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Taxes, vignettes, interdiction... Faut-il se débarrasser de sa voiture diesel ?

La mairie de Paris veut interdire les véhicules diesel dans la ville d'ici 2020 et le gouvernement veut limiter leur circulation en cas de pic de pollution. Des mesures qui menacent de nombreux conducteurs.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les véhicules diesel, notamment ceux mis en circulation avant 2001, sont dans le viseur du gouvernement et de la mairie de Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

Au moment d'acheter un véhicule, l'automobiliste français risque bientôt de ne plus hésiter entre la performance du moteur essence et le prix de revient d'un diesel. Ce dernier est en effet ciblé par plusieurs mesures environnementales : alors que le gouvernement instaurera une vignette anti-pollution en 2016, la mairie de Paris envisage de l'éradiquer totalement des rues de la capitale d'ici 2020. Face à la menace qui pèse sur les quelques 23 millions de véhicule diesel circulant en France, francetv info détaille ce qui attend leurs conducteurs, en fonction de l'âge de leur voiture.

Votre diesel a plus de 15 ans : envisagez un détour par la casse

En 2016, tout possesseur de véhicule diesel âgé de plus de 15 ans devra accepter l'idée qu'il ne pourra plus circuler comme il le désire. Lors de la dernière conférence environnementale, pour répondre aux exigences de Bruxelles en matière de pollution automobile, Manuel Valls a annoncé la mise en place dès septembre 2015 d'un "système d'identification des véhicules en fonction de leur émissions polluantes".

Comme l'explique le JDD, il s'agira de vignettes classant les véhicules en fonction de leur degré de pollution, répartis selon les normes européennes, détaillées par l'AVEM. Les diesels mis en circulation avant 2001, et les voitures essences antérieures à 1993, auront droit à une vignette rouge. Envoyée dès janvier 2016 en même temps que les vignettes d'assurance annuelles, cette vignette sera orange pour les voitures essences post-1993 et les diesels "propres" construits après 2001. La vignette verte sera réservée aux voitures électriques et hybrides.

Ce système, inspiré d'un rapport ministériel de décembre 2013, permettra aux collectivités locales qui le souhaitent d'interdire la circulation des porteurs de vignettes rouges, voire oranges, les jours de pics de pollution. A Paris, le dispositif irait plus loin, comme l'a annoncé la maire Anne Hidalgo : les véhicules arborant une vignette rouge seraient définitivement bannis des rues de la capitale en 2020. Et pour ceux qui envisagent la fraude, et s'exposent à une amende de 17 euros, les radars et les portiques écotaxe pourraient être mis à contribution pour contrôler les plaques des automobilistes autorisés ou non à rouler.

Les conducteurs de vieux diesels ont donc peu d'intérêt à conserver leur véhicule, tant ils risquent de le remiser au garage très souvent : à titre d'exemple, en 2013, on a comptabilisé 69 jours de dépassement de la valeur réglementaire pour la pollution aux particules dans l'agglomération lyonnaise, selon Air Rhône-Alpes. En Île-de-France, l'alerte pollution a été déclenchée à 36 reprises selon AirParif.

Pour accompagner le système qui pénalisera  notamment les conducteurs les moins fortunés, la mairie de Paris et le gouvernement travaillent à des aides financières. Manuel Valls a annoncé "l'élargissement de la prime de conversion", qui, sous condition, peut permettre de toucher un bonus allant jusqu'à 3 700 euros en cas d'abandon de son véhicule diesel. Une somme qui peut atteindre 10 000 euros si on opte pour une voiture électrique ou hybride, comme l'explique L'Argus.

