Finances publiques : "Nous sommes dans une boîte noire sans transparence, et c'est très mauvais pour la démocratie", estime le président de la Cour des comptes

Pierre Moscovici appelle à "retrouver un cap" politique pour rassurer les milieux économiques et les partenaires européens et propose que le Haut Conseil des Finances publiques "tamponne", "valide" "systématiquement" les prévisions du gouvernement.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, le 16 décembre 2024 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Nous sommes dans une boîte noire sans transparence et c'est très mauvais pour la démocratie", estime lundi 16 décembre sur franceinfo Pierre Moscovici. Le premier président de la Cour des comptes propose que "le Haut Conseil des Finances publiques soit saisi systématiquement des prévisions de croissance, de recettes et de dépenses" établies par le gouvernement, "et qu'il donne un avis qui aille un peu plus loin que ce qu'il fait aujourd'hui, qu'au fond, il tamponne, il valide". Cela permettrait notamment d'éviter, selon lui, les erreurs de prévisions telles que celles faites par le gouvernement en 2024, sur l'année 2025.

Lors d'une audition, le 12 décembre, l'ancien ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'est reconnu "responsable" de ses actes et de ses choix, alors que les prévisions de déficit public pour 2024, sont passées de 4,4 à 6,1% du PIB début octobre. "Si on avait écouté les alertes de la Cour des comptes et du Haut conseil des Finances publiques, on aurait évité un certain nombre de choses", regrette Pierre Moscovici. "Des erreurs de prévisions, ces deux dernières années, il y en a eu et elles ne doivent pas se reproduire". Une situation qui s'explique notamment parce qu'un "haut fonctionnaire, c'est quelqu'un de loyal, et donc il dit la vérité à son ministre, mais ensuite, c'est le politique qui décide" et "c'est pour ça que je propose d'introduire ce tiers de confiance entre le politique et l'administration".

"Pas de bonne politique publique sans bonnes finances publiques"

Pour Pierre Moscovici, la validation par le Haut Conseil des finances publiques permettrait d'entrer "dans ce que les anglo-saxons appellent le 'comply or explain'", ce qui oblige le politique à dire "à l'administration 'je ne suis pas d'accord avec vos chiffres', et soit elle prend ce que lui donne le Haut Conseil, soit elle explique pourquoi elle ne le prend pas". "Le Haut Conseil, c'est un ensemble d'économistes, si on leur donne un peu plus de temps, un peu plus de moyens, un peu plus de compétence, ils sauront faire", plaide-t-il.

"Ce que j'ai appris dans quelque 40 ans de vie publique, c'est qu'on ne peut pas faire de bonne politique publique si on n'a pas de bonnes finances publiques", poursuit Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes."Comment voulez-vous demain financer l'écologie, financer le numérique, financer la compétitivité, l'attractivité du pays qui sont en difficulté, si chaque année vous remboursez 60 milliards, puis 70 milliards, puis 100 milliards d'euros par an ?", interroge-t-il.

Cette dette française, "ça nous étrangle complètement". "Cette dette, elle est un poids, elle est une asphyxie", ajoute Pierre Moscovici. Selon lui, pour redresser les comptes publics, "ça commence par le politique", car "ce qui fait hésiter les agents économiques, ce qui fait trembler les marchés financiers, ce qui inquiète la Commission européenne, c'est de se dire que la France est fragmentée et difficile à gouverner". "On a besoin de retrouver un cap", insiste Pierre Moscovici. Pour lui, le nouveau Premier ministre François Bayrou est un homme "conscient" et de "bonne volonté".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.