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Planification écologique : pourquoi le leasing de voitures électriques à 100 euros par mois tarde-t-il à voir le jour ?

Ce dispositif de location longue durée avec option d'achat, promis par Emmanuel Macron pendant sa campagne, sera présenté à la fin du mois de novembre. Il doit permettre aux ménages les moins aisés de tourner le dos aux véhicules thermiques.
Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un automobiliste recharge sa voiture électrique à Toulouse (Haute-Garonne), le 14 septembre 2023. (ADRIEN NOWAK / HANS LUCAS / AFP)

Emmanuel Macron a martelé sa volonté de bâtir une "écologie accessible" au plus grand nombre, lundi 25 septembre. En présentant les grandes lignes de la planification écologique de l'exécutif, le président de la République a affirmé que la voiture électrique était "l'un des grands sujets sur les transports". Il est notamment revenu sur son projet de leasing à 100 euros par mois, vantant "un mécanisme très innovant". Ce système de location longue durée, assorti d'une option d'achat à son terme, est pensé pour ouvrir aux ménages les plus modestes la possibilité d'acquérir un véhicule électrique neuf. Ceux-ci demeurent en effet nettement plus coûteux à l'achat que les véhicules thermiques, et leurs acheteurs se concentrent dans les territoires les plus riches.

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Un guichet permettant d'accéder au nouveau dispositif sera ouvert en novembre, a précisé Emmanuel Macron. Mais, en 2024, seuls "quelques dizaines de milliers" de véhicules seront livrés, a-t-il prévenu, tout en rappelant l'objectif de construire un million de véhicules électriques en France d'ici à 2027. Franceinfo explique pourquoi cette promesse de sa campagne présidentielle de 2022 se fait encore attendre.

Parce que la production de voitures électriques en France et en Europe n'est pas encore assez développée

Avec la planification écologique, l'exécutif souhaite aligner les questions environnementales et le pouvoir d'achat avec la politique industrielle et les enjeux de souveraineté. Le leasing de voitures électriques doit donc encourager l'acquisition de véhicules issus d'usines françaises ou européennes, et non pas des voitures venues de Chine ou d'ailleurs.

"Nous voulons permettre l'accès à des véhicules électriques qui sont produits en Europe, pour éviter que nous ayons une politique d'accès qui viendrait contredire notre politique industrielle."

Emmanuel Macron

à l'issue du Conseil de planification écologique

Mais la Chine, qui produit des voitures électriques de longue date, a pris vingt ans d'avance sur l'Europe, commente Flavien Neuvy, économiste et directeur de l’Observatoire Cetelem : "Les Chinois ont acheté des terres rares, des mines de cobalt, de cuivre... Tout l'approvisionnement. C'est une stratégie de long terme." Lancer le dispositif de leasing trop tôt aurait largement profité aux constructeurs chinois.

Il a donc fallu attendre que la production se développe sur le Vieux continent. "C'est ce qui nous a conduit à faire en sorte de bien articuler le calendrier du leasing avec l'arrivée sur le marché des modèles qui seront produits en France et en Europe", explique l'Elysée. "Le dispositif se lance à ce stade avec un volume plus modeste, parce que nous n'avons pas encore l'offre disponible", ajoute la présidence, assurant que le nombre de véhicules financés par ce biais gonflera "avec la montée en puissance de l'offre" du côté des constructeurs.

Parce que les critères pour définir les modèles éligibles viennent seulement d'être publiés

On ne connaît pas encore les modèles qui seront disponibles via l'offre de leasing à 100 euros par mois. Le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, a toutefois livré de premières pistes sur les marques qui pourraient être concernées : "On est en train de finaliser les discussions" avec les groupes automobiles Stellantis et Renault, a-t-il déclaré, mardi, sur France Inter.

L'Elysée relève que les modèles éligibles doivent encore être évalués, notamment par l'Agence de la transition écologique (Ademe). Seuls seront retenus les véhicules avec une empreinte carbone satisfaisante à l'échelle de leur cycle de vie, c'est-à-dire de leur fabrication à leur démantèlement en passant, bien sûr, par leur utilisation. Les voitures électriques construites en Chine, moins chères à l'achat, pourraient donc pâtir de la distance à parcourir pour les importer en France et de la part de l'électricité chinoise qui est issue des centrales à charbon.

Si les véhicules fabriqués dans l'Hexagone et en Europe seront privilégiés, c'est notamment grâce à l'électricité fortement décarbonée utilisée pour les assembler. Toutefois, "un véhicule qui serait produit ailleurs, qui serait très décarboné, peut aussi passer potentiellement", nuance l'Elysée. "Les critères viennent d'être publiés", "le processus d'homologation est en cours", et l'ensemble devrait être clarifié d'ici à la fin du mois du novembre, lorsque le dispositif détaillé sera dévoilé, assure la présidence.

Parce que les ménages modestes ont d'autres priorités

Confrontés à la hausse des prix de l'énergie, du carburant et de l'alimentation, les Français ciblés par ce dispositif font face à de grandes difficultés, qui compliquent l'acquisition d'un véhicule électrique neuf, même en leasing. "La plupart du temps, les ménages, surtout quand ils sont des ménages modestes, ont d'autres priorités que celles-là", commente auprès de franceinfo Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux. "Vous avez des ménages qui mettent entre 3 000 et 5 000 euros quand ils achètent une voiture. Quand vous étalez ça sur cinq ans et que vous divisez par douze, vous arrivez à 50 à 70 euros" par mois, calcule-t-il. "Même 100 euros, c'est beaucoup, finalement, pour les ménages concernés." De façon plus large, "le rapport à la voiture a changé au cours de ces trente dernières années et il y a de moins en moins de ménages qui achètent des voitures chaque année", rappelle Flavien Neuvy, le directeur de l'Observatoire Cetelem.

Selon Bernard Jullien, "il faut faire rentrer au chausse-pied cette mesure, qui a été annoncée sans études, dans des équations économiques qui sont infiniment compliquées". Pour Flavien Neuvy, ce leasing de voiture électrique à 100 euros est "un bel exemple de la complexité de notre monde". Concilier en même temps le pouvoir d'achat, les enjeux écologiques et industriels s'avère "très difficile", observe-t-il, tout en reconnaissant qu'il serait délicat ne pas les mener dans le même mouvement.

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