans des logements récents et bien desservis par les transports en commun est impossible pour d'autres personnes."
On peut envisager une taxation du carbone plus élevée, mais à condition que cet argent retourne bel et bien à la transition énergétique.
Jacques Chanutsur franceinfo
Pour Matthieu Escot comme Jacques Chanut, il existe des illogismes dans le prélèvement de la taxe sur les carburants. Pour le chargé des études et du lobby à l’UFC-Que Choisir : "Quand vous achetez de l'énergie ou du carburant, vous payez non seulement la TVA, mais aussi la taxe environnementale (la TICPE) et aussi une TVA sur la TICPE. C'est bien cette dernière taxe qu'on voudrait supprimer. Elle pèse très lourd sur les ménages : 4,6 milliards d'euros payés par les consommateurs en 2018. Et cet argent est versé au budget général de l'État. Il n'est pas affecté à la transition énergétique. On peut envisager une taxation du carbone plus élevée, mais à condition que cet argent retourne bel et bien à la transition énergétique."
Une opinion partagée par Jacques Chanut : "On est dans un systeme completement ubuesque. Quand on se donne des ambitions très fortes de réduction des émissions de CO₂, il faut mettre un budget d'accompagnement et d'incitation en face. Si on récupérait ces 4,6 milliards d'euros et qu'on les affectait au climat, ce serait déjà une bonne chose."
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