On vous explique pourquoi le déficit public à plus de 5% du PIB inquiète autant l'exécutif

Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié
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Emmanuel Macron et Bruno le Maire, le ministre des Finances, lors d'une réunion à l'Elysée, le 21 juillet 2023. (CHRISTOPHE ENA / AFP)
Alors que le chiffre officiel du déficit public sera connu dans quelques jours, le gouvernement craint de devoir payer davantage d'intérêts sur la dette française et de voir sa crédibilité sapée à l'international. Il redoute aussi des conséquences politiques.

[Depuis la publication de cet article, l'Insee a dévoilé les chiffres du déficit public de la France, évalué à 5,5% du PIB en 2023.]

Les comptes ne sont pas bons. Le déficit public de la France pour l'année 2023, initialement prévu à 4,9% du PIB, s'annonce plus important que prévu. Selon Jean-François Husson, le rapporteur du budget au Sénat, les services de Bercy envisagent un dérapage du déficit public à 5,6% du PIB en 2023, puis 5,7% en 2024 et 5,9% en 2025. Thomas Cazenave, le ministre délégué aux Comptes publics, a déjà fait savoir sur franceinfo que le déficit public de la France en 2023 devrait être "supérieur à 5%". Le chiffre officiel sera rendu public mardi 26 mars par l'Insee. En prévision, le gouvernement prépare déjà les esprits à de possibles coupes budgétaires. On vous explique pourquoi un déficit public au-dessus de 5% inquiète autant l'exécutif.

Parce que la note de la France est bientôt réévaluée

Cette probable envolée du déficit français risque d'abord d'entacher la crédibilité du gouvernement, qui s'était engagé à ramener le déficit à 4,4% en 2024 et sous l'objectif européen des 3% du PIB d'ici à 2027. La France fait en effet partie des mauvais élèves de l'Union européenne. "La situation des finances publiques de la France restera en 2024, comme en 2023, parmi les plus dégradées de la zone euro", avertissait déjà la Cour des comptes dans son rapport rendu mi-mars.

Et cette perte de crédibilité de la France dans sa capacité à tenir ses comptes publics tombe très mal alors que les agences de notation rendent dans un mois leur verdict sur la capacité de la France à rembourser sa dette. Les agences Fitch et Moody's réévalueront la note de la France le 26 avril. L'agence Standard & Poor's, la plus redoutée, se prononcera de son côté le 31 mai. En décembre 2023, Standard & Poor's avait accordé un AA à la France, tout en soulignant une "incertitude (...) dans un contexte de déficit budgétaire élevé".

Une dégradation de la note de la France pourrait renchérir le coût de ses emprunts et grever encore un peu plus les finances publiques. Le gouvernement anticipe déjà que les intérêts de la dette française seront multipliés par deux d'ici à la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron. La France a ainsi dépensé 38,6 milliards d'euros en 2023 pour rembourser les intérêts de sa dette. Selon le gouvernement, cette somme devrait atteindre 74 milliards en 2027.

Parce que le gouvernement doit trouver des coupes budgétaires

Malgré la dégradation des comptes publics, le gouvernement veut tenir sa promesse de ne pas augmenter les impôts. Pour ce faire, il espérait pouvoir compter sur une croissance favorable à 1,4% en 2024, mais Bruno le Maire a finalement dû revoir cette croissance à 1% en février. Le ministre des Finances avait ainsi annoncé dans la foulée un plan d'économies de 10 milliards d'euros dans les dépenses de l'Etat. L'écologie, l'emploi et l'enseignement supérieur sont les postes les plus durement touchés par les mesures annoncées.

Début mars, le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave a à son tour annoncé 20 milliards d'économies supplémentaires en 2025. Le gouvernement entend cette fois rogner dans les budgets de la Sécurité sociale et de l'Etat. Mercredi 20 mars, Emmanuel Macron a ainsi reçu les ministres Bruno Le Maire (Finances), Catherine Vautrin (Santé) et Christophe Béchu (Cohésion des territoires) afin d'identifier des pistes pour freiner les dépenses d'assurance-chômage et de santé.

Parce que les oppositions en profitent pour critiquer

A moins de quatre-vingts jours du premier tour des européennes, les oppositions n'ont pas hésité à s'engouffrer dans la brèche pour critiquer la gestion d'Emmanuel Macron et son gouvernement. "La France emprunte le même chemin que la Grèce en matière de déficit public. Cette gestion calamiteuse des finances publiques doit être censurée", tacle ainsi Eric Ciotti, le président des Républicains, dans Les Echos. Marine Le Pen déplore quant à elle des "résultats pitoyables" et fustige "l'incompétence de ce gouvernement dans le domaine financier".

Du côté de la gauche, les critiques ne sont pas plus tendres. "Soit il y a eu un mensonge dans la construction du budget, soit il y a une incompétence", estime la députée socialiste Valérie Rabault sur franceinfo. "Un déficit de 5,6% du PIB pour 2023 contre 4,9 envisagés, c'est vertigineux", souligne-t-elle. Et de calculer : "Quand on a 0,7 point de PIB de déficit en plus, on est autour de 18 milliards de plus."

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