Votre diesel a été acheté après 2007 : soignez votre petite annonce

En apprenant qu'ils étaient devenus des cibles des mesures écologiques, les propriétaires de véhicules diesel achetés depuis 2007 ont ouvert de grands yeux ronds. Jusqu'en 2014, acheter un diesel pouvait permettre de bénéficier d'un bonus écologique, car la référence pour accorder cette prime était uniquement le taux de CO2, plus faible chez la plupart des modèles diesel que chez leurs équivalents essence. Mais la donne a changé, comme l'explique Le Monde. Les émissions de particules fines et de dioxyde d'azote sont désormais prises en compte, provoquant une exclusion du diesel du dispositif, qui ne concerne d'ailleurs plus que les véhicules électriques et hybrides.

"Le problème, c'est que des gens à qui on a vendu des voitures parce qu'elles étaient écologiques, se retrouvent aujourd'hui pénalisés parce qu'ils sont dénoncés comme pollueurs, s'indigne Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, interrogé par francetv info. On marche sur la tête, ces conducteurs de diesel vont avoir du mal à revendre leurs voitures, qui subira forcément une décote, alors qu'on leur a vendu ça comme un avantage."

Les conducteurs qui arboreront une vignette orange pourront toujours se dire qu'un pic de pollution ne signifiera pas forcément une interdiction de rouler en ville. A priori, seuls les vignettes rouges seront concernées à coup sûr. Mais si l'on se réfère à l'exemple de Berlin, présenté comme un modèle dans le rapport ministériel de décembre 2013, on constate que seule les voitures munies de vignettes vertes sont autorisées à rouler dans le centre de la capitale allemande.

"Le diesel est condamné, estime avec fatalité Simon Midal, président de l'Automobile Club de Paris, interrogé par francetv info. On le voit dans ces restrictions anti-pollutions, mais aussi dans la fiscalité supplémentaire." En octobre dernier, le gouvernement a décidé d'augmenter de 2 centimes d'euro par litre la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) sur le diesel, pour compenser le manque lié à l'abandon de l'écotaxe. Pour respecter les demandes de Bruxelles de rapprocher les fiscalités des carburants, le prix du gazole pourrait encore augmenter. L'argument du diesel plus économique à la pompe ne tiendra plus.

Vous prévoyez d'acheter un diesel : ne renoncez pas tout de suite

Le calendrier d'application de ces mesures est déjà établi. L'expérimentation des vignettes débutera dans 36 villes de plus de 250 000 habitants fin 2015. Une mise en place rapide qui a coupé l'herbe sous le pied des adversaires de cette guerre contre le diesel. Mais ils commencent à se faire entendre et à dénoncer des "décisions démagogues" : "A Paris, Anne Hidalgo a voulu éteindre l'incendie survenu après le vote contre la Tour triangle, où les écologistes l'ont mises en minorité, et ont donc menacé son poste, estime Pierre Chasseray. Elle s'est alors attaquée au seul instrument de pollution visible : la voiture. C'est plus vendeur que le chauffage, qui génère pourtant plus de particule fines. C'est de l'idéologie politique, car le diesel, aujourd'hui, ne pollue pas plus que l'essence."

Face aux accusations visant le diesel, les constructeurs ont en effet développé des systèmes de filtres et d'additifs qui limitent fortement les émissions polluantes, comme le détaille L'Argus. Depuis le 1er septembre, l'imposition d'une nouvelle norme européenne, appelée Euro 6, oblige par ailleurs les véhicules diesel de nouvelle génération à émettre quasiment autant de particules et de dioxyde d'azote qu'un moteur essence, tout en émettant moins de CO2. 

Reste à savoir si ces arguments techniques peuvent modifier un processus politique déjà engagé. Mais dans le passé, de précédents dispositifs anti-diesel, la pastille verte en 1998 et les "Zone d’action prioritaire sur l’air" en 2012, avaient finis par être rapidement mis de côté. De quoi inspirer les adversaires des nouvelles vignettes."Si je recommande aux gens de vendre leur véhicule diesel ? Non, on va se battre pour la vérité, prévient Pierre Chasseray. On obtiendra une commission parlementaire pour que des experts mettent fin aux amalgames dépassés entre diesel et pollution". Le diesel n'est pas encore mort, mais il tousse très fort.

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