On vous explique pourquoi la filière hippique annule toutes ses courses ce jeudi et manifeste à Paris

Près de 5 000 personnes sont attendues dans la capitale pour protester contre un amendement du gouvernement au projet de budget de la Sécurité sociale. Il prévoit d'augmenter la fiscalité des jeux et paris, notamment hippiques. Le secteur dénonce "un choix mortifère".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une course hippique à Salon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, le 19 octobre 2024. (JEAN MARC FERRE / MAXPPP)

Il n'y aura pas de trot ni de galop sur les hippodromes de France, jeudi 7 novembre. La filière hippique a annulé les courses prévues pour accompagner une grève et la manifestation des associations et professionnels des courses, prévue à Paris. Les amateurs de PMU ne pourront donc pas parier, alors que 25 courses devaient avoir lieu. Les acteurs du secteur veulent protester contre un amendement du gouvernement au projet de budget de la Sécurité sociale, qui prévoit d'augmenter la fiscalité des jeux et paris, notamment hippiques. Franceinfo vous explique les raisons de cette fronde, que le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a tenté de désamorcer ces derniers jours. 

Un projet d'augmentation de la fiscalité qui ne passe pas

L'amendement du gouvernement prévoit d'augmenter la taxe sur les produits bruts des jeux des paris hippiques passés dans le réseau physique (PMU, hippodromes) de 6,9% à 7,5%. Pour les paris en ligne, elle passerait de 6,9% à 15%. Il prévoit aussi d'augmenter la fiscalité sur les publicités et offres promotionnelles des opérateurs, celle sur le produit brut de certains jeux de casinos, du poker en ligne et des paris sportifs physiques (de 6,6% à 7,6%) et en ligne (de 10,6% à 15%). Ce qui pourrait générer jusqu'à 200 millions d'euros de recettes supplémentaires par an.

La filière des courses hippiques a dénoncé le 29 octobre "le choix mortifère" du gouvernement d'alourdir la fiscalité des paris. Cela "met en péril l'activité de plusieurs centaines d'acteurs agricoles, d'éleveurs, et d'entraîneurs", dénonce le communiqué. Si elle entrait en vigueur, cette hausse représenterait un manque à gagner de 35 millions d'euros par an, a alerté Stéphane Meunier, président du Syndicat des entraîneurs, drivers et jockeys de trot (SEDJ), jeudi sur franceinfo. "Ce serait un coup de massue, estime-t-il. Trente-cinq millions d'euros, c'est un mois de revenus pour les professionnels. C'est ce qu'on injecte dans la filière en allocations, c'est ce qui retourne directement aux professionnels, éleveurs, aux entraîneurs, jockeys, drivers, à nos salariés."

Il s'inquiète notamment pour les petites structures "qui peuvent mourir en premier" alors qu'elles "sont déjà beaucoup fragilisées parce que l'économie des courses va mal depuis maintenant dix ans". Stéphane Meunier dénonce aussi l'injustice d'une telle mesure, alors que, selon lui, la filière hippique "rapporte en moyenne 2 millions d'euros par jour à l'Etat, 951 millions par an, sans que ça coûte un centime à l'Etat".

Un amendement retoqué par les députés

L'amendement déposé lundi a été rejeté par l'Assemblée nationale. Dès dimanche, le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a d'ailleurs assuré qu'il désapprouvait la mesure. "Je souhaite que les propriétaires, tous ceux qui font la vie hippique de notre pays, puissent être protégés d'une fiscalité qui viendrait les empêcher de travailler", a-t-il déclaré lors de l'émission "Dimanche en politique".

Lors de la séance de questions au gouvernement, la députée de Mayenne Géraldine Bannier (Les Démocrates) a fait part mardi de l'inquiétude de la filière et rappelé ses bienfaits. "L'écosystème actuel est vertueux : 75% des enjeux sont reversés aux joueurs et 16% servent à financer la filière, font vivre l'écosystème des éleveurs, entraîneurs, propriétaires, jockeys...", a-t-elle exposé.

Laurent Saint-Martin a alors précisé la teneur de cet amendement. Il "permet d'harmoniser la fiscalité sur le produit brut des jeux", a-t-il expliqué, avant de réitérer son refus d'une telle mesure pour la filière hippique. "Nous avons donné un avis favorable au sous-amendement permettant de stabiliser la fiscalité à 7% et pas au-delà pour les paris hippiques physiques ou en ligne", a-t-il assuré. Ce qui laisse entendre que le secteur hippique ne serait finalement pas concerné par cette hausse des taxes.

Toutes les courses annulées pour pouvoir manifester

Si les députés ont dit non, les sénateurs, eux, pourraient être d'un avis différent. C'est la "crainte" de Lakhdar Terbèche, propriétaire et éleveur devenu l'un des visages de la mobilisation. Il redoute "l'instrumentalisation pour démobiliser les troupes", dans Le Parisien. "On reste sur une position dure, pas un euro ne doit sortir de la filière", prévient-il. "Bien que l'amendement du gouvernement visant à augmenter la fiscalité sur les paris hippiques ait été rejeté, il est indispensable de maintenir la pression sur le gouvernement", ont ajouté les organisations du secteur, parmi lesquelles France Galop et la Société du trotteur français, dans une déclaration transmise à l'AFP mercredi.

"Ce sujet risque d'être à nouveau présenté au Sénat ou à tout autre moment dans le processus d'adoption du budget. Et les courses ne doivent pas être une variable d'ajustement budgétaire."

Les associations de la filière hippique

dans une déclaration à l'AFP

Une manifestation a donc lieu jeudi à Paris en début d'après-midi, entre la place Denfert-Rochereau et la place Vauban, derrière les Invalides. Si, pour des raisons de sécurité, les manifestants ne se déplaceront pas à cheval, il y en aura bien quelques-uns dans le cortège, notamment avec le cascadeur équestre et dresseur italien Mario Luraschi. Près de 5 000 personnes sont attendues. Et pour permettre à tout le secteur de se mobiliser, la filière "a été contrainte de prendre une décision inédite : annuler toutes les courses de la journée".

Les seuls précédents de courses annulées en France remontent aux guerres mondiales et plus récemment à la période du Covid-19. Cette annulation des 25 courses prévues engendre un "effort" que la filière évalue à 3 millions d'euros. Selon les chiffres de l'Institut français du cheval et de l'équitation, la France compte 226 hippodromes qui organisent plus de 18 000 courses par an, représentant près de 66 000 emplois.

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