Comment les élus locaux vont-ils faire avec 3,7 milliards d'euros en moins ?
Les dotations d'Etat pour les collectivités locales baisseront de 11 milliards d'euros d'ici à 2017, a confirmé le ministre des Finances, Michel Sapin, mercredi 1er octobre. Dès 2015, elles toucheront 3,7 milliards en moins.
"Insoutenable", "disproportionné", "brutal" : les élus locaux sont abasourdis par l'effort que leur demande l'Etat dans le cadre du budget 2015. Michel Sapin, le ministre des Finances, a présenté son projet de loi de finances en Conseil des ministres, mercredi 1er octobre. Parmi les principaux postes d'économies : les dotations aux collectivités locales. Elles seront diminuées de 11 milliards d'euros d'ici à 2017, et de 3,7 milliards d'euros dès 2015.
Sur les principales aides versées par l'Etat aux collectivités locales, soit 79,7 milliards d'euros en 2014, les dotations globales de fonctionnement représentent, à elles seules, 40,1 milliards d'euros. Les communes en perçoivent plus de 23 milliards, les départements plus de 11 milliards et les régions plus de 5 milliards. Ces dotations avaient déjà connu une baisse d'environ 3% par rapport à 2013, après plusieurs années de gel. Cela oblige ces collectivités à faire des économies et à trouver d'autres recettes. Mais comment ?
Elles augmentent les impôts locaux
"Il y aura très certainement une augmentation de la fiscalité locale à prévoir en 2015", a déclaré Alain Juppé, le maire UMP de Bordeaux (Gironde), lors de sa conférence de presse de rentrée, relate 20 Minutes. "Le gouvernement a annoncé le 16 avril une réduction drastique de la dotation globale de fonctionnement qui alimente les collectivités. Donc il faut aujourd’hui s’adapter à cette nouvelle donne", a justifié l'ancien Premier ministre.
La hausse d'impôts locaux "peut être une réponse" à la baisse des aides de l'Etat, explique Alain Trannoy, directeur de l'Ecole d'économie d'Aix-Marseille, dans une tribune publiée dans Les Echos. "D'autant que le 'cycle électoral' est un phénomène bien connu en matière de finances publiques locales", ajoute-t-il. En clair, les impôts locaux augmentent lors des premières années d'un mandat d'un maire, pour se stabiliser avant les élections.
Jean-Carles Grelier, président UMP de la communauté de communes de l'Huisne sarthoise (Sarthe), avoue, dans une interview à La Croix, qu'une hausse de la fiscalité est inéluctable. "Nos taux [d'impôts locaux] sont restés les mêmes depuis 2003, mais sans doute cette période est-elle terminée", confie-t-il. A Forges-les-Eaux (Seine-Maritime), le conseil municipal a déjà relevé, en mai dernier, les impôts locaux de 35%, note L'Eclaireur. "Nous n’augmentons pas les impôts par plaisir. Mais la situation est telle que l’augmentation des impôts était inévitable", explique le maire UMP, Michel Lejeune.
Elles diffèrent ou renoncent à des projets
Dans la Loire, le maire de Saint-Bonnet-le-Château, une commune de 1 500 habitants, estime que la modernisation du réseau d'assainissement va prendre plus de temps que prévu, raconte France 3 Rhône-Alpes. "Ce chantier devait être fait sur cinq ans, il sera finalement étalé sur quinze, vingt ans", selon le maire, Roger Violante. Les édiles sont parfois obligés d'abandonner des projets, comme pour ces petites communes du Jura, regroupées en intercommunalité autour de Salins-les-Bains. Un projet de groupement scolaire est remis en cause, selon France 3 Franche-Comté. "Si on n'a pas le budget pour faire ce groupement scolaire, pour attirer de jeunes couples, c'est la mort des petites communes rurales", déplore Rémy Viennet, maire d'Abergement-lès-Thésy.
La baisse des dotations de l'Etat est moins sensible pour les régions. L'Aquitaine dispose d'un budget de plus d'un milliard d'euros. En 2014, la région a reçu une dotation de près de 260 millions d'euros. En 2015, la baisse sera de 21 millions d'euros, précise Isabelle Boudineau, vice-présidente PS du conseil régional chargée des finances, contactée par francetv info. Néanmoins, tous les projets ne pourront pas voir le jour. "On a un budget de 10% pour investir dans des bâtiments de recherche pour l'université de Bordeaux, de Pau et des pays de l'Adour. Malgré tout, nous sommes obligés de faire le tri et certaines choses seront remises à plus tard", détaille l'élue. "Dans tous les cas, pour financer le TGV, remettre à niveau les TER et entretenir les lycées, nous allons devoir nous endetter davantage", constate-t-elle.
Elles mutualisent des services
Alain Trannoy estime que pour faire face à la baisse des aides de l'Etat, les communes et intercommunalités doivent réfléchir "de concert". C'est déjà une réalité sur le terrain. "Avec Bordeaux, on réfléchit pour avoir des équipements sportifs en commun, assure Isabelle Boudineau, également première adjointe de Bègles. Eux auraient la piscine et nous le stade. Les mutualisations vont de toute façon s'accélérer."
A Châteauroux (Indre), le maire UMP, Gil Avérous, explique, dans une interview à La Nouvelle République, qu'il souhaite mutualiser les services avec les communes des alentours. "D'ici mars 2015, nous avons obligation de rendre un rapport sur la mutualisation des services au niveau de l'agglomération. Il ne s'agit pas forcément de tout mutualiser, mais il y a des pistes", assure-t-il. Gil Avérous souhaite, par exemple, mettre en place un organigramme unique avec un seul directeur des services.
Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, jugeait, en mars dernier, que les mutualisations au niveau intercommunal permettraient de faire 10% d'économies, rappellent Les Echos. Par ailleurs, un mécanisme de bonus-malus pour les élus qui décident de se rapprocher est à l'étude.
Elles rognent sur les dépenses quotidiennes
Les collectivités sont contraintes de revoir leurs budgets à la baisse. "Nous avons déjà enlevé le gras, nous sommes maintenant à l'os, affirme Isabelle Boudineau, première adjointe à la mairie de Bègles. Nous allons, par exemple, être obligés d'augmenter les tarifs des centres de loisirs et des écoles de musique. L'aide aux associations sera moins importante. C'est toute la vie sociale d'une commune qui risque d'être fragilisée." Chaque poste de dépenses est étudié à la loupe. "Nous ne plantons plus de nouvelles fleurs dans les espaces verts, nous arrosons moins, nous faisons moins de tonte", ajoute-t-elle.
Même régime pour la voisine bordelaise. "Les dépenses de communication seront réduites de 10%. Nous serons aussi amenés à diminuer les subventions de la communauté urbaine de Bordeaux de 5% en moyenne", a annoncé le maire de Bordeaux, Alain Juppé, selon 20 Minutes. A Castres (Tarn), le maire, Pascal Bugis, assure que la commune rogne sur "les dépenses qui ne sont pas incontournables". Les classes de découverte pour les enfants des écoles primaires ne sont ainsi plus financées, détaille La Croix.
A La Ferté-Bernard (Sarthe), le festival des arts et des technologies Artec a été supprimé pour deux ans, comme le rappelle Le Maine libre. Le maire, Jean-Carles Grelier, économise aussi sur l'éclairage public. "Il fonctionnera ainsi bientôt une heure de moins chaque jour, ce qui devrait rapporter 12 000 euros par an", précise Le Maine libre.
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