Voitures électriques à 100 euros par mois : "L’idée est séduisante", mais le gouvernement "a un mal fou à le faire", constate un spécialiste
"L’idée est séduisante", mais le gouvernement "a un mal fou à le faire" a constaté mardi 26 septembre sur franceinfo Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et spécialiste de l’industrie l’automobile. Emmanuel Macron a annoncé lundi 25 septembre que le dispositif du leasing à 100 euros par mois pour une voiture électrique sera dévoilé en novembre. Il s’appliquera aux véhicules produits en Europe.
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Cette promesse de campagne du chef de l'Etat tarde à se mettre en place : "il faut faire rentrer au chausse-pieds cette mesure qui a été annoncée sans études dans des équations économiques qui sont infiniment compliquées", a expliqué Bernard Jullien. Selon lui, le gouvernement risque "de rendre la cible plus étroite parce que ça va coûter très cher".
franceinfo : Est-ce que ce leasing social, sur le fond, est une bonne idée ?
Bernard Jullien : L'idée est séduisante puisqu'on a le sentiment qu’effectivement, on a un effet un peu anti-Robin des bois. C'est-à-dire qu’on distribue de l'argent pour acheter des voitures neuves, mais ne peuvent acheter des voitures neuves que des ménages les plus aisés, ce qui fait qu'on prend dans la poche de tout le monde pour donner aux plus riches. L’idée, c’est de corriger un peu cet effet-là. Sur le plan de la communication, c'est absolument séduisant. Le problème, c'est qu'on a un mal fou à le faire. C'est en novembre seulement qu'on va connaître le plan plus précisément.
"C'est quand même une promesse de campagne qui date du printemps 2012."
Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeauxsur franceinfo
On sent bien que c'est la quadrature du cercle et qu'on a toutes les peines du monde à faire rentrer ce leasing à 100 euros dans un scénario un tout petit peu réaliste.
Le gouvernement ne sait pas comment faire ?
Il faut faire rentrer au chausse-pieds cette mesure qui a été annoncée sans études dans des équations économiques qui sont infiniment compliquées parce que les véhicules électriques sont quand même plus chers que les véhicules thermiques. Du coup, il faut mettre une prime très importante pour que ce soit plausible.
"Pour que le loyer reste à 100 euros, il faut contraindre les ménages sur le kilométrage qu'ils vont parcourir, ne pas prendre en charge les frais d'entretien."
Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeauxsur franceinfo
Et puis, à la fin, il faut que la valeur de la voiture, quand la location s'arrêtera au bout de cinq ans, par exemple, reste élevée. Il faut probablement que l'État donne des garanties à ce niveau-là et du coup, on s'aperçoit qu'on s'était avancé dans le vide. Donc, aujourd'hui, on s'achemine vers une solution qui serait à peu près tenable. Mais c'est vrai qu’on sera obligé, si ça marche, de rendre la cible plus étroite parce que ça va coûter très cher, parce que proposer une voiture à 100 euros, c'est quand même extraordinairement compliqué. On sait que les ménages concernés, c'est-à-dire la moitié la moins aisée de la population, achètent très majoritairement des véhicules d'occasion et n'ont pas des véhicules neufs. C'est au moment où les véhicules neufs sont les plus chers qu'on veut leur en faire acheter. En plus, on aimerait bien éviter que soient éligibles des véhicules qui seraient assemblés très loin de chez nous. Tout ceci fait que le nombre de contraintes que l'on s'est mis est très important.
Le président parle d'un dispositif ambitieux. Est-ce qu'on a des exemples à l'étranger de dispositifs similaires qui fonctionnerait ?
Non pas que je sache. On a des dispositifs d'aide très généreux, qui peuvent aller jusqu'à 10 000 euros à 15 000 euros par véhicule.
"Évidemment, si on voit l'État donner de l'argent, les collectivités donner de l'argent, on arrive effectivement à ce que la part du véhicule qui reste à financer par le ménage soit relativement faible. Mais la plupart du temps, les ménages, surtout quand ils sont des ménages modestes, ont d'autres priorités que celles-là."
Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeauxsur franceinfo
Vous avez des ménages qui mettent entre 3 000 et 5 000 euros quand ils achètent une voiture. Donc quand vous étalez ça sur cinq ans et que vous divisez par douze, vous arrivez à 50 à 70 euros. Même 100 euros, c'est beaucoup finalement, pour les ménages concernés. Très souvent, ils ont plusieurs véhicules. Du coup, c'est vrai que pour de bonnes raisons, l'achat privilégié, c'est l'achat d’occasion. C'est un peu un paradoxe que de vouloir faire acheter des voitures neuves aux ménages au moment où c'est le plus compliqué parce que les voitures sont chères.
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